Girls wanna have sound

À la rencontre de Pamela Badjogo

Chanteuse, autrice et compositrice gabonaise vivant à Lyon

- temps de lecture approximatif de 14 minutes 14 min - Modifié le 24/09/2021 par Luke Warm

Dans le cadre de l’événement "A corps et à cris" proposé par le réseau de la Bibliothèque municipale de Lyon nous avons souhaité mettre à l’honneur les actrices du milieu musical lyonnais, avec une publication régulière de portraits durant toute la période de l’événement. Cette série d’interviews espère concourir à la visibilité de leur parcours, de leurs réalisations et donne à voir la multiplicité des métiers qu’elles occupent. Les femmes sont là, et nous leur avons donné la parole, en les questionnant notamment sur leur place dans ce milieu. Cette série de portraits est non exhaustive, mais nous aurions souhaité pouvoir toutes les interviewer.

Pamela Badjogo (@Sébastien Rieussec)
Pamela Badjogo (@Sébastien Rieussec)

Pamela Badjogo est une chanteuse, autrice et compositrice née à Libreville où elle a grandi avant de s’installer au Mali en 2005 pour poursuivre ses études de microbiologie. Après l’obtention de son DEA elle se lance dans la musique où elle débute comme choriste.

Son premier album « Mes couleurs » sorti en 2015 a conduit la chanteuse gabonaise sur les scènes les plus prestigieuses du continent africain et au-delà et l’a propulsée en finale du prix découverte RFI en 2016. Résidant dorénavant à Lyon, Pamela sort en 2021 son deuxième album « Kaba » dans lequel elle aborde notamment les sujets des violences faites aux femmes et des inégalités entre les sexes comme sur la chanson « Respectez-nous ».

Au-delà de la musique Pamela est en effet très engagée pour la cause de la femme : dans ses paroles ou sur scène, elle a à coeur de dénoncer les oppressions que subissent les petites filles et les femmes au quotidien. Elle est porte-parole du collectif les Amazones d’Afrique et dirige également le programme « Moussoya yé Koba yé » (« C’est une excellente chose d’être une femme »). Il s’agit d’un collectif d’artistes réunis contre les violences basées sur le genre. Elle est également engagée dans le collectif féministe Fée Ministre.

 

Pouvez-vous raconter votre parcours de vie et d’artiste ? Comment êtes-vous arrivée à faire de la musique votre métier ?

Depuis petite je savais que je voulais faire de la musique mais la musique n’était pas un métier et n’a jamais été considérée comme un métier par mon père. Donc très jeune, il a essayé de m’en dégoûter en me proposant des métiers tels que la biologie, la pharmacie mais en laissant une porte ouverte sur des chorales. Donc, timidement, j’ai commencé par faire choriste de hip-hop au Gabon et j’ai intégré différents groupes. Mais à chaque fois que cette activité prenait de l’ampleur, mon père trouvait toujours une manière très intelligente pour me dissuader d’aller dans ce sens-là. Comme j’ai toujours voulu que mon papa soit fier de moi et puisque lui-même avait fait des études de pharmacie, je me suis tournée vers la biologie mais en parallèle j’ai toujours fait un peu de musique : les matins à la fac, les après-midi dans des studios d’enregistrement.

C’est comme ça que j’ai été amenée à postuler pour faire des choeurs pour Kirikou, le dessin animé. C’est à partir de ce moment-là que je me suis dit que la musique avait un côté intéressant puisque que c’était la première fois que je gagnais concrètement de l’argent pour avoir chanté. J’ai obtenu mon DEA en microbiologie et j’ai décidé d’accepter que mon papa ne me soutiendrait jamais et qu’on allait rentrer un peu en guerre lui et moi. Puis j’ai rencontré Sébastien, mon conjoint, qui à l’inverse de mon père est quelqu’un qui a envie de vivre ses rêves, qui m’a donné du courage pour moi aussi vivre mes rêves. Ainsi, en 2015, j’ai enregistré mon premier album solo puis une deuxième qui est sorti le 26 février de cette année et aujourd’hui j’ai la tête pleine de projets, pleine de rêves pour demain, pleine de musiques dans différents styles que ce soit du jazz, de la World Music ou même de l’electro.

Quelles sont les figures féminines qui vous ont marquée dans votre parcours ? Auxquelles vous avez pu vous identifier, ou qui ont compté dans votre construction personnelle ? Au contraire, y a-t-il des figures qui vous ont manqué dans cette identification ?

