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Backmasking : rétrolalie musicale
Publié le 16/04/2021 à 09:04
- 7 min -
Modifié le 03/08/2021
par
Luke Warm
Le backmasking (ou backward masking) est une technique d’enregistrement qui consiste à enregistrer des sons ou des paroles à l’envers sur un support musical.
Cette technique a émergé dans les années 50 et 60 avec les enregistrements sur bandes et leur manipulation plus aisée (découpage,…) comme ont pu le faire les compositeurs de musique concrète.
Mais cette technique a été utilisée pour la première fois dans les musiques populaires par les Beatles en 1966 sur leur titre “Rain”, face b du single “Paperback writer”.
L’utilisation du backmasking est volontaire de la part des artistes et doit être distinguée de toutes les théories complotistes concernant les messages masqués et subliminaux (si possible satanistes) cachés dans certaines chansons.
Notre top 10 du backmasking :
The Beatles “Rain”
Ce titre a été enregistré pendant les sessions pour l’album Revolver. A l’origine, l’effet de backmasking a été créé bien involontairement par John Lennon, sous l’effet de la marijuana selon lui, en plaçant et en lisant à l’envers les bandes sur lesquelles cette chanson était enregitsrée. George Martin, le producteur historique des Beatles, revendique de son côté son utilisation réfléchie et volontaire, les fab four étant au moment de l’enregistrement de Revolver à la recherche d’expérimentations de toutes sortes, influencée autant par la musique concrète, le psychédélisme que les drogues.
Le backmasking sera d’ailleurs à nouveau utilisé sur Revolver sur les titres “Tomorrow never knows” et “I’m only sleeping”.
Dans leur utilisation du backmasking, les Beatles n’y voyaient qu’un effet sonore et n’en profitaient pas pour y cacher des messages, contrairement à d’autres.
Pink Floyd “Empty spaces”
Le groupe Pink Floyd utilisa le backmasking à la fin du titre “Empty spaces” (sur The Wall, 1979) qui, joué à l’envers, révèle la phrase suivante :
“Congratulations. You’ve just discovered the secret message. Please send your answer to Old Pink, care of the funny farm, Chalfont”
Cette phrase sera interprétée par certains comme une référence aux déboires psychiatriques et à l’internement en hôpital psychiatrique (“funny farm” en argot) de l’ancien leader du groupe, Syd Barrett, the Old Pink.
La phrase lue à l’endroit :
La phrase lue à l’envers :
Napoleon XIV “!aaaH-aH ,yawA eM ekaT oT gnimoC er’yehT”
La même année que les Beatles, 1966, le groupe Napoleon XIV met en face b de son single “They’re coming to take me away ha-haaa!” la même chanson mais inversée, intitulée “!aaaH-aH ,yawA eM ekaT oT gnimoC er’yehT”. Le single se classa 3ème aux États-Unis et 4ème au Royaume-Uni.
The Stone Roses “Don’t Stop”
Les Stone Roses ont fait un usage extensif de cette technique dans leurs chansons, notamment “Don’t Stop” (backward version de “Waterfall”, les deux titres s’enchaînent sur leur album éponyme), “Guernica” (face b et backward version de “Made of stone”), “Simone” (backward version de “Where Angels Play”), “Full Fathom Five” (face b et backward version de “Elephant Stone”). Ces titres sont donc des versions inversées sur lesquelles le groupe mancunien pose de nouvelles paroles et un nouveau chant.
Electric Light Orchestra “Fire on high”
Dans les années 80, des associations notamment catholiques américaines partent à la chasse aux supposés messages subliminaux cachés dans les morceaux rock. Electric Light Orchestra fût ainsi injustement accusé d’avoir utilisé le backmasking sur le titre “Eldorado” (sur l’album du même nom, 1974) pour cacher un message satanique qui dirait :
“He is the nasty one / Christ, you’re infernal / It is said we’re dead men / Everyone who has the mark will live”
Revanchards, le groupe utilisera par la suite très régulièrement le procédé, d’abord sur son album suivant, Face the Music (1975) sur les titres “Down Home Town” et “Fire On High”. Ce dernier contient un message caché et ironique disant
“Kcab nrut ! kcab nrut ! kcab nrut ! Ton si emit tub, Elbisrever si cisum eht”
soit
“The music is reversible, but time is not. Turn back ! Turn back ! Turn back !”
Mais c’est surtout sur le bien nommé Secret Messages (1983), véritable album concept, que le groupe anglais va incorporer d’innombrables messages cachés recensés ici .
Soundgarden “665”
Le groupe grunge de Seattle Soundgarden a parodié le phénomène du backmasking satanique sur leur premier album Ultramega OK (1988). Lorsqu’ils sont lus à l’envers, les titres “665” et “667” (nombres qui encadrent le 666 satanique) révèlent une chanson sur le Père Noël écrite par Chris Cornell.
“665”
It’s creeping
In so slow
Trapping it, nobody’s homeIt’s creeping in
So slow
Trapping it, nobody’s home[puis à l’envers]
Santa, I love you baby
My Christmas king
Santa, you’re my king
I love you, Santa baby
Got what I need
The Beatles “Because”
Le backmasking, souvent généré à partir de l’enregistrement peut aussi être intégrer au travail de composition comme ont pu le faire les Beatles (encore eux) et leur titre “Because” (sur Abbey road). Ce sera d’ailleurs le dernier titre enregistré en studio par le groupe avant leur séparation quelques mois plus tard.
L’introduction correspond en effet à la Sonate au clair de lune de Beethoven jouée à l’envers. John Lennon, qui est à l’origine de ce titre, a été inspiré par Yoko Ono qui la pianotait un soir alors qu’il était en train de lire.
Mew “Nervous”
L’ album du groupe danois Mew, No More Stories Are Told Today… (2009) contient un morceau, “New Terrain”, qui, lorsqu’il est écouté à l’envers, révèle une nouvelle chanson, cachée, intitulée “Nervous”.
Gnarls Barkley “elpuoc ddo eht”
Le duo Gnarls Barkley (Cee Lo Green et Danger Mouse) a sorti une version alternative de leur album The Odd Couple , intitulé Elpuoc Ddo Eht (le titre original écrit à l’envers) composé d’un seul morceau de 38 minutes et 45 secondes qui est la piste instrumentale, jouée à l’envers, de l’album original.
Frank Zappa “Hot poop”
La technique du backmasking a parfois aussi utilisée pour contourner la censure que pouvait exercer les autorités mais aussi les maisons de disques. Frank Zappa utilisa donc le backmasking pour cacher la phrase
Better look around before you say you don’t care / Shut your fucking mouth ’bout the length of my hair / How would you survive / If you were alive / shitty little person?
dans le court titre “Hot poop” présent sur l’album We’re Only in It for the Money (1968). Ces paroles avait été à l’origine écrites pour le titre “Mother people” (du même album) mais avait été refusées par Verve Records car jugées trop vulgaires. Zappa les a donc cachées, inversées, en fin de face A du disque.
Bonus satanique :
Plus pour le folkore que par véritable pacte avec le démon, Cradle of Filth, groupe britannique de black metal a souvent flirté avec l’imagerie sataniste. Ainsi, le titre “Dinner at Deviant’s Palace”, sur l’album Bitter Suites to Succubi (2001) comporte une lecture à l’envers du Notre Père, pratique sataniste que les sorcières utiliseraient lors de messes noires.
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