Oeuvre
Bernard Haillant, chanteur, poète voyageur
Publié le 22/11/2024 à 03:22 - 4 min - Modifié le 19/12/2024 par GLITCH
Bernard Haillant (1944-2002) fait partie de ces trésors enfouis de la chanson à texte. Un de ces « ACI » (auteur, compositeur, interprète), descendant de la triade flamboyante Brel-Brassens-Ferré. Une jeune pousse brillante, éclose des années 70, dans la constellation discrète des Jacques Bertin, Morice Benin, Jacques Debronckart ...
Aux débuts, dans une Crëche
Après avoir hanté les cabarets de la rive gauche et sorti quelques 45 tours, Bernard Haillant cofonde le groupe Crëche (1969-1977). Ses acolytes s’appellent Gaëtan de Courrèges, Jean Humenry, Mannick et Jo Akepsimas. Ces quatre-là sont les artisans d’une nouvelle chanson d’inspiration chrétienne, qui fera le miel des veillées scoutes et de la liturgie renouvelée d’après Vatican II.
Avec Crëche, ces croyants-baladins de l’après 68 inventent un prog-folk choral et théâtral, nourri de musiques trad, à l’esprit plus fraternel que confessionnel.
Eclosion d’un poète-chanteur
Bernard Haillant connaît un petit succès en solo en 1970, avec Le jour où nous serons vieux. Cette supplique lyrique au bonheur, entre Brel et Mike Brant, figure sur son premier album, sorti avec Crëche en 1972. On y trouve la veine humaniste et tendre, cultivée avec ses copains de scène, et qui l’accompagnera toujours.
La variété des styles et instruments qu’utilise le groupe fait aussi partie de l’empreinte du chanteur. Haillant passe du folk babacool à la comptine barrée, de la chronique réaliste au psyché-trad, de la ronde triste à l’hymne vibrant. Ce qui traverse tout le disque, c’est une sincérité touchante, l’humour et la finesse des compositions. Et sa voix, à l’aise dans tous les registres, farcesque, lyrique ou confident.
Sorti en 1974, son 2e album Les Riches Heures Du Temps Qui Passe se tient entre acid-folk et chanson prog/expérimentale habitée, façon Ferré :
Voyageur au long coeur
1976 sera l’année charnière, avec Petite sœur des Iles . Cet album est le fruit de plusieurs voyages effectués depuis 1971 dans les colonies du Pacifique, à la rencontre des peuples autochtones. De Tahiti à la Nouvelle-Calédonie, une découverte émerveillée et solidaire, que Haillant nourrira jusqu’à la fin. Son folk s’enrichit d’airs et de thèmes mélanésiens (La Vaïma, Parahi Oe Tahiti). Le titre Donne-moi une île vogue en rêve, entre Pink Floyd et Vassiliu. Et toc déroule des scènes à la Gauguin sous mescaline.. Et morceau phare de Haillant, le puissant Dick le Mélanésien, hommage à la survie du peuple kanak.
Des mots chair, des mots sang (1981) voit l’année suivante la reconnaissance du chanteur par le Grand Prix Charles Cros. L’album voit s’épanouir et se préciser le style de Haillant, chanson tendre et folle, créole et caméléon. Une bossa-guitare, un folk écorché, un collage halluciné… et toujours l’homme qui cherche, qui aime et qui tremble.
Chemin de frères
Ainsi s’installe le monde en chanson de Haillant, qu’il parcourra encore le long de 5 nouveaux albums. L’homme en couleurs (2001), achève l’œuvre du chanteur-poète. La chanson Tjibaou Yeweiné qui clôt cet album est comme un testament, une invite à prendre le « chemin de frères ».
Une litanie de noms, combattants de la liberté, révoltes avortées, catastrophes humaines s’égrène sur un motif choral inlassablement répété. « Tjibaou Tjibaou .. Yéweiné Yéweiné.. », le nom des 2 militants indépendantistes kanaks assassinés en 1989. Les maux et les héros, les saints et les salauds, invités à pleurer sur le malheur commun. Les voici tous réunis en procession dans cette chanson fleuve, puissante et généreuse. Un dernier témoignage de cet humanisme mi-catho, mi-hippie, de ce rêve fraternel qui tissa toute sa vie de chanteur et d’homme.
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