HISTOIRES DE PRODUCTEURS
Rick Rubin en 10 titres
Publié le 19/01/2024 à 09:00 - 12 min - Modifié le 16/01/2024 par Luke Warm
Le producteur en musique est une figure la plupart du temps anonyme. Les producteurs les plus réputés sont souvent ceux qui, tout en restant dans l’ombre, arrivent à poser leur marque et à bonifier les chansons dont ils ont la charge, à permettre aux artistes d’aller chercher le meilleur d’eux-mêmes sans travestir ce qu’ils sont.
Beaucoup de producteurs sont aujourd’hui aussi connus que les artistes qu’ils ont produits : Jack Nietzche, Phil Spector, George Martin, Joe Boyd, Bill Laswell, Kim Fowley, Conny Plank, Stephen Street, Ric Ocasek, Brian Eno, Martin Hannett, Steve Albini, Butch Vig, Gil Norton, Dave Friedmann, Nigel Godrich, Dan Carey… ou Rick Rubin.
Rick Rubin naît en 1963 en grande banlieue de New York. Dès le lycée il s’intéresse au punk rock et joue dans le groupe The Pricks dans lequel il est guitariste mais aussi déjà producteur. Il rejoint la New York University et joue dans un autre groupe punk, Hose, qui sort 2 singles (1982-1983) autoproduits édités sur un label créé par Rubin pour l’occasion, Def Jam Recordings.
A New York, Rick Rubin découvre la culture hip-hop, véritable révélation pour ce fan de punk rock et de heavy metal, et commence à fréquenter des artistes tels que Jazzy Jay qui l’initie à la production rap. Ils co-produisent ainsi le titre It’s yours de T La Rock & Jazzy Jay que Rubin sort alors sur le label qu’il avait créé pour son groupe punk. Mais le label Def Jam devient une activité à part entière à partir de sa rencontre avec un autre étudiant de la NYU, Russell Simmons, qui manage notamment le groupe de son jeune frère Joseph, Run D.M.C.. Rick rencontre à la même période un jeune trio de punk hardcore qui commence à incorporer dans sa musique des éléments hip hop. Il devient ainsi le dj live, sous le nom de Dj Double R, des Beastie Boys qu’il décide de produire et signer sur son label. La carrière de Rick Rubin en tant que producteur est lancée…
Beastie Boys “Rock Hard” (1984)
Le premier single des Beastie Boys produit par Rick Rubin fait déjà le pont entre les deux univers musicaux chéris, le rap et le heavy metal, par le producteur et le trio avec ce sample (grossier ?) de Back to black d’AC/DC. Cette fusion préfigure ce qui fera le succès de leur premier album “Licensed to ill“, premier album de rap à atteindre la première place des charts américains.
Run D.M.C. & Aerosmith “Walk this Way”, extrait de Raising Hell (1986)
Cette reprise d’un titre de 1975 d’Aerosmith serait une idée de Rick Rubin. Mais plus qu’une simple reprise ou qu’un sample, ce titre voit collaborer le trio rap new yorkais et Steven Tyler et Joe Perry, chanteur et guitariste du groupe hard rock et devient, à force de diffusion sur MTV, un énorme succès. Les deux formations en sortent gagnantes, Run D.M.C. touchant un public au-delà du cercle rap (l’album Raising Hell sur lequel apparaît le titre est le premier disque rap certifié de platine) et Aerosmith relançant une carrière alors moribonde.
Slayer “Postmortem”, extrait de Reign in Blood (1986)
Si Rick Rubin s’installe comme un producteur rap reconnu, il n’en oublie pas moins ses premiers amours punk et metal en produisant le troisième et meilleur album du groupe thrash metal Slayer qu’il signe sur Def Jam, label alors consacré au hip hop. Rick Rubin apporte sa touche en enlevant toute réverbération sur les guitares et le chant au profit d’un son sec et lourd, “à l’os” (10 chansons en 28 minutes) s’éloignant des arrangements complexes de Hell Awaits, qui fera de Reign in Blood l’un des albums les influents de l’histoire du thrash metal.
