Janusz Korczak

Le "vieux docteur" qui préféra mourir plutôt qu’abandonner les orphelins du ghetto de Varsovie

- temps de lecture approximatif de 15 minutes 15 min - par Edith

Combien de personnes en France connaissent son nom ? Et pourtant, même en laissant de côté les circonstances de sa mort, emblématiques de son engagement et dignes à elles seules que soit célébrée sa mémoire, sa contribution dans le monde de la pédagogie est aussi importante que celles de Maria Montessori, Célestin Freinet, et les autres grands pédagogues qui, comme lui, s’inscrivent dans la lignée de la pédagogie active et de l’Ecole nouvelle. Il est en particulier un précurseur de la défense des droits de l’enfant.

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Né à Varsovie en 1878 d’une famille juive assimilée, Henryk Goldszmit s’est d’abord fait connaître en Pologne comme écrivain sous son pseudonyme Janusz Korczak. Très prolifique, il a écrit des centaines d’articles, des romans, des feuilletons… Il s’est notamment illustré dans la littérature jeunesse : on lui doit Le Roi Mathias 1er, un classique du roman d’apprentissage. Il a en outre animé des émissions de radio sous un autre pseudonyme : le « vieux docteur ».

Médecin de formation, il consacra sa vie aux enfants, d’abord en tant que pédiatre, puis comme éducateur.

En 1911 il abandonne son poste à l’hôpital pour fonder son orphelinat, Dom Sierot (la Maison des Orphelins), qui ouvrira ses portes fin 1912 à Varsovie. Il y appliquera son projet pédagogique aux côtés de sa collaboratrice, Stefania Wilczyńską. Financé par des fonds d’œuvres philanthropiques de la communauté juive, l’établissement mixte accueille des filles et des garçons juifs abandonnés. Il est équipé de baignoires et du chauffage central, luxe qui fait scandale à l’époque.

L’orphelinat est organisé comme une « république des enfants », où ceux-ci sont traités comme les égaux des adultes et associés à toutes les décisions qui les concernent via un conseil d’autogestion, un parlement, et même un tribunal des enfants. L’école favorise les principes démocratiques, l’esprit de collectivité, l’organisation et la solidarité. Dans le cadre de l’édition du Mały Przegląd (Le petit Journal) les enfants sont encouragés à endosser des responsabilités et à prendre des initiatives en choisissant seuls les sujets à évoquer et le contenu des pages de leur publication.

60 ans avant la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, Korczak publie un manifeste universel de défense de l’enfant dans son livre Le Droit de l’enfant au respect.

Le 29 novembre 1940, Dom Sierot doit déménager dans le ghetto de Varsovie. Janusz Korczak consacrera les deux dernières années de sa vie à protéger les enfants contre la famine et la maladie, et à préserver leur dignité. Du fait de sa notoriété, plusieurs occasions lui seront offertes de s’échapper seul du ghetto, qu’il refusera.

Ses employés s’efforcent de maintenir un semblant de routine quotidienne en fixant l’attention des enfants sur leurs études, des concerts et des pièces de théâtre.

Début août 1942, la police allemande ordonne l’évacuation de l’orphelinat : les enfants vont être déportés au camp d’extermination de Treblinka. Janusz Korczak, Stefania Wilczyńską et leur personnel les accompagnent. C’est un groupe de près de 200 enfants et d’une dizaine d’adultes qui traverse les rues du ghetto jusqu’au point de déportation, dans l’ordre et dans le calme, avant de monter dans le train.

Vraisemblablement, ils furent tous assassinés dans les chambres à gaz le jour même de leur arrivée à Treblinka.

Janusz Korczak laisse à la postérité l’image d’un homme profondément humaniste, dévoué jusqu’au bout à la cause des enfants.

Quelques sources que nous avons consultées pour la rédaction de cet article :

Pour en savoir plus sur l’œuvre de Janusz Korczak et son histoire nous vous proposons la bibliographie ci-dessous, issue de nos collections :

Ecrits de Janusz Korczak :

Confession d’un papillon

Ce journal intime d’adolescent, en partie rédigé à partir de son propre journal, en partie imaginé, a été publié par l’écrivain, médecin et éducateur polonais, précurseur et inspirateur de la Convention des droits de l’enfant, en 1914. Ce dernier considérait cette forme littéraire comme un excellent moyen d’auto-éducation, tant pour un enfant que pour un adulte.

