Otto Dix, observateur d’une société en guerre
Publié le 21/06/2023 à 08:14 - 5 min - Modifié le 22/06/2023 par societe
Artiste peintre et graveur allemand, Otto Dix est connu pour la violence de ses œuvres. Traumatisé par les horreurs de la guerre, il participe aux deux guerres mondiales en tant que soldat. Son art en est une critique. Nous le présentons, en écho au conflit russo-ukrainien.
Un artiste au cœur de son époque
Artiste allemand, Otto Dix emploie dans son œuvre plusieurs techniques (gravure, dessin, collage, peinture…) sur une variété de formats, de la feuille au triptyque. Lors de son apprentissage, il s’est essayé à plusieurs mouvements artistiques, s’initiant avec le cubisme et le futurisme. Il s’aventure ensuite avec les dadaïstes et expressionnistes. Après la Première Guerre Mondiale, il finira lui-même par cofonder la Nouvelle Objectivité. Ce mouvement regroupe des artistes et intellectuels tout aussi contestataires que lui, tels que les peintres George Grosz et Max Beckmann.
Critiques de l’Allemagne dans un contexte de guerre, d’entre-guerre et d’après-guerre, ils dépeignent une société hypocrite se perdant dans l’hédonisme. Dépeignant les atrocités de la guerre sans l’idéaliser, leur art est considéré par les nazis comme « dégénéré ».
Peindre la guerre
Otto Dix est connu pour le réalisme de ses œuvres, et pour son choix de sujet rarement mis en avant comme la pauvreté et la guerre. Les guerres, et la violence qui en découle, ont beaucoup influencé la peinture allemande qui s’est fait art contestataire. Ses œuvres en représentent l’horreur tout en l’accentuant. L’anatomie incorrecte souligne les déformations des corps quelques fois mutilés et les expressions horrifiées de ses sujets. Les perspectives déconstruites relèvent du cubisme. Les couleurs irréalistes renforcent les détails. Ce chaos maitrisé relève tout de même d’une forme soignée.
C’est aussi le cas dans ses œuvres en noir et blanc, comme dans la série de 50 gravures Der Krieg (1924), exposée en intégralité à l’Historial de la Grande Guerre à Péronne. Cette vision apocalyptique mais réelle de la guerre met en scène sans filtres des soldats, cadavres et des champs de bataille dénué de vie. La violence de ses œuvres rend compte de la laideur de la guerre, sujet tabou à l’époque.
Œuvre contestataire, œuvre censurée
Au cours de l’Histoire, la critique de la société et du pouvoir est rarement reçue avec allégresse. Le travail d’Otto Dix a été censuré à plusieurs occasions. La Tranchée choqua le public lors de sa première présentation ; aujourd’hui, elle n’existe plus car probablement détruite par le régime nazi. Professeur à l’Académie des beaux-arts de Dresde, il est renvoyé dès le changement de régime. Ses œuvres seront présentées en 1937 lors de l’exposition « L’art dégénéré » à Munich organisée par le régime nazi. L’intérêt était de dénigrer l’art des artistes exposés pour mettre en valeur l’art officiel de l’État. Leur art dénonciateur ne collait pas à l’esthétique mise en place par la propagande hitlérienne. Otto Dix est forcé d’intégrer la Chambre des Arts du ministère de la culture de Goebbels, où il est interdit de critiquer le gouvernement.
Cette situation nous renvoie à celles des artistes russes, victimes ou bénéficiaires, selon le camp choisi, du conflit russo-ukrainien. Des peintres de la propagande russe sont mis en avant par le gouvernement, tandis que les artistes ukrainiens illustrant les horreurs de la guerre sont censurés.
Cette transition entre art dégénéré et art officiel est mise en scène avec humour et finesse dans la planche de Willem suivante. Cet artiste complet puise ses inspirations dans une riche histoire de l’art, et il est à découvrir lors de l’exposition « Willem : Rire du pire » du 13 octobre 2023 au 3 février 2024.
Pour aller plus loin
- Elodie G., L’art ukrainien ou la “révolution permanente”, L’Influx.
- Jentsch Ralph, Otto Dix, Der Krieg 1924, Brasschaat (Belgique), Pandora, 2013.
- Sylvain Tronchet, “Nous sommes Russes, Dieu est avec nous” : à Moscou, la propagande s’invite dans les grandes expositions, RadioFrance.
- Université Bretagne Loire, Otto Dix : “Tout art est exorcisme”, RadioFrance.
- L’exposition nazie « d’art dégénéré » en 1937 (Art comptant pour rien feat Doc Géraud), YouTube.
- Hélène Combis, De Rubens à Picasso, six peintures qui ont dénoncé les horreurs de la guerre, RadioFrance.
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