Capter, mixer, valoriser
Rudy Van Gelder, ingénieur du son (1924-2016)
Publié le 27/01/2025 à 08:43
- 5 min -
Modifié le 21/01/2025
par
Eric
Premier ingénieur du son crédité sur une pochette de disque, Rudy Van Gelder est un maitre de l’enregistrement. Il est responsable de plus de 2100 œuvres parmi les plus emblématiques du jazz des années 50’, 60’ et 70’.
Lorsqu’en 1952 Lennie Tristano fait inscrire sur une pochette de disque le nom de Rudy Van Gelder. C’est pour remercier l’ingénieur du son d’avoir résolu un problème technique. Pourtant à cette époque l’enregistrement est un passe-temps pour Rudy Van Gelder. Il le fait en amateur, après sa journée de travail dans le salon de la maison de ses parents à Hackensack (New Jersey). Pour cela il utilise des appareils qu’il a construit ou récupérer. Mais c’est pourtant dans ce cadre familial qu’il enregistre quelques-uns des albums essentiels de Miles Davis, Thelonious Monk, Clifford Brown, Sonny Rollins, John Coltrane…



Mais en cette même année 1952, le label Blue Note le recrute. Il quitte donc son emploi d’ophtalmologue pour enregistrer à plein temps. Car alors que Blue Note est reconnu pour la finesse de ses enregistrements. Aldred Lion son manager est impressionné par la qualité du son recueilli par Rudy Van Gelder. Il trouve même en ce dernier un parfait complice. Un technicien éminent à même de répondre aux directives précises qu’il souhaite pour les albums de son label. Mais aussi un homme sans prétention capable de s’effacer derrière la musique et d’être à l’écoute des jazzmen.
Car Rudy Van Gelder connait parfaitement ses outils, leurs usages et il possède l’art du placement du bon micro au bon endroit. Des qualités essentielles et quasi mystérieuses que personne se semblent pouvoir percer et qui le rende unique dans le milieu jazz.
Avec Blue Note Rudy Van Gelder va révolutionner le son des disques de jazz. Il donne aux disques de ce label un son moelleux et boisé dans les basses, musclé dans les médiums, brillant dans les aigus. Capable de restituer le moindre détail musical, Van Gelder obtient ainsi un son plus réaliste et chaleureux que ses confrères ingénieurs du son. Mais il parvient aussi à capter toute la spontanéité et l’excitation des séances.
Les compétences de Rudy Van Gelder permettent ainsi à Blue Note d’être le premier label à posséder un univers sonore reconnaissable. Il participe ainsi à presque toutes les séances du label entre 1953 et 1967. Grâce à lui (et aux pochettes signées par Reid Miles) Blue Note devient La référence en terme de disques de jazz.



Dans le salon de ses parents, les musiciens se sentent à leur aise. Rudy Van Gelder a installé une climatisation, le canapé familial trône au milieu de la pièce, devant la télévision. C’est confortable et intime. De plus les qualités humaines et les exigences techniques de l’ingénieur du son font merveille.
Pourtant dès que la formation est un tant soit peu étoffé la place manque. Le salon ne peut pas par exemple recevoir de grands orchestres. De plus à cette période le jazz évolue, l’intensité sonore augmente, les instruments s’électrifient. Certains instruments comme l’orgue sont aussi difficiles à caser dans la pièce.
Aussi en 1959 l’ingénieur du son crée le Van Gelder Recording Studio à Englewood Cliffs dans le New Jersey, a quelques kilomètres de la maison parentale. Chef d’œuvre acoustique avec son toit conique en bois digne d’une cathédrale. Le studio est un monument historique du jazz dont l’architecte Frank Lloyd Wright signe les plans. La hauteur de plafond participe à la qualité sonore avec une légère réverbération enrichie par le choix des essences du bois de charpente qui diffuse un son large. Mais le studio est également un lieu confortable, accueillant et pratique qui va attirer les plus grands jazzmen.
Dans ce lieu dédié à la musique enregistrée se crée ce qui se fait de mieux en jazz dont des albums les plus essentiels et emblématiques des sixties et seventies. Ainsi très nombreux sont les albums ou sont notés sur la pochette : Enregistré a Englewood Cliffs, New Jersey.
Mais Rudy Van Gelder travailla également pour d’autres grands labels de jazz comme Prestige, Savoy, Impulse, Verve plus tard CTI.



En 1999 Blue Note demanda à Rudy Van Gelder de remastériser les bandes des sessions auxquelles il avait participé. Ceci afin de sortir une collection premium dédiée à l’ingénieur du son et intitulée RVG Session. Il déclara alors : “Vous savez… Je n’avais jamais vraiment écouté cette musique. Et là je pouvais me détendre et écouter. C’était stupéfiant de pouvoir écouter véritablement“.
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