Musées lyonnais au confluent
Publié le 24/12/2014 à 00:00
- 22 min -
Modifié le 30/09/2022
par
Admin linflux
Deux musées font l'actualité à Lyon : le musée de l'Imprimerie et de la communication graphique, qui s'est offert un nouveau nom pour ses 50 ans, et le musée des Confluences qui a ouvert ses portes le 20 décembre 2014 après 8 années de chantier. Ces deux musées ont de nombreux points communs : ils s'intéressent à l'histoire des sciences et des techniques, ils ont de fortes racines à Lyon, et ils témoignent d'un nouvel âge muséographique.
Sommaire
Le musée de l’Imprimerie et de la communication graphique, vénérable et contemporain
Le musée des Confluences raconte l’homme
Sciences et techniques au musée des ConfluencesFragiles musées universitaires
Un patrimoine de la santé en péril
Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés…
1. Musées d’aujourd’hui
Le musée de l’Imprimerie et de la communication graphique, vénérable et contemporain
Si le musée de l’Imprimerie n’a que 50 ans, des Allemands ont apporté l’imprimerie à Lyon quasiment au moment où Louis XI décidait d’implanter une première manufacture de soieries à Lyon (1466), il y a près de 550 ans.
Dans une interview accordée au magazine Reflets de novembre 2014, Alan Marshall, directeur, évoque ainsi les mutations de son musée : Le changement de nom résume parfaitement le projet : l’imprimerie, c’est le côté vénérable, la communication graphique, c’est l’aspect contemporain. Loin d’être antinomiques, les deux volets sont inséparables : ce sont bien les six siècles d’histoire de l’imprimerie qui permettent de comprendre la communication graphique dans les médias numériques d’aujourd’hui ! Le volet communication graphique complète et enrichit notre patrimoine d’un parcours en phase avec le présent de notre société. N’oublions pas que Lyon est une ville qui s’intéresse beaucoup aux nouvelles technologies, à l’image, au numérique ! […] Nous avons saisi l’occasion des 50 ans du musée pour renouveler complètement [la collection permanente], avec cette idée de mettre en lumière un fil rouge depuis Gutenberg jusqu’au graphisme d’aujourd’hui : du XVe au XXIe siècle, d’un seul trait chronologique. L’équipe vise une augmentation de la fréquentation de 33 000 à 40 000 visiteurs en 2015, en profitant des bons résultats des années précédentes, pendant lesquelles le Musée avait doublé sa fréquentation. Ce succès est largement dû à la médiation : 50% de la fréquentation vient des groupes et l’âge moyen des visiteurs a été divisé par deux.
Le Musée propose jusqu’en mars 2015 une exposition temporaire intitulée Voir !, hommage aux donateurs qui contribuent à l’enrichissement des collections depuis 50 ans : graphistes, ouvriers du livre, bibliophiles, chefs d’entreprises graphiques, informaticiens, calligraphes, banquiers, journalistes, dessinateurs de caractères, lithographes, inventeurs, éditeurs, graveurs, ou simples particuliers collectionneurs… Un bel inventaire à la Prévert, dont la marque commune est de vouloir sortir des griffes du temps et de la destruction un petit morceau d’éternité graphique.
Alan Marshall signe ainsi sa dernière exposition. Le 7 octobre 2014, la Ville de Lyon a publié une annonce pour le recrutement d’un conservateur dirigeant les musées Gadagne anciennement sous la responsabilité de Maria-Anne Privat-Savigny (musée d’histoire de Lyon et musée des marionnettes du monde) ainsi que le musée de l’Imprimerie et de la communication graphique et le musée Malartre, piloté par Bernard Vaireaux. La mission de ce conservateur sera de conduire directement le projet scientifique des musées Gadagne et « de soutenir et d’encourager chacun des musées dans leurs propres actions et programmations ». Si d’une volonté purement gestionnaire – acter « des restrictions budgétaires » – évoquée par Isabelle Brione dans un article du Progrès du 22 novembre 2014 – peut sortir une belle stratégie, c’est de mettre en synergie ces cultures lyonnaises scientifiques et humanistes : capitale des Gaules, ville de la soie, des banques, des révoltes ouvrières, des industries de l’automobile puis chimiques et pharmaceutiques, ville de l’invention du cinéma, ville des foires, des biennales d’art contemporain, des nuits sonores…
- Histoire de l’imprimerie à Lyon de l’origine à nos jours, Aimé Vingtrinier
- Guide déraisonné des collections du musée de l’imprimerie et de la communication graphique : 50 personnes font partager leur passion pour un objet patrimonial matériel ou immatériel, sans favoriser une période, un genre ou une thématique particulière.
Le musée des Confluences raconte l’homme
Les collections du nouveau musée s’élèvent à plus de 2 millions d’objets relevant des sciences naturelles, des sciences humaines, et des sciences et techniques, dont une partie héritée de l’ancien Museum fondé en 1772.
