Pourquoi des monnaies locales en Auvergne-Rhône-Alpes ?
Et si leur principale qualité était pédagogique...
Publié le 03/10/2022 à 09:41 - 17 min - Modifié le 11/10/2022 par Tarteàlacrème
Le mouvement des monnaies locales, parfois dites complémentaires (elles n’ont pas vocation à remplacer la monnaie nationale) connaît un essor depuis 2010 en France. En légiférant à ce sujet (loi 2014-856 du 31 juillet 2014) -loi relative à l'économie sociale et solidaire- , la France a été avant-gardiste. Cette loi a entraîné la modification du code monétaire national ! Au pays basque, la monnaie Eusko connaît un succès inégalé en Europe (4000 utilisateurs particuliers, 1300 professionnels). Les effets économiques de ces monnaies sont pour le moment quasi négligeables au plan national. Et pourtant, elles nous interpellent ! Pourquoi des citoyens choisissent de se « compliquer » la vie au quotidien dans leurs échanges ? On imagine les créateurs de ces monnaies comme des rêveurs, des idéalistes, bref une utopie… pourtant la monnaie est une chose éminemment concrète et complexe. La région Auvergne-Rhône-Alpes n’échappe pas à ce phénomène. Et cocorico ! Plusieurs chercheurs en économie sont des spécialistes internationaux de ce sujet : Jérôme Blanc, Marie Fare, Nicolas Laurence, Ariane Tichit. Et le réseau SOL a son siège à Lyon !
1. Qu’est-ce-qu’une monnaie locale ou complémentaire ?
2. Quelles monnaies alternatives en région Auvergne-Rhône-Alpes ?
3. Quels objectifs pour ces monnaies ?
1. Qu’est-ce-qu’une monnaie locale ou complémentaire ?
Au quotidien, nous connaissons la monnaie comme outil de valorisation des richesses et de résolution des dettes par le biais des transactions. Mais elle sert également d’unité de compte (échelle de prix…) et de réserve de valeur (l’épargne). Les banques centrales de chaque pays fabriquent la monnaie ; les banques commerciales l’émettent (crédits, retraits…). Les banques centrales émettent seulement la monnaie destiné au marché interbancaire (entre banques commerciales).
La monnaie scripturale (comptes en banques) est basée sur la dette et son écriture. Elle représente un volume bien supérieur à la monnaie fiduciaire et métallique (billets, pièces = les liquidités). Les marchés financiers qui favorisent la spéculation sont basés sur la monnaie scripturale. La monnaie fiduciaire appartient au contraire à l’économie réelle : les transactions du quotidien
A l’heure actuelle, l’économie de marché est la façon la plus répandue de réguler les échanges. Le marché cherche à garantir la stricte équivalence de l’offre et la demande. La contrainte étant que l’offre et la demande coïncident. Il existe d’autres façons d’échanger : les systèmes qui sortent du cadre de l’économie marchande peuvent être qualifiés d’alternatifs. Il peut s’agir d’échanger par réciprocité (parfois multilatérale : plusieurs acteurs). L’échange par centralité s’appuie sur la redistribution. Enfin, l’échange communautaire garantit l’accès de tous aux richesses.
Les systèmes d’échanges alternatifs mettent en valeur le capital social plutôt que le capital financier. L’intérêt collectif est remis au centre et fait passer le consommateur à un rôle actif. A travers les monnaies locales, la monnaie fiduciaire circulante devient plus qu’un moyen de paiement.
Penser nos façons d’échanger, réfléchir à la monnaie comme outil entouré de pratiques sociales, nous conduit à repenser la notion de richesse. Depuis le 13 avril 2015 (loi sur les indicateurs de richesse), une loi prévoit la prise en compte d’indicateurs de qualité de vie et de développement durable. Cette loi donne lieu à un rapport annuel présentant l’évolution des indicateurs.
