COVID-19 : quels sont nos futurs possibles et dans quel monde voulons-nous vivre demain ?

2/3- L’Anthropocène questionne notre avenir

- temps de lecture approximatif de 10 minutes 10 min - par Oxalide

La collapsologie n’est pas une science exacte. Mais lorsqu’ils parlent d’effondrement, les collapsologues n’ont rien inventé ; ils ne font que s’appuyer sur un faisceau d’études scientifiques importantes pour nous dire que cet effondrement , si nous ne faisons rien, pourrait bien avoir lieu. Le dérèglement climatique, le pic pétrolier, la destruction des êtres vivants et de leur milieu de vie, la fragilité de notre système financier et de notre économie tout concourt à envisager un tel phénomène. Pourtant « nous ne voulons juste pas croire que nous savons » disait Pablo Servigne.

CC. Pixabay
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L’ Anthropocène : une notion pour comprendre l’effondrement ?

Certes l’effondrement ne peut être prédit, il est même par définition imprévisible mais les chocs avant-coureurs que nous subissons rendent son processus probable, mesurable, objectif, repérable.

Aujourd’hui, il est difficile de ne pas savoir et de ne pas comprendre : la notion d’Anthropocène qui annonce l’effondrement base ses analyses sur des données scientifiques et permet en outre d’avoir un vision plus fine de la relation que les humains entretiennent avec leur environnement.


 

Qu’est-ce que l’anthropocène ?

L'âge de l'homme [Livre] : construire le monde de demain à l'ère de l'anthropocène de Christian Schwägerl _ préface de Paul J. Crutzen

 

 

 

 

 

 

L’anthropocène reste un concept controversé au sein du corps scientifique.

A ce jour l’Anthropocène n’est pas encore officiellement reconnu par la Commission Internationale de Stratigraphie (CIS) car on ne peut pas faire le lien de manière scientifique entre la géologie et les marqueurs de l’Homme sur la Terre .

  • Bien qu’il soit de plus en plus utilisé, ce concept d’Anthropocène n’a pas encore été officiellement retenu par la communauté scientifique et fait encore l’objet de discussion au sein de l’Union internationale des sciences géologiques (UISG).

  • Une première étape a été franchie par la validation de ce concept lors du 35e Congrès géologique international qui a eu lieu au Cap, en Afrique du Sud, du 27 août au 4 septembre 2016.

  • Mais, si on ne peut pas réellement opérer de lien purement scientifique entre ce phénomène et la géologie, l’Homme laissera cependant derrière son passage une empreinte irréversible.

 

L’Anthropocène s’appuie cependant sur des données mesurables.

En effet, les marqueurs environnementaux sont bien présents : l’agriculture intensive, la déforestation, l’exploitation du nucléaire, les industries ou les transports, sont autant de données mesurables sur lesquelles s’appuient la notion d’anthropocène pour annoncer l’effondrement.

  • Voici quelques exemples d’activités humaines contribuant aux modifications importantes de l’environnement terrestre .

Pour une approche rationnelle et chiffrée de l’effondrement en cours, vous pouvez consulter  un  site très utile : Worldometers.info, qui vous donnera l’évolution en temps réel des grands paramètres planétaires.

Vous pouvez également consulter Ourworldindata.org, un site qui vous permettra de suivre l’évolution de centaines de paramètres globaux ou nationaux au cours des dernières décennies. Ce dernier a l’avantage de proposer une liste des entrées, par exemple, les énergies fossiles, le CO2 .

 

 

Comment expliquer l’avènement de l’ « Anthropocène » ?

L’anthropocène s’explique par la spirale de la croissance productiviste : la course à la croissance économique nous impose de trouver toujours plus d’énergie et donc d’exploiter toujours plus ressources naturelles pour produire toujours plus de richesses.

Mais cela a des conséquences désastreuses comme  la diminution des  ressources non renouvelables, la production de déchets .


L’anthropocène : un débat riche qui nous questionne sur le risque d’effondrement global ?

Au-delà du débat purement scientifique, l’anthropocène s’explique par  la course à la croissance économique et la production-consommation d’énergie que cela entraine .

L’augmentation de la production‐consommation d’énergie  est la  cause directe de  l’augmentation de tous les autres paramètres : démographie, agriculture, transports, pollution, déforestation,…

Mais elle entraîne aussi l’augmentation des  inégalités socio-économiques nationales et internationales, car comme nous l’explique Dominique Bourg : « Il n’est désormais plus possible de poser la question écologique sans en même temps poser celle des inégalités sociales »

  • L’Anthropocène peut être un notion très riche  puis qu’elle nous place devant la finitude de notre monde, questionne la place même de l’humain sur Terre, et redéfinit la notion de contrôle et de décision  sur la nature : qui contrôle qui ? Pouvons nous construire notre avenir sans tenir compte de notre environnement ?