La première figure féminine qui est aujourd’hui mon modèle, c’est ma mère. Nous avons longtemps été en opposition parce qu’au moment du divorce avec mon père, elle n’a pas obtenu ma garde. J’ai été élevée par mon père et donc j’ai grandi sans ma maman. Mais une fois qu’on a fait la paix, j’ai appris à la connaître, j’ai vu comment elle s’est toujours battue. J’ai aussi compris son point de vue parce que, au fond, elle était juste à la recherche d’un peu de liberté et d’un peu de gratitude. J’en fais un modèle car elle est une source de sagesse, c’est une femme pleine de clairvoyance. Je dirais même qu’elle est avant-gardiste car une femme qui demande le divorce en Afrique dans les années 90 c’est quasiment un blasphème. Mais ma mère a osé le faire non pas parce qu’elle n’aimait pas mon père mais parce qu’elle ne se retrouvait pas dans ce couple. Aujourd’hui, c’est banal, mais il y a 20 ans ça ne l’était pas. D’un point de vue spirituel, de la maturité, de la liberté et même de l’envie de revendiquer, elle est la femme qui est mon modèle actuellement.

Miriam Makéba est une grande figure africaine, c’est une femme qui a eu le courage de soutenir Nelson Mandela lorsque tout le monde lui a tourné le dos et que tout le monde avait peur au moment de l’Apartheid. C’est une femme qui m’inspire toujours. Je n’ai pas son charisme mais, dans mon studio, j’ai une photo d’elle sur mon mur. Je la respecte énormément.

Il y a aussi Nina Simone, cette petite femme noire qui a décidé, qui a voulu de toutes ses forces diriger un orchestre, faire de la musique et arriver au sommet. Elle représente pour moi le fait de croire en ses rêves. Peu importe ce que les gens vont dire, peu importe ce qu’ils vont penser et peu importe la manière dont ils vont le prendre.

Enfin, je pense aussi à Rosa Parks. Rosa Parks c’est aussi un modèle. Toutes ces femmes sont des modèles de défiance. Je crois que la liberté découle de la défiance. Quand une femme qui sait qu’elle joue sa vie, qui prend le risque et a le courage de poser des actes aussi importants que ceux de Rosa Parks, je suis en admiration. Donc, dans mon studio d’enregistrement ou ici dans mon appartement, sur mes murs, il y a ces 3 femmes qui sont affichées : Miriam Makeba, Rosa Parks dans ce bus et Nina Simone. Ce sont mes modèles.

 

Vous êtes très investie et même à l’initiative d’associations ou de collectifs engagés sur les inégalités de genre notamment en Afrique. Quels ont été les éléments déclencheurs de votre prise de conscience et de votre engagement ?

Le premier élément déclencheur, en grandissant, ce sont les petites injustices que la petite fille subit au quotidien. Mon père a 16 gosses, et je suis l’une des plus grandes. Ça veut dire qu’en grandissant, la majorité des tâches ménagères et la responsabilité de tout ce qui était lié au foyer à la maison me revenait. J’ai donc grandi dans cet univers. Au début, on ne se rend pas compte des injustices. On se rend pas compte du fait que ton petit frère moins âgé que toi peut aller jouer dans la cour pendant que toi tu fais la vaisselle. Puis en grandissant, il y a une espèce de rapport de force qui s’installe avec les garçons.

Votre corps change, on a une poitrine qui se développe, on a des hanches qui se cambrent et tous les jours il y a des petites remarques, des petites piques puis de sifflotements, des mains aux fesses. Au fur et à mesure, ces gestes-là deviennent insupportables. A 16 ans, j’ai décidé de ne porter que des habits larges et des baggys parce que je ne voulais pas qu’on s’intéresse à mon physique. Je ne voulais pas que l’on me réduise à ça. Je faisais beaucoup de sport à l’époque, de l’athlétisme mais on se focalisait sur mes formes au lieu de regarder mes performances, ça devenait très gênant. J’ai d’ailleurs interpelé la directrice du lycée dans lequel j’étais en terminale car je n’aimais pas la manière dont le prof de sport me regardait ou me faisait des remarques. Au lieu de me soutenir, elle n’y prêta pas attention et, au contraire, m’accusa : si le prof de sport avait ces gestes déplacés, c’était à cause de mes tenues de sport trop sexy, un collant et une brassière, une tenue de sport pourtant normale.