Que les échanges relèvent de l’économie de marché ou non, ils font partie de pratiques sociales. La monnaie est parfois qualifiée de « fait social total ». Elle est un instrument symbolique qui repose sur la confiance et c’est d’autre part une pure convention.
L’argent est également un outil lié à la souveraineté et au pouvoir permettant un certain de type de contrôle. Mais c’est aussi un objet trivial, qui renvoie chacun à sa propre perception de la richesse.Les monnaies locales, dont l’impact se lit en microéconomie, interrogent cette souveraineté et d’autre part le monopole de l’émission monétaire par les banques commerciales. Avec la pièce de théâtre “Par ici la monnaie”, la compagnie La Tribouille explore le sujet de l’argent et de la démocratie.
L’apparition de monnaies locales est directement liée à des contextes de crise. Dans le contexte révolutionnaire, les liquidités manquaient. Des assignats ont donc été émis par l’Etat, mais les coupures de ceux-ci ne permettaient pas le règlement des échanges du quotidien. De ce fait, des « billets de confiance » locaux ont été émis pour permettre les transactions. On parle parfois de “monnaies de nécessité” ; elles ont été employées à différentes périodes (après la première guerre mondiale…).
Les monnaies locales et complémentaires qui se développent aujourd’hui recherchent un mode d’organisation pour pérenniser un mode d’échanges. En Europe, elles sont apparues dans les années 1990. Elles se distinguent de la monnaie nationale en ce qu’elles portent un projet. Elles ne peuvent circuler en dehors d’un territoire restreint, ni être épargnées. Leur but unique est de circuler pour l’achat de biens ou d’activités fléchées (adhésion sur critères de politique salariale, ancrage sur le territoire, pratiques écologiques et économiques vertueuses). De ce fait, elles se cantonnent à l’économie réelle et donc ne participent pas à la spéculation (on parle de fuites monétaires). Les monnaies locales ambitionnent de circuler beaucoup plus vite sur leur territoire et donc de créer plus de richesse.
Des ressources radiophoniques
– France culture : Monnaies locales, monnaies citoyennes et anticapitalistes ? / 15 janvier 2022 / 15mn
– France culture : Y a-t’il une monnaie locale dans votre région ? / 7 décembre 2021 / 3mn
– France culture : Savez-vous ce qu’est le PIB ? / 27 juin 2022 / 4mn
– France culture : Quels sont les nouveaux indicateurs de richesse de la France ? / 28 juin 2022 / 4mn
– France culture : Épisode 1/7 : « Il n’est de richesse que d’hommes » / 15 juin 2020 / 59mn
– France culture : « Tous comptables » / 29 février 2015 / 29mn
– France inter : Des monnaies locales… d’intérêt général / 16 mai 2021 / 3mn
Question du guichet du savoir : Où se trouvait le café Tolozan et quel était l’usage de ces jetons ?
Des ressources écrites au sujet de la monnaie :
– Les monnaies alternatives / Jérôme Blanc / 2018
– Les monnaies de nécessité à Lyon (1914-1922) / Audrey Soria / 2007, Revue européenne des Sciences sociales XLV-137 | La monnaie, personnage historique Pour les contemporanéistes : la monnaie, un personnage nouveau de la croissance et des politiques économiques
– Repenser la monnaie : transformer les territoires, faire société / Marie Fare / 2016
– La monnaie : un enjeu politique / les Économistes atterrés ; [avec les contributions de] Jean-Marie Harribey, Esther Jeffers, Jonathan Marie… [et al.]