L’Anthropocène : un dialogue interdisciplinaire qui nous questionne aussi sur notre avenir ?

 

En dehors de l’ Union internationale des sciences géologiques, beaucoup de scientifiques s’accordent aujourd’hui pour considérer que l’Anthropocène est un bouleversement réel, et sur le fait que notre avenir sera marqué par de nouvelles réalités environnementales. D’où la nécessité de repenser les relations entre humains et non-humains dans cette nouvelle époque.

En effet, pour ses partisans, il ne peut pas  ” se limiter à un catalogue de transformations physico-chimiques : l’Anthropocène ouvre une nouvelle ère, où les humains apprennent à devenir Terriens “.

 

L’Anthropocène aurait pu rester un terme de géostratigraphie, mais il ne peut pas se limiter à cela ; chaque discipline peut en fait contribuer à la définition de l’Anthropocène.

D’un point de vue philosophique, notre ontologie ne s’arrête pas à notre corps mais inclut également notre habitat local et global.

Plus généralement, il y a au cœur de l’Anthropocène la notion de rétroaction et la prise en compte de la finitude du monde  comme le disait Bruno Latour en 200, « la Terre est enfin ronde ».

D’un point de vue éthique, l’Anthropocène permet en fin de compte d’engager clairement notre responsabilité humaine pour la survie de notre environnement et des espèces.

Enfin, d’un point de vue social et politique l’Anthropocène nous pose clairement les questions de nos choix futurs.

Si beaucoup d’intellectuels sont d’accord également pour considérer que cette époque est la marque d’un anthropocentrisme et d’un hubris exacerbé, la question de l’Anthropocène permet d’aller de l’avant et de poser clairement  des choix de vie pour demain.

Autrement dit, cette notion a le mérite de poser simplement  la question d’un choix social … et donc philosophique et politique.

C’est ce que nous démontre Gilles Escarguel, enseignant chercheur à l’Université Lyon 1 dans cette vidéo.

 

A partir de l’Anthropocène 4 scénarios de vie possibles s’ouvrent à nous :

Arthur Keller nous explique dans cette vidéo le détail de ces 4 scénarios, que nous pouvons résumer ainsi :

  • Premièrement : Nous continuons à tout ignorer : il s’agit du scénario ou les limites sont repoussées toujours plus loin… mais pour combien de temps ?

 

  • Deuxièmement : Nous continuons « comme avant » : il s’agit du scénario « soutenabiliste », selon lequel nous adapter aux limites via l’innovation technologique et l’imposition de contraintes réglementaires (lois, normes, taxes,…). Nous somme ici dans la logique du développement durable, c’est à dire une forme de développement économique respectueux de l’environnement, du renouvellement des ressources et de leur exploitation rationnelle, de manière à préserver les matières premières.

 

 

Pour Philippe Bihouix la “croissance verte” est une mystification absolue .

Dans son livre Le bonheur était pour demain , il dénonce la thèse d’un progrès technologique et scientifique, garant d’un bonheur futur et prône l’application de mesures salutaires à mettre an place aujourd’hui et dans tous les domaines.

Dans La guerre des métaux rares: La face cachée de la transition énergétique et numérique, l’auteur Guillaume Pitron nous explique aussi que la transition énergétique que l’on nous promet, affranchie du pétrole, des pollutions et des tensions militaires est un leurre car elle a notamment un coût écologique lourd.

  • Quatrièmement : Nous voulons vivre dans un monde qui évite les effondrements : ils s’agit du scénario « effondriste » (celui retenu par les collapsologues), il s’appuie les constats réels de l’anthropocène.

 

 Cette dernière approche se fonde en effet, comme nous l’avons vu, sur  certains indicateurs mesurables que nous pouvons résumer ainsi :

→ notre Empreinte Ecologique Globale (EEG) dépasse la biocapacité annuelle globale depuis environ 50 ans.

Les stocks de la plupart des ressources renouvelables diminuent très fortement depuis 20-30 ans.

Selon les partisans de cette dernière approche, les problèmes sociaux et environnementaux de notre système ne pourront être résolus qu’en faisant le choix d’une décroissance volontaire.


En conclusion, comment l’humanité peut-elle vivre indéfiniment dans les limites des moyens qu’offre la nature en assurant à chacun une qualité de vie suffisante ?

Dans quel monde voulons nous vivre vraiment ? Que voulons-nous léguer aux générations futures ?

Si l’étude de l’anthropocène nous apprend que seul le scénario viable est celui de la décroissance, ce scénario est-il pour autant applicable ?

C’est la question que nous étudierons dans le troisième volet de cet article :  « Pour une société résiliente : la décroissance en question ».

 

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One thought on “COVID-19 : quels sont nos futurs possibles et dans quel monde voulons-nous vivre demain ?”

  1. Diorier dit :

    C’est super intéressant et bien rédiger ,merci.

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