Du bruit !
Bruits blancs et sons sales : les musiciens de la saturation
Publié le 09/02/2018 à 08:59 - 2 min - Modifié le 04/02/2020 par GLITCH
Le décloisonnement et les emprunts entre genres musicaux font partie de l’ADN de la musique. La musique contemporaine n’échappe pas à la règle. En témoigne cette mouvance approximative de la saturation, jeunes compositeurs qui puisent dans la dynamique sonore du rock, du free-jazz ou de l'électro...
Leur musique accorde une place centrale à la dimension physique, énergétique du son et du geste instrumental, et à leurs limites. Leur esthétique hybride accueille volontiers des sons « sales », pulsés, saturés ou accidentels.
Ces musiciens doivent sans doute beaucoup à Fausto Romitelli (mort en 2004). Il fut un pionnier de l’hybridation entre rock et musique « savante ». Ses œuvres psychédéliques font appel à la guitare électrique, aux effets de distorsion, saturation, comme dans Professor Bad trip :
Son travail se condense en apothéose dans « Index of metals », vidéopéra planant et halluciné. Romitelli le décrit comme “une expérience de perception totale plongeant le spectateur dans (…) un flux magmatique de sons, de formes et de couleurs, sans autre narration que celle de l’hypnose, de la possession, de la transe.”
Peut-être aussi ont-ils écouté les longues sculptures abstract-noise de Zbigniew Karkowski, ou Kasper Toeplitz, de souffle en bruit blanc, ou les cataractes hurlantes de la harsh-noise japonaise :
Cette façon directe et décomplexée de faire une musique d’impact et d’absorber les sons des musiques actuelles se retrouve chez ces compositeurs de la « saturation». Leur musique semble faire écho à notre environnement sensoriel, saturé de stimuli et de flux en tous genres, bourdonnant d’un chaos affairé, hyperconnecté, toujours au bord du détraquement ou de l’embolie. Ici, la composition devient une affaire d’excès.
Giovanni Verrando, Raphaël Cendo, Franck Bedrossian, ou Yann Robin sont ces sculpteurs du grain bruité et des états-limite du son. Nous voici entre musique spectrale, John Zorn et Jimi Hendrix.
Il y a du bon, et de l’anecdotique dans cette galaxie dont les productions frisent parfois l’indigence spectaculaire. Mais certaines savent aussi emmener la musique dans des contrées neuves et accessibles. Musique en résonance avec un présent sous perfusion cinétique et technologique, qui balade les sens entre atonie et surexcitation.
Ici une sélection de pièces représentatives du genre :
Et un focus sur le remarquable Shadows , anthologie pour quatuor à cordes ébouriffées, chroniquée dans l’Influx (avec extrait).
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