C’est à ce moment-là que je commence aussi à me rebeller contre mon père qui veut à tout prix que je fasse pharmacie alors que moi je veux chanter. Je trouve donc une bourse d’étude et je pars m’installer au Mali, pour être heureuse, pour être loin de ma famille, pour créer mon univers et mener ma vie comme je l’entends. Mais je me rends rapidement compte que je rentre dans une société encore plus patriarcale. Je me rends compte qu’au Mali j’ai encore moins de liberté que ce soit au niveau vestimentaire ou dans la façon de penser. Je vois bien que les maliens qui m’ont adoptée, qui m’aiment et que j’aime, sont moins tolérants avec moi quand je sors le soir toute seule, quand je sors me balader. Je vois bien que le petit ami que j’avais à l’époque, qui est malien, ne comprend pas pourquoi, des fois le soir, je ressens le besoin d’aller me balader dans les rues et d’aller marcher. C’est ma façon à moi de m’évader mais, dans sa tête, il a l’impression que je suis une prostituée, que la nuit ou les soirs, quand je vais marcher, je me faufile dans les rues pour rencontrer des hommes. Je réalise que je ne veux pas être enchainée, je n’ai pas envie d’être privée de la liberté d’aller faire une balade, d’aller dans un restaurant, d’aller boire un verre.

Parce que je suis une femme, je dois être accompagnée par un frère, un ami ou un garçon, une présence masculine, et cela me révolte. Je commence alors à m’intéresser au féminisme, aux actions portées par des femmes. Je rentre en contact avec ONU femmes pour me mettre au service de la cause des femmes. Je découvre des situations horribles, des femmes qui ont été poignardées, des femmes à qui on a coupé un sein par jalousie. Avec une amie, Amy Yerewolo, une chanteuse malienne, nous créons un collectif. Nous rencontrons le ministre de la Justice malien et on lui dit qu’il faudrait plus de lois pour protéger les femmes. Mais tout ce qu’il a fait, c’est corriger les fautes d’orthographes du projet que nous lui avons remis.

Après cette rencontre, je me rends compte que le combat ne devrait pas être tourné vers les femmes qui subissent déjà des violences, qui ont grandi avec ça et l’ont intégré. Le combat serait plutôt d’éduquer les petites filles qui risquent de le vivre dans le futur, c’est là qu’est le vrai combat. Je décide alors de devenir marraine de l’école Karama, une petite école dans laquelle sont scolarisées des filles d’un peuple, que je dirais damné : des pêcheurs à la vie toute tracée et dont les femmes sont mariées très jeunes. Le projet consiste donc à les scolariser, à les éduquer pour leur donner envie de penser à autre chose.

Je suis également présidente du collectif Moussoya yé koba yé, qui veut dire « la femme doit être respectée ». Avec ce collectif et ONU femmes, on distribue des kits à toutes les femmes qui ont été violées pour éviter des maladies sexuelles et des grossesses non désirées. En France, je participe avec des copines au collectif Fée ministre, dont je suis la porte-parole. Dans ce collectif, nous soutenons des femmes qui ont été victimes de violences sexuelles et qui souhaitent porter plainte.

En tant que femme africaine, pensez-vous que la lutte pour l’égalité homme-femme s’inscrit dans un contexte plus global d’une lutte contre toutes les discriminations (de genre, d’origine, d’orientation sexuelle,…) ?

En Afrique, la lutte contre les inégalités se vit à plusieurs niveaux. On commence par lutter contre les castes et contre l’héritage culturel : il existe tout un héritage qui pèse et qui est très présent en Afrique où l’idée de communauté prime. Nous ne sommes pas dans un modèle nucléaire avec papa, maman et enfants. Nous sommes dans une famille élargie, la communauté. On commence par se battre contre ces rites, contre cette culture qui voudrait que la communauté soit portée par maman à la maison qui s’occupe de la bouffe pendant que papa va chercher de l’argent. On se bat aussi contre l’héritage religieux qui positionne la femme à une place inférieure.

Les « humains malins », c’est comme ça que je les appelle, vont tirer des versets bibliques, vont tirer des versets du Coran, en les détournant, la justification de l’infériorité de la femme. Il faut aussi se battre contre l’idée selon laquelle une femme qui se libère est une pute. Il faut aussi se battre à un autre niveau : l’égalité des chances dans le travail, dans les postes occupés, l’égalité salariale. On se bat en fait à plusieurs niveaux.

On peut donc intégrer la lutte pour l’égalité des femmes africaines dans une lutte globale puisqu’elle ne se manifeste peut-être pas de la même manière dans différents endroits de la planète mais au fond la finalité est la même : on veut plus d’égalité entre hommes et femmes.