Les colonies de vacances

Pour ces deux récits, l’auteur s’inspire de ses premiers pas en tant que moniteur de colonie de vacances auprès d’enfants des quartiers pauvres de Varsovie. Le premier, préalablement intitulé Moïchele, Yossele et Sroule, se déroule auprès d’enfants juifs, en 1904. Le second, Youzek, Yanek et Franek, se déroule en 1907 auprès de jeunes garçons polonais.

Le roi Mathias Ier

Le petit Mathias, devenu roi à la mort de son père, est confronté aux manipulations politiques et à la guerre. Avec courage et volonté, il fait face aux adultes pour tenter de réformer son royaume et rendre tous ses sujets heureux. Curieux du monde, il va vivre de multiples aventures, dont la rencontre avec un roi cannibale. Mais cette amitié africaine va déplaire aux rois blancs qui sèmeront des obstacles sur la route de Mathias vers l’égalité et la démocratie. Le roi Mathias Ier, écrit peu après la Première Guerre mondiale, est un véritable livre d’initiation à la politique destiné aux enfants. Médecin, éducateur et écrivain, Janusz Korczak (1878-1942) est reconnu comme le précurseur et l’inspirateur de la Convention des droits de l’enfant. Grand témoin de son temps, il s’est battu toute sa vie pour défendre et faire respecter l’enfant. Sa démarche profondément humaniste, son attitude éthique toujours exemplaire, et son oeuvre littéraire pour adultes et enfants ont profondément marqué des générations de jeunes Polonais.

Le droit de l’enfant au respect suivi de La convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant

Ce manifeste écrit en 1928 s’adresse aux parents, aux éducateurs, aux politiques et aux décideurs afin qu’ils prennent conscience de leurs responsabilités vis-à-vis des enfants et pour les faire réfléchir sur le regard qu’ils portent sur la jeunesse. Deux protocoles supplémentaires, sur les enfants soldats et l’exploitation sexuelle des enfants, sont joints ainsi que des adresses utiles.

Le droit de l’enfant au respect (suivi de) Quand je redeviendrai petit (suivi de) Journal du Ghetto

Quand je deviendrai petit :

Fatigué de sa vie d’adulte et découragé par les déboires de son métier, le narrateur, instituteur de son état, a la chance de revivre son enfance grâce à la lanterne magique d’un lutin qui, surgissant devant lui un soir de déprime, lui permet de redevenir le jeune garçon qu’il était.
Il retrouve donc ses père et mère, son école, ses copains, mais ne perd pas pour autant la conscience du temps présent ni de son rôle d’éducateur et d’élève à la fois.
Les scènes de sa vie d’antan défilent, comme fixées par une caméra. N’oubliant jamais l’enfant qui demeure en lui, Korczak y introduit de nombreux détails tirés de sa propre vie.
Quand je redeviendrai petit, à l’instar de la plupart des ouvrages littéraires de Korczak, reflète sous une forme ludique ses principales idées pédagogiques forgées tout au long de sa pratique d’éducateur et de médecin pour qui observer et comprendre l’enfant revenait d’abord à respecter son droit à être ce qu’il est.

Journal du ghetto :

En 1913, Janusz Korczak, Juif polonais et pédagogue de notoriété internationale, fonde La Maison des orphelins. En 1939, lorsque l’Allemagne envahit la Pologne, il accompagne ” ses ” enfants dans le ghetto de Varsovie, refusant de fuir seul et de les abandonner. Il mène alors une lutte de chaque jour afin de leur trouver de la nourriture et de leur dispenser de l’amour et quelques instants de joie. C’est en mai 1942, quelques mois avant d’être déporté avec ses pupilles à Treblinka, où il mourra dans les chambres à gaz, qu’il entreprend la rédaction de ce Journal, témoignage bouleversant d’humanité et de dignité qui a été miraculeusement conservé. Dans l’adversité, la fièvre et l’angoisse les plus extrêmes, Korczak y décrit l’enfer du ghetto. Il démontre en même temps quel écrivain il était, doué d’un humour cinglant et d’une plume remarquablement sensible.

