La dette de l’Etat en 10 définitions

- temps de lecture approximatif de 16 minutes 16 min - Modifié le 02/10/2024 par Nany

« Qui perd ses dettes s’enrichit » a (parait-il) écrit Honoré de Balzac, Oscar Wilde, lui, pensait que « Le plus gros avantage de la richesse, c’est qu’elle permet de faire des dettes »

Dette_publique_de_la_France,_montant_et_pourcentage_du_PIB,_1979-2020
Dette_publique_de_la_France,_montant_et_pourcentage_du_PIB,_1979-2020

Dette ! De quoi s’agit-il ?

La dette (du latin debeo ) est un devoir d’une personne (le débiteur) envers une autre (le créancier). En matière économique, les dettes jouent un rôle central car elles permettent un investissement dont le but est d’améliorer la production.

Les premières traces écrites en lien avec des dettes financières remontent à la civilisation sumérienne en Mésopotamie, (6000-3500 av. J.-C). On y inscrivait soigneusement les enregistrements des prêts sur des tablettes. Dans ce système, les paysans s’endettaient au prix de leur liberté et de celle de leurs enfants. En effet, la servitude était bien souvent leur seule possibilité de remboursement. En tant que « gestionnaire », les rois sumériens disposaient du droit d’amnistie et ainsi annulaient régulièrement l’ensemble des dettes et des servitudes associées.

Aujourd’hui en 2024, il n’est pas une semaine sans que le mot dette associé à celui de l’Etat ou à celui de public n’apparaisse dans les divers média, avec plus ou moins d’intensité dramatique.

Mais qu’est-ce que : dette publique, politique publique, agence de notation, budget de l’Etat, loi de finances, service de la dette, cavalier budgétaire… quelle réalité derrière ces mots ?

Nous allons tenter de répondre en apportant des définitions issues des collections de la bibliothèque municipal de la Ville de Lyon et de sites officiels.

1 – Politique publique économique

Ce terme fait l’objet de livres, d’articles de presse, de manuels, de cours dans les universités et écoles de service public. Nous allons aller au plus simple en vous proposant la définition du dictionnaire de l’administration publique : « Madeleine Grawitz, Jean Leca et Jean-Claude Thoenig (1985) considèrent les politiques publiques comme étant « les interventions d’une autorité investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire. »

Pour une vision plus détaillée, nous vous proposons de vous plonger dans le livre de Marc Montoussé : 100 fiches pour comprendre les politiques économiques ou dans Les politiques publiques de la Documentation française.

2 – Dette publique

La dette publique est une invention italienne du 14e siècle. A cette époque, il y avait, concomitamment, des guerres entrainant des dépenses très élevées et des impôts rentrant difficilement. Les cités-état décident alors d’emprunter aux citoyens les plus riches. Ceux-ci prêtèrent aux cités avec intérêt contre un titre de créances (qu’ils pouvaient vendre à de nouveaux créanciers). En France, François 1er créera les premiers emprunts d’Etat en concevant les rentes sur l’hôtel de ville en 1522, avec un intérêt annuel de 8%.

Dome du Palazzo Vecchio à Florence
Duomo from Palazzo Vecchio 

De nos jours, communément, la dette publique « correspond à l’ensemble des emprunts contractés par l’État, la Sécurité sociale, les organismes divers d’administration centrale et les collectivités » pour financer les déficits publics cumulés année après année, le plus souvent sous forme d’obligations d’État ou de bons du Trésor et non encore remboursés. Le montant de l’encours de la dette négociable de l’État au 31 mai 2024 est de 2 509 430 388 331 €. La gestion de la dette relève de l’Agence France Trésor, ministère des Finances.

« L’Agence France Trésor (AFT) est chargée de pourvoir aux besoins de trésorerie de l’État de sorte que celui-ci soit en mesure de respecter à tout moment et en toutes circonstances l’ensemble de ses engagements financiers.

Cette mission se décline sur l’ensemble de l’année, mais aussi au jour le jour : les prévisions d’encaissement et de décaissement de l’État et des correspondants du Trésor sont en permanence mises à jour ; l’exécution des flux sur le compte est surveillée pour faire face à un besoin de trésorerie ponctuel. »

Au sens du traité de Maastricht : il s’agit de la dette de l’État et de l’ensemble des organismes d’administration centrale (Odac), des collectivités locales et des organismes de Sécurité sociale.

3 – Dette publique : quelle utilité ?

La dette sert à financer les déficits et les investissements publics tout en préservant la trésorerie.

4 – Budget de l’Etat

Le budget de l’État est l’ensemble de ses ressources et de ses dépenses.

  • Les ressources de l’Etat sont principalement issues des impôts et des taxes payées par les citoyens et les entreprises.
  • Les dépenses sont les financements des politiques publiques déterminées par le gouvernement et votées par le Parlement (lois de finances).

Les dépenses sont supérieures aux recettes depuis plusieurs décennies. Le budget est donc en déficit depuis plusieurs décennies.

5 – Dette de l’Etat

L’INSEE la définit ainsi « La dette de l’État est l’ensemble des emprunts que ce dernier a émis ou garantis et dont l’encours (c’est à dire le montant total des emprunts) résulte de l’accumulation des déficits de l’État. »

En version longue : la dette de l’Etat est son besoin de financement : c’est-à-dire la différence entre ses produits (dont les recettes fiscales) et ses dépenses. Il existe une dette négociable (échangeables sur les marchés financiers) et une dette non négociable correspondant aux dépôts de collectivités, d’établissements publics sur le compte du Trésor.

