Doggerland : l’autre Terre du Milieu

- temps de lecture approximatif de 4 minutes 4 min - par DptSciencesTechniques

Des guerriers qui courent pendant des heures dans une lande sauvage de toute beauté : vous regardez le Seigneur des anneaux ? Non, vous êtes dans la toundra du Doggerland. Vous n’avez jamais entendu parler de cette contrée ? Mais peut-être l’avez-vous traversée sans même le savoir...

LaTerre du Milieu et la contrée de Gondor( image Pixabay)

Un peu de paléoclimatologie

La paléoclimatologie est la science qui s’intéresse aux climats anciens, voire très anciens et aux variations climatiques au long de l’existence de la Terre.

Des variations climatiques globales s’effectuent tous les 100 000 ans environ pour des raisons d’ordre astronomique que nous ne développerons pas ici. Ces variations sont appelées cycles de Milankovitch, du nom du chercheur ayant développé cette théorie en 1941.

Ainsi le Würm est le nom donné à la dernière période glaciaire du Pléistocène dans les Alpes. Elle s’étend de 115 000 à 11 700 ans avant le présent. Nous sommes depuis dans une période dite interglaciaire (entre deux périodes glaciaires).

Une des caractéristiques  de ces périodes glaciaires est la capture d’une grande partie de l’eau terrestre sous forme d’immenses inlandsis, nom donné aux nappes de glace recouvrant la terre ferme pouvant atteindre plusieurs milliers de mètres d’épaisseur.

En conséquence, le niveau moyen des mers est nettement plus bas qu’actuellement, de 120 mètres au maximum glaciaire du Würm, ce qui redessine complètement le tracé des côtes, surtout dans les régions où le plateau continental est important. Le plateau continental est le prolongement actuel des continents sous la surface des océans.

 

 

Présentation du Doggerland

La partie du plateau continental situé entre les îles britanniques, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique et le nord de la France est actuellement sous des eaux peu profondes : une partie de la Manche et de la Mer du nord.

Cette terre était émergée pendant tout le Würm. On lui a donné le nom de Doggerland. Oui, vous avez peut-être parcouru Le Doggerland englouti si vous avez navigué dans ces eaux.

Pendant cette période glaciaire, les animaux et les hommes circulaient à pied sec (et à patte sèche), librement, du moins dans la partie qui n’était pas sous l’emprise de la glace. Et bien sûr le futur Royaume-Uni n’était pas une île.

Le Rhin, la Seine et la Tamise étaient alors des affluents d’un même paléo-fleuve (fleuve ancien disparu sous les eaux) se jetant dans l’Océan atlantique de l’époque, un peu au large du Finistère actuel.

Le Doggerland à différentes époques. Carte nationalgeographic.org

Les promesses archéologiques du Doggerland

Des pêcheurs ont parfois ramené des vestiges archéologiques ou des os de mammouths et de rennes du fond de cette mer peu profonde. Une petite partie du Doggerland appelé Dogger Bank était encore hors de l’eau et habitée il y a environ 7000 ans. C’était une ancienne moraine glaciaire, c’est-à-dire un amas de blocs et de débris rocheux détachés d’un glacier et transportés par celui-ci vers son front puis laissés sur place après son recul dû à un réchauffement climatique.

Ce Dogger Bank est maintenant un banc de sable de 17 000 km2 entre l’Angleterre et le Danemark, à 30 mètres de profondeur au maximum.

Des chercheurs de L’université de Bradford (Angleterre) ont mis en en place fin 2015 le projet « Europe’s lost frontiers » afin de cartographier et d’explorer le fond de la Mer du nord qu’on sait riche en traces archéologiques du passé. Autre objectif scientifique : définir le paléoclimat du Doggerland émergé et de la région grâce à l’analyse des sédiments récoltés sur place.

Le Doggerland est riche de promesses. Le souci est que la Mer du Nord est certes peu profonde mais ce n’est pas une des mers les plus calmes du monde !

Scène de chasse. Image www.ulyces.co

La fin du  Doggerland annonciatrice d’un avenir de transgression marine

La  transgression marine correspond à l’avancée de la mer  sur les terres au-delà de ses limites antérieures.

On a vu que le Dogger Bank résiduel du Doggerland a sans doute été définitivement submergé vers 5 000 avant notre ère.

Mais il reste encore environ 30 millions de Km3 d’eau sous forme solide dans les inlandsis du Groenland et de l’Antarctique ainsi que dans les glaciers continentaux actuels. Si l’ensemble fondait sous l’effet du réchauffement climatique, on estime la montée des eaux à environ 75 mètres sur le globe terrestre.

Et il faudra ajouter à cela une élévation mécanique du niveau marin dû à un réchauffement de la température moyenne des océans, qui lui a déjà commencé. En effet, les molécules d’une eau plus chaude se dilatent, et les océans prennent plus de place pour une même quantité d’eau.

À quoi ressembleraient les côtes en Europe et dans le monde avec une élévation du niveau des océans ? Une bonne façon de se rendre compte des dégâts et de consulter la carte interactive Flood maps, établie par Alex Tingles à partir de données de la NASA.

L’image du  futur possible que renvoie cette carte géographique parle plus qu’un long discours.

 

L’Europe occidentale avec un niveau marin de +60m. Flood maps (A. Tinger/NASA)

 

Biliographie

Doggerland (roman) / Élisabeth Filhol, P.O.L, 2019.

Ma grande famille / Karin Bojs. Les Arènes, 2020.

Paléoclimats / Jean-François Deconninck. Vuibert, 2014.

La variation du niveau des mers /Yannick Lageat, Presses universitaires de Bordeaux, 2019.

Submersion : comment gérer la montée du niveau des mers / Laurent Labeyrie, Odile Jacob, 2015.

 

Webographie

Les cycles de Milankovitch, article en ligne de Futura-Sciences.

Site sur les recherches archéologiques en Mer du nord, Université de Bradford (en anglais).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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