Faites du bruit !

- temps de lecture approximatif de 9 minutes 9 min - Modifié le 24/05/2025 par Pam

Bruits et légumes en Questions : le mystère élucidé ?

Entendez-vous le cri du fenouil dans l'espace ? - Photo © P. Négrel et S. Curtelin

Peut-être avez-vous déjà croisé cette image à la bibliothèque, puisqu’elle était sur l’affiche de l’atelier de ce mois de février sur le bruitage de cinéma. Vous avez sûrement reconnu la référence et avez souri … Ou au contraire, vous l’avez peut-être trouvée absurde et elle vous a interrogé.e.s … Vous vous êtes même peut-être dit : mais pourquoi les bibliothécaires ont mis un fenouil sur leur affiche, pour un atelier sur le bruitage de cinéma ? Mais quel est le rapport avec la choucroute ?

Il y a bien un lien avec le sujet. Dans l’espace de la saga Alien, « personne ne peut vous entendre crier »… On ne peut donc entendre aucun son. Pourtant, celles.ceux qui ont vu les films ont entendu un fenouil car ce légume a servi pour créer les bruits du Xénomorphe. Qui l’eût cru ? Les bruiteurs, CQFD.

Retour sur l’atelier autour du bruitage de cinéma :

Jean-Baptiste Cornier, bruiteur professionnel et ingénieur du son, a animé le 22 février 2025 une rencontre-atelier au sein de la bibliothèque de La Part-Dieu durant laquelle il a fait découvrir les multiples facettes de cette profession assez méconnue.

Un nombre impressionnant d’objets très divers – et qu’il utilise habituellement pour créer ses bruitages – ont occupé la salle de conférence. Ils donnent une idée de son métier surprenant, car c’est avec des objets souvent issus de nos vies quotidiennes que les bruitages de cinéma sont créés. 

Les participant.e.s de l’atelier s’en sont servi pour réaliser des bruitages sur les deux films courts, Marc de café de Nil Revel et un extrait du Voyage dans la lune de Georges Méliès.

Jean-Baptiste Cornier au montage impressionnant de rapidité !

Films avec les bruitages effectués par le public :

Marc de café
Le voyage dans la lune

Pour prolonger ce moment de création collective joyeux et enrichissant, notre invîté a répondu à quelques questions :

Comment en êtes-vous venu à faire du bruitage ?

J’ai découvert le bruitage au studio Miroslav Pilon à Lyon. Ils appelaient de temps en temps un bruiteur sur de gros projets. J’ai eu l’occasion de commencer petit à petit sur de petites séquences de documentaires au besoin. Puis j’ai bruité des petits courts-métrages et de fil en aiguille j’ai travaillé sur de plus gros projets.

Vous avez réalisé les bruitages du film « Vingt Dieux », sorti cet hiver 2024. Pouvez-vous nous donner des exemples de moments de films que vous avez aimé bruiter ?

J’ai bien aimé les moments sur la fabrication du fromage dans les gros chaudrons. Il a fallu que je trouve des accessoires qui retranscrivent la matière, la grosseur du chaudron et son poids, puis fabriquer des sons précis pour chaque étape de la fabrication du fromage dans le chaudron. C’était très intéressant de travailler en collaboration avec la réalisatrice Louise Courvoisier.

Lorsque vous arrivez au studio, organisez-vous les objets d’une manière particulière ?

Je range mes valises par types d’objets et de matières pour pouvoir très rapidement trouver l’objet adéquat.

Est-ce que des matériaux ou des objets sont souvent utilisés pour faire des bruitages et pour quelle(s) typologie(s) de son(s) ?

Il y a des bruits courants ou l’on utilise les mêmes objets que l’on voit à l’image comme pour les tissus ou les chaussures. Il y a des bruits où l’on utilise des objets qui peuvent paraître insolites mais très classiques dans le milieu du bruitage comme par exemple de la Maïzena dans une taie d’oreiller pour faire des pas dans la neige ou des noix de coco pour des pas de chevaux. Et enfin, il y a des bruits plus spécifiques pour lesquels le bruiteur devra faire preuve de créativité pour le reproduire en studio.

