Prendre le temps ?
Question de timing
Publié le 28/04/2023 à 17:02 - 5 min - Modifié le 16/05/2023 par La COGIP
Le regretté producteur de hip hop J Dilla (aka James Dewitt Yancey), actif du milieu des années 1990 à 2006, nous a légués bien plus que des tubes. Sa signature : un groove en apparent déséquilibre qui défie presque notre oreille interne.
J Dilla joue avec le timing des éléments rythmiques pour créer ce groove particulier, qui fait désormais partie de la grammaire du hip hop. Parfois appelé le drunken drummer beat, ce contre-temps maîtrisé nous enivre.
Exemples :
Commençons par deux exemples illustrant son beat si particulier, que Dilla lui-même nomme ‘simple complex’. Plutôt subtil, on se concentre. Tout se joue dans l’interaction entre caisse claire (snare), grosse caisse (kick) et charley (hi hats)
La MPC : son principal outil de production
C’est un sampleur (échantillonneur) qui se présente comme un instrument de percussion avec 16 pads. Chaque pression sur un pad convoque un sample (échantillon, extrait sonore). Dans le cas de la programmation rythmique, chaque pad va par exemple convoquer un son de batterie.
Le SWING
On a longtemps cru que son swing signature était dû à la manière de J Dilla de programmer ses rythmes à la MPC (voir le chapitre sur Roger Linn dans notre article sur les ingénieurs de l’ombre) : en enregistrant ses parties rythmiques en temps réel, sans les recaler sur la grille rythmique (les sampleurs, boîtes à rythmes et autres séquenceurs proposent cette fonction, connue sous le nom de « quantisation » ou “time correct”). En réalité il procède parfois ainsi, mais le swing qu’il a dessiné et qui fait sa légende est le fruit d’un travail minutieux d’observation.
Pour simplifier, les éléments d’une rythmique sont le plus souvent disposés dans le temps de manière systématique, le plus régulièrement possible : on peut par exemple décomposer une phrase rythmique en 4 temps, chacun divisé en 4 etc…selon une grille régulière où chaque subdivision est égale…
Si des éléments se baladent dans la grille et n’interviennent pas tout à fait dans le temps, alors on peut parler d’approximation si c’est anarchique, ou de swing si cette approximation répond à des règles. Vous me suivez ?
Eh bien Dilla s’est certes allègrement amusé à placer ses éléments à des timings moins convenus, mais il a développé tout un système alternatif, en tordant la grille d’une façon unique, en s’appuyant aussi sur des subdivisions en quintuplet, sextuplet, septuplet… Il fait aussi cohabiter au sein d’une même rythmique des éléments se plaçant sur des grilles différentes.
Les ingrédients principaux de la formule sont le plus souvent : des hi-hats (charley) légèrement irréguliers tant dans leur placement que leur intensité, des snares (caisse claire) légèrement en avance, des kicks (grosse caisse) légèrement en retard.
Exemples d’instrus ayant adopté le timing Dilla
A lire / voir pour en savoir plus :
La chaîne Youtube “Diggin The Greats” propose une analyse détaillée du Dilla Time :
A voir aussi : “J Dilla’s Simple Complex Production Techniques” (en anglais) sur la chaîne Ollie Loops
Nos disques de J Dilla (Jay Dee) en solo :
Donuts / Ruff Draft / Motor City / The Shining / The diary of… / Rebirth of Detroit / Welcome 2 Detroit / Dillatronic
A lire pour aller plus loin dans la revue Audimat, numéro 18 (2022) : la traduction par Sophian Burire d’un long extrait de “Dilla time”, le livre de Dan Charnas
A pister aussi : ses prods pour A Tribe Called Quest, Erikah Badu, The Roots, The Pharcyde, Slum Village…
Cet article fait partie du dossier Prendre le temps ?.
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