Cette volonté de dépasser la distinction entre les musées de l’autre -musées d’anthropologie exotique – et les musées de soi -musées d’arts et traditions populaires – pour de nouveaux musées axés sur la dialectique de l’identité et de l’altérité, du local et du global, est caractéristique de nos sociétés à l’heure de la mondialisation et du numérique. Bruno Suzzarelli, dans la préface de l’ouvrage collectif Métamorphoses des musées de société considère que le premier défi des musées d’aujourd’hui est de prendre en compte le monde en mutation, que le second est la transmission des savoirs pour mieux comprendre le présent, non seulement aux apprenants mais à tous les publics, par tous les moyens. Les musées scientifiques et techniques ont un rôle social et politique à jouer.
Qu’est-ce qu’un musée ? Selon la définition dite de Calgary en 2005 : « Le musée est une institution au service de la de la société, qui a pour mission d’explorer et de comprendre le monde par la recherche, la préservation et la communication, notamment par l’interprétation et l’exposition, des témoins matériels et immatériels, qui constituent le patrimoine de l’humanité ». Sur le site de l’ICOM (International Council Of Museums, on trouve aussi : « Un musée est une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation. » La première définition définissait trois missions -explorer, comprendre, collecter – qui sont complétées par la seconde – transmettre, partager, témoigner.
Pour Anne Watremez, auteure dans le même ouvrage d’un article intitulé « Des approches renouvelées des sociétés et des cultures. Trente ans d’expérimentation pour les musées de société », le musée des Confluences a pour mission de rendre compte des rapports entre les sciences et les sociétés en insistant sur la pluralité des unes et la diversité des autres. Selon son projet scientifique et culturel les sciences éclairent les sociétés (connaissances, compréhension, techniques usages…) et les sociétés interpellent les sciences (rôles, utilisations, utilité, effets, enjeux…). Le musée des Confluences s’attache à révéler ce mouvement, il cherche à comprendre et à faire comprendre le monde qui nous entoure.
Sciences et techniques au musée des Confluences
Les collections du domaine des sciences et des techniques du musée des Confluences ont été constituées en 2005, à partir d’objets acquis à l’étranger, comme la collection Giordano aux Etats-Unis, mais aussi d’objets phare de l’Observatoire de Lyon (lunette méridienne, quart de cercle), des horloges japonaises du XVIIIe siècle, un ensemble de radiologie du début du XXe siècle (dépôt des Hospices Civils de Lyon) ou encore un accélérateur de particules des années 1950 (dépôt d’Universcience). Plusieurs ensembles d’objets techniques permettent d’aborder l’histoire des techniques, l’innovation industrielle ou encore le design : il s’agit d’ustensiles culinaires du conservatoire SEB, d’objets de télécommunication des Collections historique Orange, de dépôts de la Fondation Berliet et d’un fermenteur Frenkel donné par Merial.
Le musée des Confluences se positionnerait-il en espace d’exposition de collections qui n’en n’ont pas… ou bientôt plus ?
Qui se souvient du musée des Télécommunication de Lyon ? La Collection historique Orange, a transféré à Soisy-sous-Montmorency les collections de l’ancien musée des Télécommunications créé en 1989, au 12 bis de la rue Burdeau dans le 1er arrondissement de Lyon, dans l’ancien central téléphonique Lyon-Burdeau. Il avait été construit en 1928 lors de l’automatisation du réseau téléphonique lyonnais. Le Musée comptait environ 700 objets de la Révolution à nos jours, du télégraphe de Chappe à Internet, en passant par le télégraphe imprimeur Hugues et son drôle de clavier de piano (prêté au musée des Confluences), ou encore le pantélégraphe de l’abbé Caselli, précurseur de la télécopie dès 1863. Le Musée largement ouvert au public s’était investi dans la médiation pédagogique, surtout les collégiens et lycéens. Le Musée a fermé en 2002 pour cause de restrictions budgétaires et d’une insuffisance des normes de sécurité du bâtiment. Celui-ci a été mis en vente par France Télécom, et préempté par le Grand Lyon en 2004 pour réaliser dans un premier temps un parking résident puis des locaux dédiés aux associations. En septembre 2014, l’installation d’un second site d‘Esmod Lyon (Ecole Supérieure des Arts et Techniques de la Mode), complémentaire de celui de la rue de Sèze et pouvant accueillir 250 étudiants supplémentaires, est actée. L’objectif de faire de ce quartier « du bas des Pentes » un « pôle de la création ». La première rentrée aura lieu en septembre 2015.
- Télécommunications : collections du Musée des télécommunications de Lyon
- Inauguration du musée des Confluences, Euronews
L’implication du musée des Confluences dans la sauvegarde du patrimoine scientifique et technique
Le Musée des Confluences fait partie du Réseau des musées et collections techniques, REMUT, qui s’est donné pour objectif de faciliter les échanges d’informations, d’expertises, d’expériences et de compétences entre ses musées membres et de favoriser l’accès à des formations. L’organisation de ce réseau a aussi pour objectif de permettre une meilleure visibilité des collections techniques en France vis-à-vis du public. Sur 101 musées, 20 sont en Rhône-Alpes et 6 à Lyon.