Au sens du Traité de Maastricht, la dette des administrations publique est l’ensemble des engagements financiers bruts des administrations publiques sauf les crédits commerciaux et décalages de paiements. Il s’agit d’une dette brute mesurée en valeur nominale et non en valeur de marché

6 – Charge de la dette, service de la dette

La charge de la dette correspond à toutes les dépenses de l’État consacrées au paiement des intérêts de sa dette.

Dans la PLF (Projet de loi de finances) 2024 « La charge budgétaire de la dette est prévue à 52,2 milliards d’euros. »

Le service de la dette correspond aux intérêts et au montant du capital emprunté qui doit être remboursé chaque année

Dans le dictionnaire proposé par le site Alternatives économiques le Service de la dette est « Montant des paiements que, à chaque échéance, le titulaire d’un contrat de prêt doit verser à son créancier au titre des intérêts, du remboursement et des frais de dossier ou d’assurance. »

Selon Wikipedia : « Le service de la dette est le nom donné à l’activité que met en œuvre un État pour rembourser sa dette chaque année. Par extension, le service de la dette désigne la somme que l’emprunteur doit payer chaque année pour honorer sa dette. Le service de la dette ne doit pas être confondu avec la charge de la dette, qui ne recouvre que le service des intérêts de la dette. »

7 – Les lois de finances

Il existe plusieurs types de loi de finances :

  • La loi de finances initiale ou LFI est une loi qui prévoit et autorise le budget de l’État pour l’année civile, est proposée au vote par la Gouvernement

Le projet de loi de finances (PLF) est déposé sur le bureau du Parlement au plus tard le 1er mardi d’octobre de l’année qui précède et doit être votée par les parlementaires avant le 31 décembre. L’Assemblée nationale est saisie en premier.

  • loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année (anciennement “loi de règlement”) retrace les recettes et les dépenses telles qu’elles ont effectivement eu lieu.
  • loi de finances rectificatives ou LFR ou  « collectif budgétaire», est une loi qui modifie en cours d’exercice (c’est-à-dire de l’année en civile en cours) les dispositions de la loi de finances et de la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année afférente.
  • loi de finances de fin de gestion ou LFG, créée par la réforme de la LOLF en 2021 est limitée aux seules dispositions essentielles à l’exécution budgétaire de l’année en cours. Elle présente uniquement les ajustements de crédits indispensables à la gestion de la fin de l’exercice budgétaire. Elle ne comporte aucune disposition fiscale nouvelle.

8 – Les cavaliers

En langue légisitique, un cavalier « désigne les dispositions contenues dans un projet ou une proposition de loi qui, en vertu des règles constitutionnelles ou organiques régissant la procédure législative, n’ont pas leur place dans le texte dans lequel le législateur a prétendu les faire figurer. » Raphaël Dechaux, L’évolution de la jurisprudence constitutionnelle en matière de « cavalier «  entre 1996 et 2006

Ainsi

  • « un « cavalier budgétaire » est une disposition dont la présence dans une loi de finances est proscrite par l’article 34 alinéa 19 de la Constitution et l’article 1er de la loi organique relative aux lois de finances.
  • Un « cavalier social » est une disposition dont la présence dans une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) est proscrite par l’article 34 alinéa 20 de la Constitution et l’article 1er de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
  • Un « cavalier législatif » est une mesure introduite dans les autres types de lois ordinaires par un amendement dépourvu de lien avec le projet ou la proposition de loi déposé sur le bureau de la première assemblée saisie, en méconnaissance des règles induites par les dispositions combinées du premier alinéa des articles 39 et 44 de la Constitution. » Raphaël Dechaux, L’évolution de la jurisprudence constitutionnelle en matière de « cavalier «  entre 1996 et 2006

Le Conseil constitutionnel a le pouvoir de rejeter tout article ou amendement identifié comme étant un cavalier législatif.

9 – Agence de notation

En anglais : CRA (Credit Rating Agency) sont des entreprises privées dont l’activité principale consiste à évaluer la capacité des émetteurs de dette à faire face à leurs engagement. En effet, le risque a un prix et la prime de risque s’ajoute aux intérêts de la créance. Un des rôles de ces agences est d’évaluer cette prime de risque. Ainsi, plus un titre de dette est considéré comme risqué, plus sa note décroît. La meilleure note est le triple A.

Dans son livre Les agences de notation Norbert Gaillard, notamment, liste les 5 principaux reproches des agences de notations :

  • l’opacité de leurs méthodes de notation : quelles sont les méthodes et hypothèses sur lesquelles elles fondent leur notation
  • une forte concentration du secteur de la notation avec l’existence de trois agences : Moody’s, Standard & Poors (S1P) et Fitch puis d’une 4e Scope Rating depuis nov. 2023.
  • des conflits d’intérêt au sein des agences ce qui pose la question de leur mode de rémunération ( principe de l’émetteur-payeur)
  • l’incapacité chronique des agences à anticiper les dégradations brutales de solvabilité des emprunteurs
  • surréaction des agences lorsque les crises sont confirmées

10 – Qu’en disent les économistes ?

Si une question est débattue, très largement, très longuement par les économistes de tous les pays, de tous les courants, toutes les pensées économiques (classiques, néo classiques, productivistes, marxistes, néo marxistes, libéraux, néolibéraux, keynésiens, néokeynésiens, atterrés… et ce depuis des décennies, c’est bien celle de la dette publique !

Voici quelques références de documents disponibles à la bibliothèque municipale de la Ville de Lyon pour appréhender ces différents points de vue :

Sitographie

Sites du Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique 

Vie publique

IEFP (Institut pour l’Education Financière du Public) La dette publique – La finance pour tous

FIPECO (Finances publiques et Economie)

Fondation IFRAP

hors de France

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