Manuel Göttsching “E2-E4” (1984)

- temps de lecture approximatif de 3 minutes 3 min - Modifié le 16/12/2023 par lteillet

Disque capital dans l’histoire des musiques électroniques « E2-E4 » est une des (nombreuses) œuvres précurseurs de la house et de la techno. Samplée par les plus grands DJ de la planète, cette improvisation hypnotique faite de synthés et de guitare a fait le pont entre musique minimaliste et pistes de dancefloor. Aux échecs « E2-E4 » est un mouvement d’ouverture. Idem en musique, ce fut une porte vers de nouveaux possibles.

E2 -E4
E2 -E4

Quand en décembre 1981 Manuel Göttsching entre dans son studio, le musicien n’en est pas à son coup d’essai en termes d’expérimentations sonores en tous genres. A à peine 30 ans, il porte déjà l’héritage de son groupe Ash Ra Tempel, véritable laboratoire krautrock qui, au même titre que Kraftwerk ou Tangerine Dream, a inondé la RDA et l’Europe de motifs synthétiques répétitifs et de nappes planantes au début des années 1970.

Equipé de quelques synthétiseurs, de claviers et d’une boite à rythme, il improvise une boucle autour de deux accords, qu’il déploie et étire à l’envie. La structure se complexifie, puis peu à peu se stabilise, se répétant à l’infini. Le son est chaud, presque dansant. Et enfin, après de nombreuses minutes d’une trance surréaliste, le son d’une guitare…

Göttsching, fait partie de ces « guitar hero » plutôt discrets de l’histoire du rock. Son jeu n’est pas aussi démonstratif que ce qu’implique un tel statut et il n’a pas eu l’ultra médiatisation qui l’accompagne. Mais en 1981 pour 30 minutes en compagnie de sa Gibson SG il est au sommet. Virtuose mais expressif, clair et émouvant, le son de sa guitare fusionne avec les boucles qu’il a construit. Ca ressemble à du David Gilmour (Pink Floyd) mais avec un touché plus jazzy. Le résultat est bluffant et rend chaque écoute aussi extatique que la précédente.

Fasciné par son propre enregistrement, Göttsching finit par le publier (en 1984 !) sur le label InTeam de son ami et ex-collaborateur Klaus Schulze. Comme d’habitude dans ce genre de cas, la presse n’y comprend rien et étrille l’album qui ne circule qu’entre les mains d’initiés. Le célèbre DJ Larry Levan le joue d’abord en intégralité au « Paradise Garage », mythique club new-yorkais. Puis le titre connait le succès grâce au remix de Sueno Latino en 1989. Viennent ensuite Carl Craig, le duo ambient-dub Basic Channel, DJ Duke ou encore LCD Soundsystem qui lui rend hommage avec le graphique de leur album « 45 33 », pour n’en citer que quelques-uns.

Proche de l’accident ou du miracle « E2-E4 », est une œuvre qui a su naturellement se projeter dans la décennie qui lui succédait. On peut la voir comme un passage de témoin entre la scène krautrock des années 1970 et la techno allemande de la décennie 1990. Mais aussi comme un symbole de la transition technologique du vinyle vers le CD puisque la réédition de 1989 permis à l’enregistrement d’être, pour la première fois, écouté sans interruption et en intégralité.

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