Comment aimer un enfant

Janusz Korczak est mort à Treblinka en 1942 avec les deux cents enfants de l’orphelinat qu’il dirigeait à Varsovie. Médecin, écrivain, éducateur, toute la vie de Korczak a été dominée par l’amour qu’il portait aux enfants.
Ses principaux ouvrages : « Comment aimer un enfant », « Le droit de l’enfant au respect » le crient à chaque page. Pour lui, l’enfant est un être à part entière. En tant que tel, il a droit à notre attention, à notre amour. Non en tant qu’homme ou femme en devenir.
Aujourd’hui, le monde redécouvre Korczak. Pour le centième anniversaire de sa naissance, l’Unesco organise une grande journée autour de son nom. L’année 1979, qui sera l’Année Internationale de l’Enfance, lui sera dédiée.
« Comment aimer un enfant » a été écrit au front, en 1915. Puis réédité en 1929, avec de nouveaux commentaires de l’auteur qui ne cessait de douter, de se remettre en question, qui jamais ne s’est voulu péremptoire dans ses conseils. L’auteur nous y parle de la meilleure façon d’élever un tout-petit, d’aider et d’éduquer préadolescents et adolescents. Il y retrace sa vie à l’orphelinat, évoque les problèmes quotidiens qu’il y a rencontrés, aggravés par le manque d’argent et de moyens; il expose les innovations — révolutionnaires pour l’époque — qu’il a introduites à « la maison de l’orphelin » : le tribunal animé par les enfants eux-mêmes et grâce auquel ils apprenaient la justice, le respect des autres, la responsabilité, les règles de la vie collective et l’indulgence; la Gazette, rédigée par eux; les tentatives d’autogestion pour eux et par eux encore. Bref, une vraie république enfantine.
Le lecteur y découvrira surtout un homme : bon, passionné, désintéressé. Digne, comme Il y en a peu, d’admiration et de ce même respect qu’il portait à l’enfant.

De la pédagogie avec humour (suivi de) Les feuilletons radiophoniques du vieux docteur

Publié à l’occasion de l’année Janusz Korczak, ces textes radiophoniques furent diffusés dans les années 1930 sur les ondes de la radio polonaise où ils rencontrèrent un franc succès auprès des enfants et de leurs parents. Le vieux docteur, comme se nomme lui-même J. Korczak, y livre une réflexion sur la pédagogie fondée sur l’empathie et la défense des droits de l’enfant.

Documents sur sa vie, sa pédagogie et son combat pour les droits des enfants :

Les enfants d’abord [Livre] : Janusz Korczak, une vie au service de la pédagogie et des droits de l’enfant / scénario Stéphane Tamaillon ; dessin Priscilla Horviller

La vie de Janusz Korczak (1878-1942), journaliste, médecin, écrivain et pédagogue qui a dédié sa vie aux droits des enfants. Il a dirigé pendant trente ans la Maison de l’orphelin, un établissement organisé en république, avec un parlement et un tribunal, avant d’être déporté pendant la Seconde Guerre mondiale.

Korczak [D.V.D.] / réal de Andrzej Wajda

Evocation de la vie et de l’œuvre du docteur Korczak, défenseur des droits de l’enfant. Il entra dans la légende le 6 aout 1942 quand les SS l’obligèrent à livrer les deux cents orphelins dont il avait la garde dans le ghetto de Varsovie. Il refusa de sauver sa vie et emmena les enfants en cortège derrière la bannière frappée de l’étoile de David et embarqua avec eux dans le train qui devait les conduire aux chambres de la mort a Treblinka.

Janusz Korczak [Livre] : non au mépris de l’enfance / Isabelle Collombat

L’histoire du médecin polonais qui a défendu les droits d’expression et de participation des enfants, et qui a créé un orphelinat juif. Il choisira de suivre les enfants au camp de Treblinka lors de leur déportation.

Le dernier voyage [Livre] : le docteur Korczak et ses enfants / Irène Cohen-Janca ; illustrations Maurizio A.C. Quarello

L’histoire du docteur Janucz Korczak, médecin, éducateur et pédagogue dont les idées ont inspiré la Convention des droits de l’enfant, qui, en 1942, refusa la liberté pour accompagner les enfants juifs d’un orphelinat dont il s’occupait dans le ghetto de Varsovie.