– Comprendre l’économie : un enjeu citoyen / Assen Slim / 2019
Un film récent : La monnaie miraculeuse / Urs Egger / 2018
Des ressources écrites au sujet de la richesse
– Redéfinir la prospérité : jalons pour un débat public / Isabelle Cassiers et alii ; préface de Dominique Méda / 2011
– Au-delà du PIB : pour une autre mesure de la richesse / Dominique Méda / 2008
– Les nouveaux indicateurs de richesse / Jean Gadrey, Florence Jany-Catrice / 2012
– Reconsidérer la richesse / Patrick Viveret / 2013
– Article Influx : Ah, si j’étais riche ! / 2014
– Produit intérieur brut, La richesse est ailleurs / Interdépendances n ° 74, Olivier Bonnin / juillet-septembre 2009)
– Qu’est-ce que la richesse ? / Dominique Méda / 1999
– Loi 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire
2. Quelles monnaies alternatives en région Auvergne-Rhône-Alpes ?
Les monnaies locales font partie des monnaies alternatives. Citons quelques exemples d’autres systèmes d’échanges alternatifs en Auvergne-Rhône-Alpes.
– Les crédits mutuels pour particuliers : les Systèmes d’Echanges Locaux (SEL).
C’est un peu les précurseurs des échanges alternatifs. Ils sont bien adaptés pour les échanges de services, moins pour l’échange de biens. Le nom de l’unité de compte fait sens pour la communauté qui l’emploie : par exemple le SEL bressan comptabilise en grains de maïs. Il n’est pas toujours à parité avec la monnaie nationale : 60 unités pour 1 heure. Le comptage se rapproche de l’unité temps. Les Systèmes d’Echanges Locaux n’ont pas de salarié ; ils ont souvent constitué un groupe où les personnes se connaissent, le numérique est peu utilisé.
– Richard Lauraire / Les systèmes d’échanges locaux et la valeur / in Journal des anthropologues, 90-91 | 2002 : Monnaies : pluralités – contradictions
– Pourquoi les Systèmes d’Echanges Locaux recourent-ils si peu au numérique / Labo Société du numérique / 2018
– Les crédits mutuels en base temps
En France se sont développées les accorderies, en provenance du Québec. Elles encouragent l’entraide et les liens communautaires, la mixité sociale locale. Elles emploient souvent un salarié, et font donc souvent appel à un financeur extérieur : fondations, entité publique comme la CAF… La comptabilisation en base temps permet une distance dans l’échange. L’accorderie de Chambéry est la plus ancienne de France, créée en 2011 !
En Auvergne-Rhône-Alpes : Grenoble, Ambérieu-en-Bugey, Annecy, Aiguebelle, Les Avenières, Pontcharra, Annonay, Bauges, Saint-Etienne, Galaure
– Les monnaies convertibles
C’est aujourd’hui le type de monnaie qui essaime le plus (environ 82 monnaies en France). Les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle important en soutenant ces initiatives. Juridiquement, ces monnaies sont admises comme titres de paiement comme les tickets restaurant : elles n’ont pas de cours légal. Concrètement, il faut échanger des euros contre la monnaie locale dans des comptoirs de change et adhérer à une association. Les monnaies locales ont une valeur fixe définie en monnaie nationale. La réserve équivalente en euros est en général déposée dans des banques éthiques (NEF, Crédit coopératif) . Elles sont convertibles car les professionnels adhérents peuvent reconvertir la monnaie locale en monnaie nationale (moyennant parfois une commission). Une charte définit des principes qui permettent de filtrer les commerçants ou prestataires adhérents.
Aujourd’hui, dans les réseaux de monnaies locales, la difficulté concerne plus le nombre d’utilisateurs que le nombre de professionnels engagés. Ces derniers trouvent une possibilité de montrer leur engagement en faveur du circuit-court, de l’écologie etc… Ces monnaies cherchent pourtant à se développer au-delà des cercles militants sur leur territoire, pour être plus qu’un symbole. En revanche, l’idée est de promouvoir l’essaimage plutôt que des réplications ou des extensions sur le territoire.
La crise sanitaire a mis en suspens certaines monnaies locales ; elle a surtout beaucoup encouragé les associations vers la dématérialisation. La facilité d’utilisation permet à la monnaie numérique de toucher un public plus étendu. La loi pour une République numérique permet aux monnaies locales d’utiliser les moyens numériques.
