Coppens rejoint Lucy pour les 200 ans de la paléontologie

- temps de lecture approximatif de 4 minutes 4 min - Modifié le 05/10/2022 par DptSciencesTechniques

En cette année 2022, nous fêtons les 200 ans de la paléontologie, terme inventé Par Henri-Marie Ducrotay de Blainville en 1822. Mais le hasard veut que nous déplorions aussi la disparition du grand paléontologue et paléoanthropologue français Yves Coppens.

Fossile d'Archeopteryx (Wikimedia Commons)

Les débuts de la paléontologie

L’étude scientifique des restes d’organismes d’un lointain passé date de la fin du 18e siècle, quelques décennies avant l’apparition du terme paléontologie.

Au début du 19e siècle, des savants comme Georges Cuvier jettent les bases de cette nouvelle science qui remettait en question l’histoire de la Terre et de la Vie telle qu’elle était enseignée par les religions monothéistes. En étudiant scientifiquement les fossiles (mot de 1556 désignant des objets extraits du sol), on s’est vite aperçu qu’ils avaient plus de 4 004 ans. C’était pourtant l’âge de la Création selon l’interprétation de la Bible par l’archevêque anglican James Ussher au 17e siècle. Et cette date faisait alors autorité.

Cette nouvelle science est alors en plein boum, et le successeur de  Cuvier à la chaire d’anatomie comparée du Muséum d’Histoire naturelle, Henri-Marie Ducrotay de Blainville, lui donne un nom en 1822 : la paléontologie. Le mot est composé de trois racines grecques : palaios (ancien), ontos (être) et logos (discours).

Henri-Marie Ducrotay de Blainville (Wikimedia Commons)

On doit aussi à de Blainville la classification des mammifères en trois sous-classes : les Monotrèmes, les Marsupiaux et les Placentaires (qu’il nommait respectivement les Ornithodelphes, les Didelphes et les Monodelphes).

Deux siècles de paléontologie, c’est aussi pas mal d’histoires de paléontologues. L’une d’elle, « la guerre des os », mérite qu’on s’y attarde un peu.

La « guerre des os »

La rivalité entre scientifiques existe.  Mais celle des paléontologues Edward Cope et Charles Marsh a connu la postérité sous l’expression de « guerre des os ». Et le terme n’est pas exagéré.

La fin du 19e siècle est un âge d’or pour la paléontologie aux États-Unis : une véritable course aux fossiles s’instaure et les découvertes sont légion.

Au départ de la guerre des os, une erreur relevée en 1870 par Charles Marsh : Edward Cope aurait inversé « son » fossile d’Elasmosaurus Platuryus, mettant la tête à l’extrémité de sa queue. Une erreur pas si rare que cela, les fossiles étant souvent trouvés complètement éparpillés. Mais Cope prend la mouche, d’autant que l’inimitié entre les deux chercheurs existait déjà depuis quelques années.

S’ensuit une véritable guerre entre les deux hommes et leurs équipes respectives. Et tous les coups sont permis : règlements de compte personnels via la presse, exploitation des gisements fossilifères appartenant au concurrent, tentative de contrôle d’une revue spécialisée (American naturalist) pour publier avant l’adversaire, destruction à la dynamite ou par incendie des restes de fossiles encore non exploités sur le terrain de l’adversaire… Cope ira même jusqu’à détourner le train convoyant des fossiles appartenant à l’équipe de Marsh !

Cope voulut étendre la guerre par-delà la mort, demandant qu’on mesure le volume intérieur de son crâne pour le comparer « le moment venu » avec celui de Marsh. Ainsi la postérité retiendrait selon les critères de l’époque le plus intelligent des deux, soit celui ayant eu le plus gros cerveau ! Heureusement Marsh ne releva pas cet ultime défi.

Oublions cette sombre histoire américaine et tournons-nous vers celle d’un paléontologue français mondialement reconnu qui vient de nous quitter.

Yves Coppens (Wikimedia Commons)

Yves Coppens (1934-2022)

Résumer  la vie du paléoanthropologue français est une gageure. L’homme était l’éclectisme personnifié. Un exemple, en 2001, juste avant de prendre la tête de la commission qui devait écrire la charte de l’environnement (à la demande du président Chirac), il est président du jury des Miss France. “C’est aussi de l’anthropologie”, affirmera-t-il avec malice.

En 1974, les équipes codirigées par Donald Johanson, Maurice Taieb, Claude Guillemot et Yves Coppens explorent la région de Hadar (Éthiopie), précisément les bords de la rivière Awash. Ils découvrent un fossile assez bien conservé datant de plus de 3 millions d’années. Son étude permet de conclure que c’est un hominidé bipède de 25 ans environ, de sexe féminin, que l’équipe de chercheurs nomme Lucy.

Lucy « notre ancêtre » devient une star internationale.

Nous savons maintenant qu’elle n’est pas notre aïeule mais la représentante d’une branche collatérale aujourd’hui disparue : les Australopithèques.

Mais qu’importe, la carrière de Coppens est lancée. L’homme va continuer bien sûr ses recherches en paléontologie mais aussi se révéler comme un formidable vulgarisateur scientifique à travers ouvrages, conférences, plateaux télé, émissions radiophoniques…

 

Yves Coppens laisse en nous quittant à la fois un grand vide et beaucoup de matière à réflexion.

Lucy (Wikimedia Commons)

Bibliographie

Histoire pittoresque de la paléontologie /Mireille Gayet et Claude Babin. Ellipses, 2022.

Bicentenaire de la paléontologie, in Espèces n°45, septembre 2022, pp.16-25.

Origines de l’Homme, origines d’un homme : mémoires / Yves Coppens. Odile Jacob, 2022.

Le genou de Lucy : l’histoire de l’homme et l’histoire de son histoire / Yves Coppens. Odile Jacob, 2000.

Le présent du passé / Yves Coppens. Odile Jacob, 2009.

Le présent du passé au carré / Yves Coppens. Odile Jacob, 2010.

Le présent du passé au cube / Yves Coppens. Odile Jacob, 2011.

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