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2/3- L’Anthropocène questionne notre avenir
Publié le 08/07/2020 à 10:44 - 10 min - par Oxalide
La collapsologie n’est pas une science exacte. Mais lorsqu’ils parlent d’effondrement, les collapsologues n’ont rien inventé ; ils ne font que s’appuyer sur un faisceau d’études scientifiques importantes pour nous dire que cet effondrement , si nous ne faisons rien, pourrait bien avoir lieu. Le dérèglement climatique, le pic pétrolier, la destruction des êtres vivants et de leur milieu de vie, la fragilité de notre système financier et de notre économie tout concourt à envisager un tel phénomène. Pourtant « nous ne voulons juste pas croire que nous savons » disait Pablo Servigne.
L’ Anthropocène : une notion pour comprendre l’effondrement ?
Certes l’effondrement ne peut être prédit, il est même par définition imprévisible mais les chocs avant-coureurs que nous subissons rendent son processus probable, mesurable, objectif, repérable.
Aujourd’hui, il est difficile de ne pas savoir et de ne pas comprendre : la notion d’Anthropocène qui annonce l’effondrement base ses analyses sur des données scientifiques et permet en outre d’avoir un vision plus fine de la relation que les humains entretiennent avec leur environnement.
Qu’est-ce que l’anthropocène ?
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L’anthropocène est le nom donné à cette nouvelle époque géologique modifiée par les humains. Elle est marquée par d’énormes problèmes écologiques créés par l’humanité.
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En 1989 McKibben écrit que, alors que les êtres humains ont longtemps été « une espèce soumise aux aléas des forces supérieures, aujourd’hui nous sommes ces forces supérieures », son livre « La Fin de la nature » marque le début de l’Anthropocène. Par la suite, le météorologue te chimiste Paul Josef Crutzen et le biologiste Eugene Stoermer ont présenté le premier argumentaire scientifique en faveur d’une nouvelle époque géologique modifiée par les humains.
- Dans son ouvrage l’âge de l’homme : construire le monde de demain à l’ère de l’anthropocène, Christian Schwägerl, en s’appuyant sur les travaux du prix Nobel de chimie Paul J. Cutzen, explique très bien l’anthropocène, cette ère où l’espèce humaine est devenue la principale force géologique de la planète.
- Ce concept d’Anthropocène met en effet en lumière la période de la révolution industrielle (autour de 1800) comme étant le moment où notre consommation énergétique a subit une telle accélération que l’humanité est devenue une « force géophysique majeure » : « les activités humaines ont un impact global significatif sur les flux et cycles de matières et d’énergie sur Terre, et donc sur l’écosystème terrestre » (Crutzen& Stoermer, 2000).
L’anthropocène reste un concept controversé au sein du corps scientifique.
A ce jour l’Anthropocène n’est pas encore officiellement reconnu par la Commission Internationale de Stratigraphie (CIS) car on ne peut pas faire le lien de manière scientifique entre la géologie et les marqueurs de l’Homme sur la Terre .
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Bien qu’il soit de plus en plus utilisé, ce concept d’Anthropocène n’a pas encore été officiellement retenu par la communauté scientifique et fait encore l’objet de discussion au sein de l’Union internationale des sciences géologiques (UISG).
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Une première étape a été franchie par la validation de ce concept lors du 35e Congrès géologique international qui a eu lieu au Cap, en Afrique du Sud, du 27 août au 4 septembre 2016.
- Mais, si on ne peut pas réellement opérer de lien purement scientifique entre ce phénomène et la géologie, l’Homme laissera cependant derrière son passage une empreinte irréversible.
L’Anthropocène s’appuie cependant sur des données mesurables.
En effet, les marqueurs environnementaux sont bien présents : l’agriculture intensive, la déforestation, l’exploitation du nucléaire, les industries ou les transports, sont autant de données mesurables sur lesquelles s’appuient la notion d’anthropocène pour annoncer l’effondrement.
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Voici quelques exemples d’activités humaines contribuant aux modifications importantes de l’environnement terrestre .
Pour une approche rationnelle et chiffrée de l’effondrement en cours, vous pouvez consulter un site très utile : Worldometers.info, qui vous donnera l’évolution en temps réel des grands paramètres planétaires.
Vous pouvez également consulter Ourworldindata.org, un site qui vous permettra de suivre l’évolution de centaines de paramètres globaux ou nationaux au cours des dernières décennies. Ce dernier a l’avantage de proposer une liste des entrées, par exemple, les énergies fossiles, le CO2 .
- Selon l’ Anthropocène, le fait même que nous ayons déjà dépassé la limite pour trois de ces indicateurs (l’érosion de la biodiversité, le changement climatique, l’effet de serre) indique que nous sommes effectivement dans une époque critique, c’est-à dire une époque où les activités humaines modifient les systèmes écologiques globaux.
Comment expliquer l’avènement de l’ « Anthropocène » ?
L’anthropocène s’explique par la spirale de la croissance productiviste : la course à la croissance économique nous impose de trouver toujours plus d’énergie et donc d’exploiter toujours plus ressources naturelles pour produire toujours plus de richesses.
Mais cela a des conséquences désastreuses comme la diminution des ressources non renouvelables, la production de déchets .
L’anthropocène : un débat riche qui nous questionne sur le risque d’effondrement global ?
Au-delà du débat purement scientifique, l’anthropocène s’explique par la course à la croissance économique et la production-consommation d’énergie que cela entraine .
- L’énergie est donc devenue la drogue de l’humanité et la source de tous ses maux, environnementaux et sociétaux.
