Dans la tête des chercheurs
Paul Béraud, un psychologue au chevet de la terreur
Publié le 31/05/2023 à 07:00 - 4 min - Modifié le 01/06/2023 par Y. E.
Nous sommes souvent fasciné.es ou intrigué.es par les découvertes scientifiques, mais que savons-nous du travail concret des chercheurs ? Quelles questions se posent-ils ? Quels problèmes rencontrent-ils ? Avec quels outils travaillent-ils ? Rencontre avec Paul Béraud, psychologue clinicien, Docteur en psychologie, criminologue et chercheur associé au Centre de recherche en psychopathologie et psychologie clinique de l'université Lyon 2.
- Quel métier rêviez-vous de faire quand vous étiez petit ?
Petit, je ne me rêvais pas devenir psychologue, je ne savais même pas que ce métier existait. Je me voyais plutôt agent secret ou magicien et au fond je me dis que ça parlait peut-être déjà de ce qu’on appelle la psyché, cette dimension assez mystérieuse et énigmatique du fonctionnement psychique, qui renferme parfois de lourds secrets mais capable aussi de transformations fantastiques. J’avais déjà un gout prononcé pour mettre du sens sur ce qui échappe à la raison.
- Comment en êtes-vous arrivé à devenir psychologue ? Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre cette orientation ?
Je me souviens très bien de ma prof de philo en terminale qui nous parlait de l’inconscient et j’ai senti à ce moment-là que je tenais quelque chose. J’ai fait un BAC S mais je préférais les matières littéraires, comme le français, le latin et la philosophie. Enfant, j’étais très curieux et je posais beaucoup de questions. J’ai toujours été attiré par l’origine des choses, l’étymologie et un certain besoin de compréhension. Je crois que c’est ce qui m’a motivé, mettre des mots justes et qualifier les émotions, plonger dans les méandres des logiques de l’inconscient. C’est un choix d’études qui s’est imposé à moi comme une évidence, même si cette évidence a mis du temps à se manifester !
- Et concrètement, au quotidien, c’est quoi être psychologue ?
Concrètement au quotidien, c’est accueillir et prendre en charge la souffrance de nos patients. C’est bien trop souvent entendre des histoires douloureuses et difficiles et les tentatives de s’en sortir sans y parvenir. J’accompagne ces personnes à poser leurs problèmes et les aider à y voir un peu plus clair dans leur rapport à eux-mêmes d’abord, aux autres ensuite et à leur environnement enfin. C’est aussi entendre ce qui n’arrive pas à se formuler, la part du sujet laissée dans l’ombre et le silence, repérer ce qui se répète pour essayer de les amener à faire un pas de côté et à se dégager d’un processus autodestructeur. C’est être là, être un témoin de leur histoire de vie et les soutenir dans leur position subjective.
- Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Actuellement, j’exerce auprès des jeunes adultes principalement mais aussi auprès de personnes en état de crise (principalement suicidaire mais pas que, cela peut être aussi psychotraumatique ou psychopathologique) après avoir exercé pendant 9 ans en psychiatrie auprès de patients schizophrènes violents. Je continue par ailleurs à faire de la recherche sur les thématiques qui m’animent comme la question de l’agir violent, de l’effroi ou encore de ce qu’on appelle les enveloppes psychiques. J’ai également un intérêt particulier pour les méthodes projectives.
- Vous êtes chercheur associé au Centre de recherche en psychopathologie et psychologie clinique (CRPPC) quel est votre rôle au sein de cette structure ?
J’ai un rôle très mineur au sein du CRPPC. La particularité des chercheurs associés au sein du laboratoire est que nous sommes avant tout des professionnels exerçant sur le terrain pour ainsi dire, avant d’être chercheur. Notre activité principale est donc une activité de psychologue clinicien, à savoir la pratique clinique thérapeutique auprès de patients. Toutefois, nous sommes portés par une envie de contribuer à une certaine production scientifique en publiant des articles, participant à des recherches et donnant des cours ou des conférences. Notre approche est par conséquent de l’ordre de la recherche empirique qualitative, c’est-à-dire basée sur l’observation et l’expérience, en appui sur les pratiques professionnelles. Nous défendons une recherche basée sur le « cas unique » ou ce que l’on appelait avant les monographies pour mettre en lumière les particularités/singularités du fonctionnement psychique.
- Pour terminer, quels sont les ouvrages, films ou auteurs qui ont été marquants pour vous ou qui vous ont inspiré dans votre parcours ?
Il me semble que le film Virgin Suicides de Sofia Coppola est un élément clé dans la sensibilité que j’ai développé sur les trajectoires de vie et les constellations familiales, j’étais en seconde quand il est sorti. Le choix de Sophie de William Styron a participé aussi à cette époque à orienter la suite de mon parcours universitaire sans que je ne le réalise vraiment à ce moment-là. C’est une plongée dans le monde de la maladie mentale et des décisions parfois impossibles à prendre car il n’y a pas de « bonne solution ». Je suis sensible aux films d’ambiance et aux livres qui retranscrivent une atmosphère particulière. Je suis convaincu que l’art et la culture nous aident à comprendre qui nous sommes et nous renseignent sur notre fonctionnement psychique.
Paul Béraud présentera son travail à la bibliothèque de la Part-Dieu le 8 juin prochain dans le cadre du cycle Dans la tête des chercheurs
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