Réseaux Sociaux : Quand l’Art s’invite dans le Numérique

- temps de lecture approximatif de 7 minutes 7 min - Modifié le 07/09/2024 par asanchez

Les réseaux sociaux révolutionnent la manière dont l'art est diffusé, en un clic, des millions d'images d'œuvres classiques et contemporaines circulent. Comment l'art est alors utilisé, perçu et apprécié sur toutes ces plateformes?

Le défenseur, Honoré Daumier, 1862-65, National Gallery of Art
Le défenseur, Honoré Daumier, 1862-65, National Gallery of Art

Classical Memes: l’art au servir de l’humour

On dit souvent qu’une image vaut mille mots et ici c’est le cas. Plusieurs œuvres sont devenues des supports humoristiques sur différentes plateformes. C’est ce qu’on appelle des memes. Ils prennent plusieurs formes: images, vidéos et sont partout sur les réseaux sociaux. Les utilisateurs s’approprient des œuvres pour représenter une situation drôle de la vie de tous les jours. Dernièrement c’est bien TikTok qui concentre le plus de ces créations. Le format vidéo de TikTok permet de créer des memes dynamiques avec une chute moins prévisible et plus personnelle.

Mais alors quel art ? Quelle période ?

L’art figuratif est le plus utilisé pour ce format humoristique. Il s’agit principalement de la peinture, du dessin et de la sculpture de la Renaissance jusqu’à la fin du XIXe. Les peintres pompiers connaissent une sorte de redécouverte.

On peut notamment citer le tableau  La fiancée hésitante d’Auguste Toulmouche. Cette œuvre tombée dans l’oubli est virale sur TikTok avec des vidéos qui dépassent les millions de vues. On ne connait ni son titre, ni son auteur, on sait uniquement que le visage de la jeune femme a un potentiel humoristique lié à l’identification.

Auguste Toulmouche, La fiancée hésitante, huile sur toile, 1866, 65 × 54 cm, collection privée.

Il en va de même pour le dessin d’Honoré Daumier Le Défenseur. Dessin caricatural d’un avocat en plein plaidoyer, ce qui fait rire est le spectacle que donne l’avocat alors que le visage de sa cliente est mesquin.

Honoré Daumier, Le Défenseur, 1862-65 encre sur papier, Washington DC, National Gallery of Art

Cette utilisation des œuvres est purement humoristique. Parfois les images sont associées à instant de vie que tout le monde a vécu, ou bien parfois il s’agit d’une identification plus personnelle. On ne sait donc rien d’elles, ni l’artiste, ni le sujet, ni l’époque. On remarque que c’est le cas pour toutes ces appropriations. Ainsi, des visages de bouffon du moyen âge au réalisme de la fin du XIXe, les œuvres servent de supports au langage visuel de l’humour sur les réseaux sociaux.

Le Langage Visuel : Quand les Images Deviennent Philosophie

L’art est vecteur d’interrogations philosophiques, sociales, économiques. Sur les réseaux, certaines œuvres d’art vont être un lieu de réflexion sur notre condition humaine et  notre société. Une des œuvres qui a suscité de vives réactions sur le monde de l’art et le système capitaliste est bien évidemment l’œuvre Love is in a bin de Banksy qui s’est autodétruit après sa vente.

Plus récemment c’est Can’t help myself de Sun Yuan et Peng Yu qui a suscité de vives réactions. Il s’agit d’un bras robotique essuyant inlassablement un liquide rouge sur le sol. Des milliers d’utilisateurs ont donné leur avis sur cette œuvre. L’identification est facile et permet de lancer des débats sur la société dans laquelle nous évoluons.

Sun Yuan et Peng Yu, Can’t help myself, New York, Guggenheim (image provenant de la page Wikipédia de l’œuvre)

En règle générale ce sont les œuvres d’art contemporain qui déclenchent ces vives réactions et interrogations. La performance aussi est interrogée, pour son discours mais surtout pour sa forme. La célèbre performance Rhytm 0 de Marina Abramovich par exemple est très discutée sur les réseaux. Les féministes s’en sont emparées ainsi que ceux qui s’intéressent au comportement en groupe dans la société. Les extraits de la performance tournent sur les réseaux, même si souvent ils manquent de contexte, ils permettent aux débats et interrogations de prendre place dans les commentaires entre les internautes.

L’art est donc une illustration de débats sociaux et de réflexions philosophique. Les vidéos ou post sur les œuvres citées se comptent par milliers et il existe de nombreux autres exemples que ceux présentés ici. Ainsi, il faut reconnaître que l’art par ses images permet de visualiser des concepts, des débats qui prennent place dans la sphère publique.

Contemplation : Qu’est ce qu’on aime regarder, pourquoi et comment ?

Les réseaux sociaux sont à l’origine un lieu de partage. Il est donc logique que les utilisateurs partagent des œuvres qui leur ont plu. Création des réseaux, les Edits (montage vidéo court) sont devenus un format apprécié pour montrer un film, une série, une ville, un défilé, un peintre que l’on a apprécié.

Parmi tous les arts, le plus partagé est bien le cinéma. Recommandations, critiques, memes issus de films, passages de films, le cinéma est omniprésent sur les réseaux.

En plus de ces critiques et recommandations, les images des films sont partout. Des affiches au moments forts, l’esthétique des films est reprise comme source d’inspiration ou de contemplation. Barbie de Greta Gerwig avait bénéficié d’un engouement fort devenant rapidement virale. Les images du film se reconnaissent bien par les décors et la mode. Alliant cinéma et mode Barbie a alors réussi à créer une identité visuelle extrêmement forte.

En plus, sur toutes les plateformes on regarde la mode. Les images de défilés sont au cœur d’edits. Des créateurs connus ou non, des pièces contemporaines comme plus anciennes, la mode est un pilier des réseaux.

Beaux-arts: où sont donc les images ?

Les images des “beaux-arts” sont moins présentes, il faut le remarquer. Bien que les vulgarisateurs d’histoire de l’art soient nombreux, les images elles se font plus rares quand il s’agit de contemplation. Les œuvres et les artistes les plus connus sont bien évidemment regardés et commentés mais quasiment toujours dans des cercles d’amateurs.

Néanmoins l’art et ses images vont permettent de créer des esthétiques, des “core“. Ces modes émergentes prennent pour appui des architectures et des décorations bien réelles. Le célèbre Cottagecore par exemple est basé sur les architectures des maisons anglaises de campagne. Ces esthétiques sont des mélanges d’images qui sont issus du monde de l’art: mode, architecture, design, graphisme, photographies, cinéma, musique. Le plus célèbre reste le cottagecore, mais en existe beaucoup: spacecore, gothcore, fairycore…

Enfant sur un chemin à l’extérieur d’une chaumièreaquarelle d’Helen Allingham, XIXe siècle (Wikipédia)

Ce qu’il est intéressant de voir c’est que l’art le plus regardé n’est pas le plus “connu” ou “prestigieux” (au regard de l’histoire de l’art). L’exposition Beau Bad Ugly qui se tient au MIAM de Sète (dont la catalogue sera bientôt disponible à la bibliothèque) met en lumière ces artistes oubliés par les institutions mais pas par le public. On peut citer un nom qui est viral, celui du présentateur et peintre Bob Ross, une figure majeure de l’artiste jamais reconnu mais très apprécié du public.

Au final, l’art est présent sur les réseaux sociaux, sans le moindre doute. Sans même être poussé par les algorithmes, l’art sous de nouvelles formes reste au cœur de la culture visuelle des réseaux sociaux.

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