Red Hot Chili Peppers “Under The Bridge”, extrait de Blood Sugar Sex Magik (1991)
Album de la révélation et meilleur album du groupe, Blood Sugar Sex Magik inaugure une collaboration entre les Red Hot Chili Peppers et Rick Rubin qui continuera sur de nombreuses années, le producteur étant en charge de tous leurs albums (à l’exception de The Getaway – 2016).
Johnny Cash “Bird on a Wire”, extrait de American Recordings (1994)
Suite à un différent avec ses partenaires, Rick Rubin quitte Def Jam à la fin des années 80 et part à Los Angeles fonder un nouveau label, Def American, rebaptisé quelques années plus tard American Recordings. C’est d’ailleurs le nom qui sera donné au premier projet majeur de ce label : un nouvel album de la légende vivante de la country, Johnny Cash, qui traversait depuis de nombreuses années une crise artistique et commerciale. 9 reprises et 4 morceaux originaux intimistes, enregistrés au Tennessee dans une cabane chez Johnny Cash, uniquement accompagné de sa guitare acoustique. Sensation critique et succès commercial, American Recordings remet le Man in Black sous les projecteurs, le faisant découvrir à un nouveau public.
System of a Down “Chop Suey !”, extrait de Toxicity (2001)
Toujours fan de heavy metal, Rick Rubin repère et signe sur son label System of a Down. Il produira tous les albums du groupe et notamment, Toxicity, leur deuxième et meilleur album, référence de la scène nu metal / metal alternatif.
The Mars Volta “Inertiatic ESP”, extrait de De-Loused In The Comatorium (2003)
Fondé par deux membres de At The Drive-In, Cedric Bixler et Omar Rodriguez, The Mars Volta propose sur leur premier album produit par Rick Rubin un mix inédit de rock progressif, de post-hardcore, de psychédélisme, d’art punk,…. Encore un fois un coup de maître produit sous la houlette de Rick Rubin.
Jay-Z “99 Problems” (2004)
Devenu principalement un producteur de rock, Rick Rubin replonge régulièrement dans la production hip-hop (Geto Boys, Sir-Mix-a-Lot, Lil John…) notamment avec ce titre produit avec Jay-Z sur lequel on retrouve sa marque de fabrique : un riff de guitare, un rythme épuré mais lourd, des samples de classiques du rock, de la soul ou du hard rock… qui rappelle le meilleur du rap du début des années 90 (avec au passage une référence explicite au “99 problems” de Ice-T). A noter que l’hirsute Rick Rubin apparaît à plusieurs repirses dans le clip.
Black Sabbath “God is Dead”, extrait de 13 (2013)
La légende du heavy metal n’avait plus sorti d’album studio depuis le très décevant Forbidden en 1995 quand Ozzy Osbourne (absent depuis 1978), Tony Iommi et sa bande entrent en studio avec Rick Rubin en 2001. Mais l’album ne sera finalisé et ne sortira qu’en 2013 (le temps pour Ozzy de poursuivre sa carrière solo reboostée par la télé réalité “The Osbournes“). Le résultat est inespéré et rappelle le Black Sabbath de la première moitiée des années 70, inventeur du heavy metal. 13 reste à ce jour leur dernier album.
The Strokes “Bad Decisions”, extrait de The New Abnormal (2020)
Enregistré live à Los Angeles dans les studios Shangri-La de Rick Rubin, le sixième album des new yorkais permet au groupe de retrouver une unité, une cohésion musicale et une dynamique absentes de leur précédent album. Rick Rubin serait d’ailleurs encore aux manettes d’un nouvel album enregsitré au Costa Rica.
La curiosité : Adele “Lovesong”, extrait de 21 (2011)
Des démos enregistrées par Adele pour son deuxième album sont confiées à Rick Rubin, peu habitué des productions variétés, qui souhaite donner un son plus live et spontané à la chanteuse britannique. Mais Adele n’est pas satisfaite du résultat des séances d’enregistrement avec Rick Rubin et seuls 4 morceaux de ces sessions apparaîtront sur la version finale de l’album : “Don’t you remember“, “He Won’t Go“, “One and Only” et “Lovesong” (un reprise de The Cure).
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