Quel intérêt y a-t-il à bruiter plutôt qu’à monter des sons préenregistrés sur l’image ?

Le bruiteur va recréer les sons que les personnages principaux vont générer à l’image. Il va créer ces sons en se mettant dans l’intention du jeu du personnage comme le ferait un comédien de doublage pour la voix. Il va aussi mélanger les matières pour que des pas et autres sons s’intègrent parfaitement à l’image. Il travaille en live et donc cela va donner du naturel aux mouvements des personnages.

Si on travaillait uniquement avec des banques de sons, il serait plus compliqué de trouver le bon pas sur la bonne matière avec la bonne intention par exemple.

Et donc, vous est-il utile de disposer de banques de sons ?

Non, c’est le monteur son qui va travailler avec ces banques pour créer les ambiances et les fx (effets) en fonction des séquences. Par exemple, une ambiance de forêt, restaurant, les moteurs des voitures, les portes, etc…

Des sons sont-ils plus faciles à bruiter quand d’autres sont plus difficiles à réaliser ?

Cela ne dépend pas tellement du type de son mais plutôt de la direction artistique attendue.

En fiction, chaque son doit être juste. Le bruitage ne doit pas s’entendre. Il est là pour redonner du détail au son du tournage. Les mouvements des personnages sont plus naturels à produire, mais il faut que ce soit le bon son.

En animation, les mouvements des personnages sont souvent rapides, donc difficiles à suivre. Mais il n’y a pas cette justesse de la fiction, on a une plus grande liberté de types d’objets pour que ça fonctionne à l’image.

Quelles sont les difficultés principales du métier de bruiteur ?

Il faut beaucoup de créativité, être en forme physiquement et avoir une bonne concentration.

En combien de temps réalisez-vous l’ensemble des bruitages pour les différentes typologies de films (fiction, animation, documentaire) ?

Fiction 90 minutes : Minimum 5 jours de bruitage. Les temps de fabrication dépendent du nombre de personnes à l’image, si le film est dynamique ou si c’est un film d’époque.

Série d’animation : ex : Les Lapins Crétins : 1 journée pour 2 épisodes de 6min30

Documentaire : C’est variable, on a une liste de Time code et on bruite seulement certaines séquences.

Jusqu’à combien de prises pouvez-vous enregistrer pour créer un son ? Et au minimum ?

De 1 prise à 5 prises pour mélanger les couches en fonction de la scène. Sur un accident de voiture, ça peut être beaucoup plus.

Avant la réalisation d’un film, prenez-vous un temps en dehors du studio pour entendre des sons afin de comprendre ce qui les compose ?

Je suis tout le temps a l’écoute des sons qui m’entourent.

Faut-il avoir une mémoire auditive pour être bruiteur ?

Oui il faut une bonne mémoire auditive.

Est-ce qu’un film ou un bruitage vous a particulièrement marqué en tant que spectateur ? Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Je n’ai pas de films ou de bruitages qui m’ont marqué mais quand je regarde un film, j’écoute souvent la bande son et je me dis, ils sont beaux ces bruitages, comment ils ont fait ? Ou au contraire, je n’aurais pas fait ça comme ça.

Et pour finir, avez-vous une anecdote de tournage à nous raconter ?

La réalisatrice d’un court métrage avec des animaux voulait que j’utilise uniquement des accessoires naturels pour bruiter les personnages. J’ai utilisé des branches, des feuilles et des légumes. Le résultat était sympa.

Pour aller plus loin :

article par Pam et Solène Curtelin – photos © Pam

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2 thoughts on “Faites du bruit !”

  1. türk ifşa dit :

    çok bilgilendirici bir yazı olmuş ellerinize sağlık teşekkür ederim

    1. Pam dit :

      Merci pour votre retour 🙂 = Geri bildiriminiz için teşekkür ederiz 🙂

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