Janusz Korczak / [Livre] / Jacques Ladsous

En ces temps où se commémore le 50e anniversaire de la victoire sur l’oppression nazie, parler du pédagogue polonais le docteur Janusz Korczak, c’est participer à cette célébration du souvenir. C’est aussi rappeler que les droits de l’enfant ne peuvent être une simple déclaration de principes, mais s’incarnent dans les pratiques relationnelles adultes-enfants, éducateurs-éduqués, régies par le respect des uns comme des autres, la conscience des réalités humaines, mais le désir de les transcender pour rétablir l’enfant comme acteur et sujet de sa propre évolution. En parcourant les principaux textes de Korczak, et en les reliant par le sens qui s’en dégage, l’auteur nous propose une référence de vie, dont nous pouvons faire usage dans le quotidien des journées, vécues avec ceux dont nous avons la charge. Parents, éducateurs, soignants devraient pouvoir y retrouver de quoi les aider dans leur action.

Janusz Korczak [Livre] : comment surseoir à la violence ?

Présente le problème, la biographie du pédagogue, sa théorie appliquée à la société actuelle, des extraits de textes des pédagogues, l’interview de personnalités sur ce problème, la mise en pratique de la théorie, la liste d’adresses d’écoles.

Janusz Korczak [Livre] : le roi des enfants / Betty Jean Lifton

Le 6 août 1942, Janusz Korczak, médecin, Juif polonais, entra dans la légende. Ce jour-là, les S.S. l’obligèrent à regrouper les deux cents orphelins qu’il avait pris en charge dans le ghetto de Varsovie. Refusant de sauver sa vie comme il en aurait eu la possibilité, il emmena avec une calme dignité “ses” enfants juifs jusqu’au train qui devait les conduire à Treblinka, où il périt avec eux. Mais Janusz Korczak ne fut pas seulement un martyr et un homme de caractère hors du commun. Il fut aussi et surtout un grand éducateur qui traduisit dans ses actes et dans ses oeuvres (parmi lesquelles le célèbre Comment aimer un enfant) la pédagogie moderne dont il s’était fait le champion. Créant des orphelinats-pilotes, il put appliquer ses conceptions, alors révolutionnaires, d’une éducation éloignée à la fois de l’autoritarisme et de la permissivité, et fondée sur la confiance, l’autonomie et le respect des droits de chacun.

Janusz Korczak [Livre] : l’amour des droits de l’enfant / Jean Houssaye

Collection dirigée par Claude Lelièvre et Christian Nique

Parce qu’enseigner suppose une bonne connaissance des méthodes d’enseignement, mais aussi une solide culture pédagogique, la collection «Portraits d’éducateurs» présente les éducateurs marquants qui, au fil du temps, par leur pensée, leurs textes et leur action contribuent toujours à faire évoluer le dispositif scolaire français et nos conceptions de l’acte pédagogique quotidien.

«- L’enfant a le droit de vivre dans le présent. (Les enfants ne sont pas les personnes de demain, ils sont des personnes aujourd’hui.)

– L’enfant a le droit d’être lui-même ou elle-même. (Un enfant n’est pas un billet de loterie, destiné à gagner le gros lot.)

– L’enfant a le droit à l’erreur. (Nous renonçons au désir illusoire d’avoir des enfants parfaits.)

– L’enfant a le droit d’être pris au sérieux. (Qui demande son avis ou son consentement à l’enfant ?)

– L’enfant a le droit d’être apprécié pour ce qu’il est. (L’enfant, étant petit, a peu de valeur marchande.)

– L’enfant a le droit à l’éducation.»

Extraits de la Déclaration des Droits des enfants de Janusz Korczak

L’adieu aux enfants [Livre] / Alain Buhler

Rue Krochmalna 92, à Varsovie, dans les années trente, Janusz Korczak dirigeait un orphelinat ou plutôt le laissait diriger par les pensionnaires eux-mêmes. Le vieux docteur de Varsovie fut le premier à parler d’autogestion des enfants, et sûrement le seul à vouloir que les plus opprimés de la société soient enfin les maîtres de leur vie. Humaniste et révolutionnaire, hanté par la folie et hors de son temps, Janusz Korczak est un personnage fascinant.

En des temps moins barbares, il aurait peut-être pu voir naître sa république des enfants, son « roi Mathias », publié en 1924, ne serait pas resté un roi de papier, et ses idées généreuses l’auraient amené sur d’autres chemins que celui du ghetto de Varsovie, dans d’autres trains que celui de Treblinka.

L’histoire est belle, elle est vraie mais elle restait enfouie dans la mémoire fidèle des survivants du passé. C’est cette mémoire dont Alain Buhler recherche les traces auprès des témoins, des amis, dans les écrits et le long des rues de Varsovie.

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