L’arrêté du 24 décembre 2012 qui dresse la liste limitative des moyens et instruments de paiement acceptables par les collectivités publiques n’a pas été modifié suite à la loi de 2014. En 2018 le préfet des Pyrénées-Atlantiques s’était opposé à ce que la Ville de Bayonne puisse directement rémunérer des prestataires en Euskos. En fin de compte, la Ville de Bayonne a dû déposer le montant en euros sur le compte d’Euskal moneta (association gestionnaire de l’Eusko) et c’est cette entreprise qui paye le prestataire en Euskos. Aujourd’hui encore le code général des collectivités territoriales ne leur permet pas de détenir un compte en monnaie locale. Une collectivité peut encaisser en monnaie locale qu’elle dépose ensuite à l’association émettrice, mais elle ne peut pas décaisser (payer) directement en monnaie locale.
Voici la question d’une sénatrice posée en janvier 2021 au sujet de l’usage de ces monnaies par les collectivités : la réponse du Sénat rappelle l’« unité et [l’]indivisibilité de la République » et parle d’une « source inévitable de complexité comptable et administrative pour les créanciers des collectivités territoriales ».
Les collectivités locales s’intéressent de plus en plus à ce phénomène auquel elles donnent une crédibilité. Depuis le 26 avril 2021, les élus métropolitains peuvent recevoir une partie de leur indemnité en gonettes. La ville de Lyon (30 septembre 2022) et Villeurbanne (30 mai 2022) ont suivi cette démarche. Le 18 mars 2021, Véolia Eau – Grand Lyon délégataire du service public de l’eau a été intégré comme professionnel, suite à un débat important au sein de la Gonette. Au départ, l’idée était que des utilisateurs puissent payer leur facture d’eau en gonettes. Cette finalité n’a pas pu être menée à bien. En revanche, les salariés de Véolia bénévoles et fournisseurs extérieurs de Véolia pourront être payés en gonettes.
Depuis le 1er janvier 2022, les utilisateurs de la gonette peuvent payer les six musées lyonnais et les archives municipales en gonettes. Ce sera également bientôt le cas des bibliothèques. Les premiers services à accepter la monnaie de Lyon sont donc des services culturels. Certaines barrières demeurent : les services publics peuvent encaisser en monnaie locale, mais ne peuvent pas encore décaisser (payer) directement, par exemple des prestataires.
Les monnaies locales sont une mouvance vivante : certaines naissent quand d’autres sont en difficultés ou « meurent ». Elles sont portées par des modèles économiques différents : bénévolat uniquement, un ou plusieurs salariés. Certaines sont fortement soutenues par les collectivités locales, reçoivent une subvention ; d’autres sont autonomes financièrement (Saint-Etienne).
Des exemples régionaux :
Commune ; mise en circulation en 2010 ; bassin de Roanne ; numérique ?
L’Elef ; mise en circulation en 2014 ; bassin de Chambéry ; présence de salarié ; monnaie numérique
La Doume ; mise en circulation en 2015 ; bassin de Clermont-Ferrand ; absence de salarié ; monnaie numérique
Le Lien ; mise en circulation en 2016 ; bassin de Saint-Etienne ; bénévoles ; monnaie numérique
Le Cairn ; mise en circulation en 2017 ; bassin de Grenoble ; monnaie numérique
Le Babet ; mise en circulation en 2018 ; Pilat ; bénévoles ; numérique ?
Gentiane ; mise en circulation en 2018 ; bassin d’Annecy ; bénévoles ; numérique ?
Le Soudicy ; mise en circulation en 2018 ; Allier ; recrutement d’un salarié en 2022
Le Br’Ain ; mise en circulation en 2021 ; bassin de Bourg-en-Bresse ; un salarié ; numérique à venir ?
Le Tissou ; mise en circulation en 2022 ; bassin du Nord-Isère ; bénévoles ; numérique à venir ?
