Rétrospective

50 ans de musiques de films japonais

- temps de lecture approximatif de 6 minutes 6 min - Modifié le 26/11/2024 par eva

Le festival Lumière vient une nouvelle fois de se terminer dans la métropole de Lyon, il apportait avec lui des invités et des films aussi hétéroclites qu’internationaux. Parmi ces nationalités, une qui revient chaque année, comme poussée par le vent mystérieux du 7ème art : le Japon. Une occasion pour se pencher sur nos collections de musiques de films japonais ! 

A touch of Japan
A touch of Japan CC BY-NC-SA Pascal Rey

Les années 50 au Japon sont marquées par un désintérêt pour la musique traditionnelle japonaise. De la même manière, il s’agit au cinéma d’une période marquée par la volonté de s’émanciper de ses influences théâtrales envahissantes pour leur préférer une forme de « cinéma pur », plus contemporain, plus occidental. Tout cela va donner naissance à une forme de syncrétisme : les films dits « jidai-geki ».

Prémices

Fumio Hayasaka (1914-1955), souvent cité par John Williams et Ennio Morricone, illustre cette synthèse entre musique traditionnelle et influence occidentale. Musicien autodidacte, ce dernier est originaire d’une génération attachée à sa culture mais également désireuse de se tourner vers les innovations occidentales. On peut notamment citer sa reprise du Boléro de Ravel dans le film Rashōmon d’Akira Kurosawa. Cette collaboration commence avec l’Ange Ivre, dans lequel Toshiro Mifune joue le rôle principal. Cela marque le début du trio Mifune, Kurosawa, Hasayaka qui va se poursuivre pendant de nombreuses années avant la mort prématurée de ce dernier.  Cette collaboration entre Kurosawa et Hasayaka est une des premières du genre dans l’histoire du cinéma, quatre ans avant celle de Rota et Fellini et sept ans avant celle d’Herrmann et Hitchcock.

À contrario, Tōru Takemitsu avait un rapport plus ambigu à la musique traditionnelle japonaise puisqu’elle représentait un souvenir douloureux de la Seconde Guerre mondiale. Il lui préféra alors la musique électro (notamment les compositions de Pierre Schaeffer) et les musiques d’avant-garde, comme celles de John Cage avec qui il entretenait une correspondance. Cette influence peut être ressentie dans la bande son de La femme des sables, dont les sonorités claires et atonales ne sont pas sans rappeler la musique expérimentale qu’affectionnait Takemitsu. Il compose également la musique de Ran en 1985, qui cristallise son parcours à mi-chemin entre l’Orient et l’Occident. 

Reconnaissance internationale

Puis il y a les compositeurs qu’on ne présente même plus tels que Joe Hisaichi, dont le parcours hétéroclite est pourtant assez méconnu et qui constitue un cri d’amour à la musique européenne. Ce dernier s’est essayé au genre jazz et new age avant de finalement se recentrer sur des musiques orchestrales pour accompagner les films de Hayao Miyazaki. Dans Nausicaä de la Vallée du Vent, sa première collaboration avec le studio Ghibli, il reprend des morceaux de Brahms et Haendel qui se mêlent à une bande son majoritairement électro.

 À l’instar de Joe Hisaichi, certains compositeurs plus contemporains se sont nourris de la musique européenne et américaine pour dépasser cette dualité primaire orient/occident et ainsi créer des musiques uniques. Les carrières atypiques de Shigeru Umebayashi et Ryūichi Sakamoto rendent manifeste cette audacieuse innovation. Umebayashi a su s’adapter aux codes du cinéma hongkongais dans lequel il s’est fait connaître avec son style lent et l’usage du pizzicato, notamment avec sa composition la plus connue : In the mood for love. Sakamoto, quant à lui, oscillait entre une personnalité musicale fantasque au sein de son groupe Yellow Magic Orchestra, la musique expérimentale et la composition pour le cinéma avec le Dernier empereur, Little Buddha, The Revenant

Le temps de l’innovation

Nous pouvons également citer Yōko Kanno, compositrice de génie, qui, accompagnée de son groupe The Seatbelts, a composé de nombreuses musiques pour les films de Shin’ichirō Watanabe dans lesquels la musique occupe une place toute particulière comme dans l’anime Cowboy bebop. Ce space opera, inspiré à la fois du film noir, de la comédie et du western est accompagné par une bande son à son image, qui va du jazz (le bebop étant lui-même une sous-catégorie du jazz) au heavy metal. Kenji Kawai est également connu pour ses bandes sons uniques qui accompagnent des œuvres originales comme par exemple l’anime Ghost in the Shell pour lequel il compose une musique atmosphérique qui illustre un monde cybernétique et ultramoderne.

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