 

Le hashtag #musictoo est régulièrement à la Une ces derniers mois : la parole se libère pour dénoncer des situations de harcèlement sexuel très installées dans le milieu de la musique. Quel est votre regard sur cette actualité ? Que pensez-vous des initiatives comme D I V A, Paye Ta Note ou Change de disque ? Pensez-vous que ces combats créent une forme de lien entre les artistes ?

J’ai été moi-même victime de harcèlement. L’une des raisons pour lesquelles je ne me suis pas lancée dans une carrière solo à 23 ans lorsque Sony Music Afrique et son ancien directeur m’ont proposé un album, c’était à cause du harcèlement que j’ai subi à cette occasion.

Avec plein de musiciens, avec plein d’artistes avec lesquels j’ai tourné, j’ai dû quitter des orchestres parce que des artistes ont soit tenté d’abuser de moi ou m’ont harcelée au point où je ne pouvais plus rester. J’ai quitté des groupes de musique pour ça et je comprends totalement ce mouvement.

Avant même les hashtags utilisés aujourd’hui, j’avais déjà commencé à me rebeller. J’avais une belle émission dans une bonne télévision à Bamako que j’ai dû abandonner suite à du harcèlement. Je sais ce que c’est et ça fait plaisir aujourd’hui de ne plus être considérée comme folle parce lorsque je dénonçais ces agissements, tout le monde tournait ma parole en dérision. Aujourd’hui je ne suis pas la seule folle, nous sommes des folles et finalement nous sommes tellement nombreuses à être folles que c’est nous la vérité, c’est nous la normalité. Ceux qui nous traitaient de folles sont dorénavant les fous, les insensés. Je souhaite et j’espère donc que ces mouvements continuent, que ces mouvements ne s’arrêtent pas tant que les femmes n’ont pas obtenu gain de cause. Pour moi, l’égalité homme-femme, c’est le combat, c’est la lutte la plus importante de ce siècle.

En tant que femme, avez-vous parfois éprouvé des difficultés pour faire votre place dans le milieu musical ? Avez-vous dû vous battre pour être reconnue et légitime ?

La première raison pour laquelle, en tant que femme-artiste, je me bats, c’est pour défendre mes idées, mes choix artistiques et musicaux. Lorsque j’ai débuté la musique en solo, après la période pendant laquelle j’étais choriste – car quand tu es choriste, tu fais ce que l’on te demande, c’est le jeu – je ne connaissais pas la musique, j’étais autodidacte. J’avais des mélodies dans la tête mais lorsque tu vas vers des musiciens hommes, ils ne te laissent pas le choix d’exprimer ce que tu as dans ta tête, ils savent tout à ta place et ça c’est lourd. C’est lourd car, du coup, tu te retrouves avec des chansons sur ton album que tu n’assumes pas. Que tu n’assumes pas parce qu’elles ne correspondent pas à la direction musicale que tu voulais donner, parce qu’à un moment donné j’ai été bloquée par un manque de connaissances musicales et j’étais en face de quelqu’un qui n’a pas voulu écouter ma direction.

Bien sûr il y a des personnes qui écoutent mais d’autres te regardent de haut quand tu leur demandes de jouer d’une manière particulière. Ils te regardent de haut parce que tu es une femme et que tu n’as pas à lui dire comment il doit jouer de son instrument. Ils ne le supportent pas. J’ai alors décidé d’avoir les armes de mon côté, de me former musicalement en autodidacte. Pour mon 2ème album, j’ai eu la chance de rencontrer des directeurs musicaux avec qui les choses se sont passées différemment.

Maintenant, je connais la musique, je sais ce que je veux, je n’ai peut-être pas toujours les bons termes mais je sais ce que je veux entendre résonner. Si je veux entendre résonner un fa bémol, ce sera un fa bémol. Et ça, c’est un grand combat, c’est le combat de la confiance en soi et de dire : c’est mon projet, c’est moi qui le dirige. Je choisis qui joue pour moi et ensemble on développe. Je ne suis pas non plus un tyran. J’écoute les gens qui jouent avec moi. Je leur laisse la liberté d’exprimer leur talent dans ce que j’ai conçu. Aujourd’hui, c’est moi qui conçois et j’en suis très fière car, bientôt, je vais pouvoir rajouter la petite mention “productrice” sur mes chansons et ne plus revivre la grosse frustration du premier album.

