A damn fine music
David Lynch, Julee Cruise & Angelo Badalamenti : la musique des anges
Publié le 07/02/2025 à 20:00
- 3 min -
Modifié le 12/02/2025
par
eva
La mort de David Lynch a laissé le monde du cinéma endeuillé en ce début d'année 2025, léguant un univers onirique et mystérieux appuyé sur des musiques emblématiques. Cette bande son est marquée par une collaboration de plus de trois décennies à 6 mains : Lynch à l’écriture, Angelo Badalamenti pour la composition et Julee Cruise pour le chant. Retour sur cette fascinante collaboration qui a donné lieu à une des bandes originales les plus iconiques du cinéma.
Si Julee Cruise est surtout connue pour son interprétation de la chanson « Falling », thème principal de la série télévisée à succès Twin Peaks, celui-ci n’est que la consécration d’une collaboration ayant débuté bien avant.
Tout commence par la rencontre de Julee Cruise et d’Angelo Badalamenti à New York. Ce dernier compose la bande son de The Blue Velvet en 1985. Il y ajoute une chanson originale intitulée “Mysteries of Love” et propose Julee Cruise pour l’interpréter. Cette collaboration étant un succès, Lynch se joint au duo en tant que parolier. C’est ainsi qu’ils composent leur premier album Floating into the Night. Il sort en 1989 mais ne connaîtra un véritable succès qu’un an plus tard, à la sortie de la série Twin Peaks. “Falling” se hissera même jusqu’au top 10 des chartes de single britanniques.
L’album est très original à tel point que les radios de l’époque, même les plus avant-gardistes, ont du mal à le catégoriser malgré ses influences jazz. Les journalistes, dont le magazine Rolling Stones, déclarent qu’il s’agit d’une consécration de la dreampop. Badalamenti a renforcé l’effet onirique de la musique avec la voix éthérée de Julee Cruise ainsi que les nombreux effets sonores utilisés (la réverbération ou le trémolo). Le style de Julee Cruise a d’ailleurs souvent été comparé au groupe des Cocteau Twins. L’album semble ainsi s’inscrire dans le sous-genre des « Heavenly voices ».
Un autre album a suivi en 1993, intitulé The Voice of Love. Bien que certains moments se veulent innovants, l’album reste largement tributaire de son prédécesseur. Nombre de ces musiques se retrouvent dans les œuvres de David Lynch comme Twin Peaks mais aussi Blue Velvet et Wild at Heart.
« Nous avons pourtant très peu parlé. Nous sommes rentrés en studio, j’avais mon idée sur la façon dont la voix devait se placer. […] Inventer des chansons qui mêlent la pureté sonore des années 1950 aux arrangements d’aujourd’hui. Le résultat est peut-être étrange, mais c’est pour Lynch une tentative sincère d’écrire des chansons d’amour. Rien de plus. » Julee Cruise.
Bien que la plupart des compositions soient des chansons d’amour, la voix aigüe de la chanteuse est martelée par des notes plus graves, comme si la légèreté était rattrapée par l’inquiétude et la mélancolie. Les morceaux se languissent et s’étirent de manière lancinante, mêlés de réconfort et de terreur. La musique semble toujours vouloir nous hanter, suspendue entre un style rétro tout droit sorti d’un jukebox des années 50 et une ambiance moderne et psychédélique, tout cela bercé par une atmosphère onirique. Un décalage dérangeant mais aussi grotesque, à l’image de l’œuvre de Lynch. Le vernis d’idéalisme craquèle et laisse entrevoir des réalités macabres, qui s’expriment à travers la mélancolie de ces musiques.
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