Comment fonctionne une Monnaie Locale Complémentaire (MLC) – Anne Cécile Ragot
Des ressources
– France inter Et si nos espèces étaient en voie de disparition ? / 2020 / 45mn
– Le numérique au secours des monnaies locales et complémentaires : Un enjeu de territorialisation et de connexion des circuits courts d’échange / Bénédicte Martin / 2018
– Monnaies locales : monnaies d’intérêt général : Étude sur l’utilité sociale des monnaies locales complémentaires / Mouvement SOL / Avril 2021
– « Les collectivités locales doivent pouvoir payer en monnaie complémentaire » / Collectif / Le Monde / 30 avril 2018
– « L’utilisation des monnaies locales sera-t-elle facilitée ? / Lena Jabre / La Gazette des Communes / lundi 31 mai 2021
– Jérôme Blanc, Marie Fare, Oriane Lafuente-Sampietro. Les monnaies locales en France : un bilan de l’enquête nationale 2019-20. [Rapport de recherche] Université Lumière Lyon 2 ; Sciences Po Lyon. 2020, pp.57
3. Quels objectifs pour ces monnaies ?
Le rapport conduit par le Mouvement Sol en avril 2021 démontre le levier que peuvent constituer les monnaies locales : pouvoir citoyen, solidarité, écologie, économie et dynamiques territoriales.
A Lyon, la Métropole, l’Université et la Gonette mènent une étude sur les changements alimentaires que peut induire la monnaie locale auprès des étudiants.
Consolidation et transformation des économies locales : par la création d’un réseau de professionnels aux valeurs en accord avec une charte, les associations qui portent les monnaies locales sont capables de choisir leurs membres. Les professionnels choisis accèdent ainsi à une forme de reconnaissance. Les professionnels comme les particuliers utilisateurs sont incités à changer de fournisseurs pour se mettre en lien avec des adhérents à la monnaie.
Apport de lien social et solidarité : certaines monnaies locales ont mis en place des actions solidaires, par exemple le Sol-Violette en direction des chômeurs. Suite à la crise sanitaire, certaines municipalités ont distribué un montant en monnaie locale à des habitants. La monnaie est repensée comme un commun, un outil de lien social.
Transition écologique : par la relocalisation de l’économie, les monnaies locales luttent contre le dérèglement climatique en évitant le transport des biens et des services. Les monnaies complémentaires au service de la transition écologique
Emancipation des personnes : le sujet de la monnaie est particulièrement complexe. C’est un « fait social total » dans lequel nous sommes impliqués quotidiennement. Comprendre les mécanismes monétaires peut être qualifié d’encapacitation (« empowerment »). Un sujet dont les connaissances relèvent d’experts est diffusé pour être réapproprié par toute personne intéressée. Voir par exemple le réseau Positive Money.
Stimulation de l’économie par la relocalisation des échanges : on parle de vélocité pour la vitesse de circulation de la monnaie fiduciaire. Il est difficile de comparer la vitesse de circulation des monnaies locales et monnaies nationales. Certains exemples de monnaies locales très dynamiques (Eusko, Chiemgauer en Allemagne) montrent que celles-ci circulent beaucoup plus rapidement que l’Euro. Certaines monnaies locales utilisent le principe de la fonte pour éviter que les avoirs stagnent. Un pourcentage peut être prélevé sur la valeur des avoirs au-delà d’un certain temps ; ou bien un timbre à coller sur la monnaie papier retirera une partie de sa valeur. La fonte ne semble pas un principe utilisé dans les monnaies locales numériques.
Réorientation pratiques de consommation, de production et de commerce : La relocalisation déjà évoquée en fait partie. D’autre part, la réserve d’euros correspondants au change placés dans des banques éthiques a pour but de territorialiser la finance solidaire ; Il s’agit de penser la monnaie comme un « commun », au service d’un projet construit. Il est nécessaire de gérer cette ressource.
Contester, se différencier des valeurs dominantes : Les symboles qui figurent sur les billets de monnaie locale montrent l’aspect identitaire qu’elles peuvent peuvent revêtir. La remise en question de la souveraineté monétaire est portée de manière forte par certaines associations.