L’augmentation de la production‐consommation d’énergie est la cause directe de l’augmentation de tous les autres paramètres : démographie, agriculture, transports, pollution, déforestation,…
Mais elle entraîne aussi l’augmentation des inégalités socio-économiques nationales et internationales, car comme nous l’explique Dominique Bourg : « Il n’est désormais plus possible de poser la question écologique sans en même temps poser celle des inégalités sociales »
- L’Anthropocène peut être un notion très riche puis qu’elle nous place devant la finitude de notre monde, questionne la place même de l’humain sur Terre, et redéfinit la notion de contrôle et de décision sur la nature : qui contrôle qui ? Pouvons nous construire notre avenir sans tenir compte de notre environnement ?
L’Anthropocène : un dialogue interdisciplinaire qui nous questionne aussi sur notre avenir ?
En dehors de l’ Union internationale des sciences géologiques, beaucoup de scientifiques s’accordent aujourd’hui pour considérer que l’Anthropocène est un bouleversement réel, et sur le fait que notre avenir sera marqué par de nouvelles réalités environnementales. D’où la nécessité de repenser les relations entre humains et non-humains dans cette nouvelle époque.
En effet, pour ses partisans, il ne peut pas ” se limiter à un catalogue de transformations physico-chimiques : l’Anthropocène ouvre une nouvelle ère, où les humains apprennent à devenir Terriens “.
L’Anthropocène aurait pu rester un terme de géostratigraphie, mais il ne peut pas se limiter à cela ; chaque discipline peut en fait contribuer à la définition de l’Anthropocène.
D’un point de vue philosophique, notre ontologie ne s’arrête pas à notre corps mais inclut également notre habitat local et global.
Plus généralement, il y a au cœur de l’Anthropocène la notion de rétroaction et la prise en compte de la finitude du monde comme le disait Bruno Latour en 200, « la Terre est enfin ronde ».
D’un point de vue éthique, l’Anthropocène permet en fin de compte d’engager clairement notre responsabilité humaine pour la survie de notre environnement et des espèces.
Enfin, d’un point de vue social et politique l’Anthropocène nous pose clairement les questions de nos choix futurs.
Si beaucoup d’intellectuels sont d’accord également pour considérer que cette époque est la marque d’un anthropocentrisme et d’un hubris exacerbé, la question de l’Anthropocène permet d’aller de l’avant et de poser clairement des choix de vie pour demain.
Autrement dit, cette notion a le mérite de poser simplement la question d’un choix social … et donc philosophique et politique.
C’est ce que nous démontre Gilles Escarguel, enseignant chercheur à l’Université Lyon 1 dans cette vidéo.
A partir de l’Anthropocène 4 scénarios de vie possibles s’ouvrent à nous :
Arthur Keller nous explique dans cette vidéo le détail de ces 4 scénarios, que nous pouvons résumer ainsi :
- Premièrement : Nous continuons à tout ignorer : il s’agit du scénario ou les limites sont repoussées toujours plus loin… mais pour combien de temps ?
- Deuxièmement : Nous continuons « comme avant » : il s’agit du scénario « soutenabiliste », selon lequel nous adapter aux limites via l’innovation technologique et l’imposition de contraintes réglementaires (lois, normes, taxes,…). Nous somme ici dans la logique du développement durable, c’est à dire une forme de développement économique respectueux de l’environnement, du renouvellement des ressources et de leur exploitation rationnelle, de manière à préserver les matières premières.
- Troisièmement : Nous voulons vivre dans un monde « vert » : il s’agit du scénario de l’écologie politique. Contrairement au « développement durable », l’écologie politique veut mettre la croissance économique au service de la préservation de l’environnement. Nous sommes ici dans la logique de croissance verte .
Pour Philippe Bihouix la “croissance verte” est une mystification absolue .
Dans son livre Le bonheur était pour demain , il dénonce la thèse d’un progrès technologique et scientifique, garant d’un bonheur futur et prône l’application de mesures salutaires à mettre an place aujourd’hui et dans tous les domaines.
Dans La guerre des métaux rares: La face cachée de la transition énergétique et numérique, l’auteur Guillaume Pitron nous explique aussi que la transition énergétique que l’on nous promet, affranchie du pétrole, des pollutions et des tensions militaires est un leurre car elle a notamment un coût écologique lourd.
- Quatrièmement : Nous voulons vivre dans un monde qui évite les effondrements : ils s’agit du scénario « effondriste » (celui retenu par les collapsologues), il s’appuie les constats réels de l’anthropocène.
Cette dernière approche se fonde en effet, comme nous l’avons vu, sur certains indicateurs mesurables que nous pouvons résumer ainsi :
→ notre Empreinte Ecologique Globale (EEG) dépasse la biocapacité annuelle globale depuis environ 50 ans.
→ Les stocks de la plupart des ressources renouvelables diminuent très fortement depuis 20-30 ans.
Selon les partisans de cette dernière approche, les problèmes sociaux et environnementaux de notre système ne pourront être résolus qu’en faisant le choix d’une décroissance volontaire.
Dans quel monde voulons nous vivre vraiment ? Que voulons-nous léguer aux générations futures ?
Si l’étude de l’anthropocène nous apprend que seul le scénario viable est celui de la décroissance, ce scénario est-il pour autant applicable ?
C’est la question que nous étudierons dans le troisième volet de cet article : « Pour une société résiliente : la décroissance en question ».
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One thought on “COVID-19 : quels sont nos futurs possibles et dans quel monde voulons-nous vivre demain ?”
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C’est super intéressant et bien rédiger ,merci.