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Makrokosmos III ; Black Angels / George Crumb (2006)

- temps de lecture approximatif de 2 minutes 2 min - Modifié le 21/07/2021 par GLITCH

Cet enregistrement d'œuvres de George Crumb est un programme idéal pour rencontrer la musique de ce compositeur rare, aussi accessible qu'exigeant. Une poésie songeuse ou poignante, ouverte à tous les sons du monde, à toutes les musiques de l'Histoire.

 

La musique de George Crumb (né en 1929) s’inscrit dans une certaine tradition de l’avant-garde américaine. Elle partage avec celle de Henri Cowell le goût de l’expérimentation sonore (au piano notamment). Comme celle de John Cage, elle s’offre à faire son de toutes choses, à écouter le monde comme un concert . Elle prolonge aussi le sens des espaces, de la variété des sources sonores qui nourrissent l’oeuvre de Charles Ives.
Plus profondément encore, elle fait écho à la spiritualité naturaliste d’auteurs comme Emerson, Thoreau ou Whitman. Oui, la musique de Crumb semble bien scintiller dans cette constellation contemplative du transcendentalisme américain. Une éthique de descendants de pionniers, instinctive et optimiste, qui voudrait que les beautés de la Création, que l’espace arpenté et rêvé puissent inspirer le progrès humain.

Crumb est un musicien discret. Il ne semble pas avoir pris part aux querelles européennes d’avant-garde qui ont structuré la musique de son temps. Il édifie patiemment son œuvre, collecte des inspirations dans les musiques d’Asie, le folk ou la tradition classique, les sons du soir ou la poésie de Garcia Lorca.

Exécution de Music for a summer evening

 

Bruissements du soir, crissements de la guerre

Son cycle majeur des Makrokosmos (1972-1979), pour piano(s) amplifié(s) et percussions est un délicieux archipel d’objets sonores. Cet enregistrement en propose le 3è volet, intitulé Music for a summer evening.
Concision et volupté harmonique font de ces pièces un cortège de tableaux vibrants, plein de douceur et de densité. Eléments, oiseaux, échos et forces telluriques animent ces partitions sobres et minutieuses qui ne cèdent jamais au remplissage ou à la régression planante. Gratté, percuté, caressé.. le piano superpose ses timbres à ceux des percussions. L’ensemble bruisse, sonne et résonne, se fait voix, gong ou gamelan, instrument d’un rite panthéiste, à la fois intense et recueilli.
Une musique qui semble regarder vers Bartok, Webern et Debussy, et surtout vers les étoiles.

 

Autre jalon important de son répertoire, Black angels (1970) pour quatuor à cordes amplifié, voix et percussions. Il est ici présenté dans une version étoffée, avec l’ajout d’un orchestre à cordes.
Sous-titrée 13 images du pays sombre, c’est une œuvre âpre qui se confronte à l’Amérique de la guerre du Viet-Nam. Elle explore une large gamme d’effets sonores, faisant appel aux voix des instrumentistes, qui jouent aussi d’objets et de percussions. Cette dimension concrète rehausse encore la puissance d’incarnation de cette musique.

Le long des 3 sections (DépartAbsenceRetour) se succèdent stridences affolées, élégie traînante et murmures suspendus.
Passent les ombres de La jeune fille et la mort ou du Dies irae grégorien, les scansions gutturales du théâtre japonais, les mélodies du pays perdu qu’on fredonne.. La pièce n’assène pas simplement un tableau de l’horreur, elle compose aussi avec les vestiges de la beauté saccagée par la guerre. Comme si l’attention aux choses, l’aspiration poétique ne pouvaient, ne devaient que persister, où que se soit égaré leur porteur.

 

A retrouver au catalogue de la BML

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