Easy listening tropical saveur fifties

Exotica

- temps de lecture approximatif de 4 minutes 4 min - Modifié le 05/11/2022 par La COGIP

Détendez-vous. C'est un ordre. On se prépare un cocktail de fruits, on rêve d'un ailleurs. Pas si simple apparemment. Comment faisait-on dans les années 50, avant les tutos ? Eh bien on achetait les bons outils. Des disques pour se détendre, et leurs cousins sophistiqués, les disques pour rêver des vacances sous les cocotiers : l'exotica.

Exotica
Exotica

Du easy listening à l’exotica

Années 50 aux Etats-Unis, les équipements électro ménagers et hi-fi stéréo envahissent les foyers. L’industrie en invente en parallèle la bande son : une musique pour accompagner l’homme moderne dans son quotidien. Oui, la femme aussi. Le terme d’easy listening va peu à peu s’imposer pour définir cette musique domestique et fonctionnelle (avant d’être éventuellement artistique). Principalement instrumentale, c’est une fusion de jazz et de pop, aux progressions douces, aux mélodies enveloppantes, et volontairement passe-partout.

Ouatée et rassurante, elle peut être un outil : elle est utilisée par exemple dans les ascenseurs pour gommer le potentiel stress dans ces cabines qui montent de plus en plus haut. Dans les magasins, elles nous enveloppent et nous hypnotisent jusqu’à ce que nous trouvions pertinent d’acheter un vêtement dont nous n’avons pas besoin. Cet outil commercial insidieux est ensuite décliné par l’industrie musicale sous forme de 33 tours censés vous aider à vous relaxer, à regagner confiance, à cuisiner, à dîner, à passer une soirée des plus romantiques, à optimiser le strip tease. Vous sentez la progression ?

Où est l’exotisme, me direz-vous ? Il arrive dans la société américaine comme une vaguelette bienveillante. La douceur de vivre (relative) de la période d’après-guerre, la croissance économique, un regain d’intérêt pour les arts primitifs, un besoin de légèreté et d’évasion, l’attirance pour les ailleurs exotiques et les îles… Et le récit des soldats de retour au pays, nostalgiques de leur passage par des îles paradisiaques du Pacifique. En 1959, Hawaï devient américaine, bref tout converge on vous dit. Hollywood s’en empare aussi avec la mode Tiki et quelques succès au box-office comme ‘Les révoltés du Bounty’, et d’innombrables productions en technicolor. Le music hall n’est pas en reste avec la comédie musicale South Pacific.

La popularité des établissements de nuit est toujours plus forte. Les clubs lounge, night-clubs et cabarets pullulent. Les crooners envahissent les casinos. Et tous s’adaptent à la fièvre exotique en intégrant sans retenue les rythmes du mambo, du cha cha cha, du calypso.

Easy listening

Nous vous conseillons pour aller plus loin la lecture de “Easy Listening : Exotica & autres musiques légères” d’Erwann Pacaud 

Ce sera tout pour l’historique, et laissons aux sociologues la question de l’appropriation culturelle. Intéressons-nous à ce que nous avons dans l’assiette.

 

Les instruments, les artistes, les disques

Profitez de la science de wikipedia sans avoir à cliquer :

L’exotica se caractérise par des influences musicales puisées dans des cultures d’Océanie, de Polynésie, d’Afrique tribale, des Andes, du bassin amazonien et d’Asie du Sud-Est, principalement par des compositeurs américains. (l’article wikipedia)

Les instruments stars sont le vibraphone, le piano, les congas, les bongos, le marimba. L’incursion de sons de la nature est une composante intéressante de l’exotica : des enregistrements de terrain comme le bruit des vagues ou des oiseaux s’invitent dans les disques, pour planter le décor. Quelques effets électroniques peuvent également ajouter une touche de mystère : Raymond Scott en est un des architectes.

Exotica

Avec autant d’influences, et des ambitions artistiques aussi floues (l’évasion par la musique), le résultat n’est pas toujours flamboyant, mais quelques artistes se détachent tels Martin Denny, Les Baxter, Yma Sumac (surnommée “the queen of Exotica”), Robert Drasnin…

Les Baxter – “Pool of love”. Extrait de l’album “The sacred idol” (1960)

Dans nos bacs, un coffret de 20 albums sur 10 CD “Les Baxter : Milestones of a legend

Dans les notes de pochettes de son album “Ritual of the savage” (1951), il décrit son approche :

« mélanger ses idées créatives avec les mélodies rituelles et les rythmes entraînants des indigènes des jungles lointaines et des ports tropicaux afin de capturer toute la palette de couleurs, toute la ferveur, si expressive des émotions de ces peuples »

Martin Denny – “Jungle flower”. Extrait de l’album “Exotica” (1957) qui a donné son nom au genre.

(extrait du livre Easy listening : exotica & autres musqiues légères” d’Erwann Pacaud):

(au Shell Bar en 1956…) En jouant comme à leur habitude près d’un étang, le quartet découvre qu’ils sont discrètement accompagnés par le coassement de grenouilles qui s’arrêtent lorsque le groupe cesse de jouer et reprennent leurs mélodies quand la musique se poursuit. Le concert évolue alors autour de cette intrusion animale momentanée. Un des musiciens se met à imiter le cri des oiseaux et transporte l’auditoire au coeur de la jungle amazonienne. Le succès de cette improvisation est tel que les soirs suivants, Martin Denny est de plus en plus sollicité pour rejouer cette chanson. Les grenouilles sont alors remplacées par un instrument tropical, le güiro, racloir utilisé en Amérique du Sud, et les cris d’oiseaux sont poussés par le joueur de congas et de bongos, Augie Colon. L’exotica est né.

Yma Sumac – “Bo mambo”

Nous vous la présentions dans L’influx, dans cet article

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Et l’exotica c’est aussi des curiosités, des albums ovni, à l’image de “Eden’s island” par l’énigmatique Eden Ahbez, son unique album qui sortira en 1960. Entre spoken word, percussions tropicales et autres, bruits de nature, mélodies intrigantes, c’est un bel exemple de la puissance évocatrice que revêt l’exotica.

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Ce courant et plus largement le easy listening sera vite balayé sur les platines par la pop et le rock, mais restera à l’image de ses ambitions de fond sonore, un courant discret mais toujours présent. Un archipel sonore à découvrir.

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One thought on “Exotica”

  1. Erwann Pacaud dit :

    Article excellent 🙂 (je suis l’auteur du livre cité…)
    Qui êtes-vous (la ?) mystérieuse Cogip ?

    Bien à vous

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