WILLEM : RIRE DU PIRE
Image à la loupe
Episode 3 : extrait de l’album Tout va bien !
Publié le 22/12/2023 à 15:00 - 2 min - Modifié le 06/01/2024 par Département Civilisation
Un dessin réussi, « c’est comme un bon coup de poing dans la gueule » disait Cavanna. Mais pour en saisir toute la « substantifique moelle », il faut aussi prendre le temps de l’observer pour comprendre les motivations de son auteur, le contexte de sa réalisation, pour en dénicher les messages cachés, pour savourer le trait et ainsi mieux l’apprécier dans sa globalité. Dans le cadre de l’exposition Willem, rire du pire que vous pouvez visiter à la Bibliothèque de la Part Dieu jusqu’au 3 février 2024, nous proposons le décryptage d’une sélection de dessins, de Willem ou en résonance avec son œuvre.
Il nous a été impossible de retrouver la date et le journal (Libération ou Charlie Hebdo) dans lequel a été publié ce dessin de Willem tiré du recueil Tout va bien !. Son thème, les lois Pasqua sur l’immigration, est cependant d’une brûlante actualité.
Il y eut plusieurs lois Pasqua (les lois dites Pasqua-Debré de 86, 93 et 97). Mais c’est en juin 1993 que Charles Pasqua promulgua une réforme du Code de la nationalité remettant en cause le droit du sol, suivie d’une loi votée le 24 août 1993 « relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France » (avec restriction du regroupement familial, des mariages mixtes et des prestations sociales, renforcement des contrôles et des reconduites à la frontière…). Voir ici : Loi Pasqua sur les conditions d’entrée et de séjour des immigrés
En 1998, les lois Guigou et Chevènement sous le gouvernement socialiste de Lionel Jospin rétablissaient le droit du sol (la nationalité français devenait à nouveau automatique à 18 ans), et sans les abroger (alors que c’était un point du programme électoral des socialistes), assouplissaient les lois Pasqua-Debré. Depuis, différentes lois sont venues durcir l’accueil et limiter les droits des étrangers (lois Sarkozy de 2003 et 2006, loi Collomb de 2018), et ce 19 décembre 2023, la “loi Immigration” de Gérald Darmanin a été votée, consacrant le « retour de la droite Pasqua », dont Olivier Marleix, président du groupe Les Républicains, s’est réjoui. Mais elle va même au-delà en faisant entrer dans la loi les points centraux du programme du Rassemblement National : préférence nationale et fin du droit du sol.
Willem avait vu juste en imaginant ce glissement « addictif » des lois Pasqua au « lepénisme dur ». L’histoire a montré que ces lois n’ont en rien enrayé la montée des idées et partis d’extrême droite, bien au contraire. Aujourd’hui, dans un contexte où l’extrême droite est en position de force (à l’Assemblée nationale, dans les médias…), le vote de cette loi marque une étape de plus vers la légitimation de ses idées xénophobes, orchestrée par celui même qui affirmait leurs faire barrage. Le sevrage ne va pas être facile…
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