Les monnaies locales bénéficient par défaut d’une dispense d’agrément bancaire de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACRP). Au-delà d’un million de titres en équivalent euros en sommes de transaction annuelles (quantification des échanges = importance de la monnaie circulante), une procédure de demande d’exemption d’agrément envers l’ACPR doit être entamée.
Parmi les monnaies alternatives, il existe également les cryptomonnaies qui contournent les banques commerciales. Ces projets n’ont rien de local et sont pour beaucoup tournés vers la spéculation. Mais certains portent des projets écologiques (le Solarcoin rémunère les producteurs d’électricité solaire ; le Regen rétribue les agriculteurs qui régénèrent l’écosystème grâce à la mise en place de pratiques vertueuses).
La chercheure Ariane Tichit applique le concept de polyculture à la monnaie. L’usage d’une seule monnaie pour différentes utilisations conduit à une concentration des pouvoirs. L’idée de circuit court (souvent appliqué à l’alimentation) peut l’être aux circuits financiers. En revanche, les monnaies alternatives peuvent conduire à une hypermonétarisation des rapport humains. Certains échanges, notamment concernant les services, auraient pu être résolus sans système de monétarisation ou de comptabilisation. En fin de compte, la politique monétaire pourrait être orientée vers des priorités sociales, un commun au service d’un projet de société (ex. dans les années 1950, pour la reconstruction).
Des ressources
– Vincent Lucchese, « Faut-il changer de monnaie pour sauver le monde ? » / Usbek et Rika / 2019
– Quel impact social des monnaies locales ? / Rapport mouvement Sol / Avril 2021
– Dossier « Réinventer la monnaie » / Alternatives économiques / n°6 Mai 2016
– Article « L’avenir global des monnaies locales » / Science & Vie / 15 décembre 2021
– Article « Les trois avenirs de la monnaie » / Les Echos / 8 février 2022
– Article « La « gonette » des petits sous contre la loi de l’argent roi » / Libération / 3 janvier 2022
– Alternatives économiques Entretien « Les monnaies locales œuvrent pour une économie de liens » 01/09/2015 Les dossiers n°3 – 09/2015
– Dossier “Monnaies locales : on change d’échelle” / L’âge de Faire / n°122 septembre 2017
– Thomas Boccon-Gibod, Alban Mathieu (dir.), Monnaie, souveraineté et démocratie, Lormont, Le Bord de l’eau, coll. « Documents », 2022, 247 p., EAN : 9782356878618
– Réinventons la monnaie ! : les premiers pas vers un nouveau paradigme / Bernard Lietaer et Jacqui Dunne / 2016
– Créer une monnaie complémentaire : manuel à l’usage des citoyen-ne-s / Bernard Lietaer ; Christophe Court, Nicolas Meunier et Hervé Pillard / 2018
Pour aller plus loin
– France culture « Les fondements du libre échange sont-ils si solides qu’on le prétend ? », 28 décembre 2021, 3mn
– France culture : “Quelle économie pour relever les défis du siècle” / 27 août 2022 / 59mn
– France culture : Du gouvernement par les lois à la gouvernance par les nombres : un podcast à écouter en ligne | France Culture (radiofrance.fr) notamment Épisode 19/12 : L’essor des usages normatifs : la comptabilité et les statistiques 7 avril 2020 / 59mn
– RAMICS (Research Association on Monetary Innovation and Community and Complementary Currency Systems )
– Polanyi, Karl / La subsistance de l’homme : la place de l’économie dans l’histoire et la société / 2011
– Polanyi, Karl / La grande transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps / 2009
– Michael J. Sandel / Ce que l’argent ne saurait acheter : les limites morales du marché / 2016
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One thought on “Pourquoi des monnaies locales en Auvergne-Rhône-Alpes ?”
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Bonjour, la doume est la monnaie locale du département du Puy-de-Dôme et a une salariée depuis 2018 🙂