 

Vos chansons abordent frontalement dans leurs paroles les questions féministes, faisant le lien entre votre pratique artistique et votre engagement personnel. Pensez-vous que la musique puisse être un vecteur de prise de conscience et de combat efficace ? Avez-vous des modèles d’artistes qui ont à votre sens fait bouger et avancer leur cause ?

La musique est clairement un vecteur doux qui permet de diffuser un message intéressant, important, dans une langue finalement que tout le monde peut comprendre ou qu’une grande partie de la population peut comprendre, sans frustration, sans que les gens ne s’énervent, ne se fâchent, ne se disputent. Parce qu’en général, quand on aborde ces questions de féminisme dans les débats, on a ceux qui sont braqués et puis on a ceux qui sont en colère, on a celles qui ont tellement souffert qu’elles n’arrivent plus à maîtriser leur colère et puis on a celles qui prennent les choses à la rigolade mais qu’on n’écoutent pas toujours; etc… Il y a plein de types de personnes dans les débats.

Sauf que lorsqu’on l’aborde en musique, on est jovial, on danse, on utilise un langage facile soit dans les paroles, soit dans les vidéos. D’une manière ou d’une autre, on fait passer le message sans frustrer. On fait naître une prise de conscience, on fait prendre conscience aux gens de quelque chose et, en rigolant, ils finissent par comprendre le message. Il y a plein de femmes qui m’écrivent et qui me disent qu’elles ont fait écouter à leur mari et que l’humour a permis une prise de conscience sur le respect dû aux femmes. Je dis à chaque fois que je fais du féminisme en sous-marin, que les valeurs que l’on veut inculquer aux hommes s’infiltrent ainsi tranquillement. Ils finissent par comprendre ce qu’on leur demande. Il faut bien sûr se battre sur plusieurs fronts. Il y a d’autres artistes qui ont d’autres méthodes, moi j’ai celle-là : l’humour. Et en fait je n’accuse personne, je pose le problème et je laisse à chacun la possibilité de trouver la bonne réponse, de trouver la bonne solution sans accuser personne. C’est pour ça que ça marche en fait.

Mes modèles sont plutôt anglophones mais la plus grande pour moi, la plus grande bosseuse, la plus grande artiste qui a dû imposer sa musique, sa couleur de peau et son talent, c’est clairement Beyoncé. Quand on voit le travail qu’elle a fait pour sa communauté et pour la femme, ça inspire. En France, qu’on le veuille ou non, Mylène Farmer est une avant-gardiste du féminisme. Elle a peut être parfois choqué des gens mais j’ai toujours été fan de Mylène Farmer. Une femme qui arrive à faire un clip dans les années 80 habillée en nuisette, il faut le faire, il faut avoir du courage, il faut avoir un tel niveau d’abnégation, de résilience, de confiance en soi. Respect.

 

Quels conseils donneriez-vous à une femme qui aimerait se lancer dans une carrière musicale ?

Premièrement, je lui dirais : c’est dur. Deuxièmement, je lui dirais : si tu veux réussir dans une carrière musicale, considère-toi comme étant un humain avec un grand H sans a priori sur le fait que tu sois une femme ou un homme. Tu vas bosser comme tout le monde et si tu veux que ta carrière musicale marche, considère-toi comme une artiste et non pas comme une chanteuse. Dès le moment où tu te considères comme une artiste, tu crées dans ta tête une direction et tu sais ce que tu veux pour ta musique. C’est à partir de ce moment que tu pourras te tenir en face des musiciens hommes comme femmes, adultes comme enfants, et leur dire : voilà pour ma musique, je veux que ça sonne comme ça. Lorsque tu rentres dans une carrière musicale il faut que tu aies un objectif, il faut que tu saches quelle direction artistique tu veux donner à ton projet. C’est à partir de ce moment que ça va marcher et que l’humain avec un grand H va te respecter pour ton travail et non pas parce que tu es une femme.

Et puis la dernière chose, je demanderais à ces femmes d’être honnêtes avec elles-mêmes : si ta musique te donne des ailes alors vole, si ta musique te donne de la liberté alors libère-toi, si ta musique te rend introvertie, deviens introvertie. Mais vis-la, vis ta carrière musicale avec ses hauts et ses bas, en espérant que la chance un jour tourne et que le soleil illumine ton talent.

 

=> Retrouvez l’intégralité des interviews ici

 

 

Cet article fait partie du dossier GIRLS WANNA HAVE SOUND !.

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