Le musée des Confluences héberge pour une année encore Séverine Derolez, dans le cadre d’une convention de recherche CIFRE. Cette doctorante appartient au laboratoire S2HEP (Sciences, Société, Historicité, Éducation et Pratiques) de l’Université Claude-Bernard et travaille sur la patrimonialisation des instruments scientifiques contemporains, avec un développement important autour d’un des instruments de la Big Science des années 1950 : l’accélérateur de particules Cockcroft-Walton, dont un exemplaire a été déposé au musée des Confluences par Universcience. de Lyon. Elle a été recrutée dans le cadre de la Mission nationale de sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain (PATSTEC), pilotée par le musée des Arts et Métiers – CNAM sous l’autorité du ministère de la Recherche. Avec la création d’une collection sciences et techniques et dans le cadre d’une convention-cadre signée entre le département du Rhône et le PRES (COMUE) de Lyon, le musée des Confluences souhaitait en effet s’impliquer dans cette mission sur le territoire de l’Académie de Lyon. Dans la convention déjà signée en avril 2012, deux thématiques importantes pour l’histoire locale sont privilégiées : la chimie et la santé. Avec la responsable des collections sciences et techniques, Séverine Derolez commence donc à référencer des instruments scientifiques du patrimoine de santé, particulièrement exceptionnel à Lyon […] Au total, 133 objets sont référencés au cours des premiers mois et sont décrits dans la base de données du musée. Cependant, pour de multiples raisons, à la fois internes et externes, cette mission est désormais suspendue au musée des Confluences. Dommage.
2. Musées d’hier
Fragiles musées universitaires
Les musées des sciences se sont transformés en deux siècles : les scientifiques ne les arpentent pas pour approfondir leurs connaissances ou avancer dans leurs recherches. L’institution est tournée vers la médiation et la diffusion vers des publics plus ou moins néophytes et non la production des savoirs.
Serge Chaumier, qui signe l’article intitulé « De la conscience des sciences à l’enrichissement des âmes : du musée de science au musée de sciences et société » dans l’ouvrage collectif La Fabrique du musée de Sciences et sociétés montre que la cible des musées des sciences n’est plus les étudiants. Si les musées territoriaux ou nationaux peuvent rebondir, on comprend les problèmes que rencontrent les musées universitaires, qui ne font plus l’objet de projets pédagogiques au sein de l’université.
Nabil El-Haggar dans un article intitulé -« Les enjeux d’une politique patrimoniale universitaire » (in Patrimoine scientifique et technique, un projet contemporain) analyse les difficultés à exister des musées universitaires en France. Alors qu’en Europe et en Amérique du Nord, la valorisation de la culture scientifique est pleinement assurée par les universités, en France, les musées sont construits en dehors de l’université, et la République construit aussi ses grandes écoles, ses instituts et ses théâtres en dehors de l’université. Il en est de même des centres de culture scientifique, technique et industrielle, alors que c’est au sein de l’université que les sciences naissent et s’épanouissent… les enseignants n’emmènent pas leurs étudiants dans les musées universitaires, le public n’a pas l’habitude d’aller au musée à l’université, les médias pensent que rien d’intéressant ne se passe à l’université à l’exception des suicides et des grèves…
Au sein de l’ICOM, il existe cependant un comité international, l’UMAC, dont le but est de protéger le patrimoine dont les universités sont responsables. Pour répondre à cet objectif, l’UMAC est en contact permanent avec ses membres et peut apporter, lorsque cela s’avère nécessaire, ses conseils à l’ICOM ou à d’autres instances professionnelles sur des questions relevant de sa compétence. Malheureusement sur les 263 membres de l’UMAC, seulement 25 sont français.
Le Musée des musées universitaires
Lors d’une exposition intitulée L’Université dans la ville du 13 octobre 2011 au 25 février 2012, les Archives municipales de Lyon ont installé un cabinet de curiosités en empruntant divers objets aux musées universitaires lyonnais. Cette salle éphémère est comme un « Musée des musées universitaires ». Des étudiants en master DASI ont réalisé un film à l’occasion de l’inauguration, et interviewé des personnalités publiques et des étudiants… Extraits…
Le mérite de ce musée éphémère est d’être pluridisciplinaire, de montrer qu’entre les sciences dures et les sciences humaines et sociales, il n’y a pas de frontière étanche…
Il renoue avec le cabinet des curiosités ou cabinet des merveilles, des objets dont on ne comprend pas toujours complètement l’usage, mais qui sont beaux, qui ont une histoire…
C’est aujourd’hui un patrimoine en péril, qui intéresse très peu de gens, géré par des bénévoles, sans statut précis, inconnu du public et en particulier des étudiants, car les enseignants ne leur en parlent pas. Or, c’est du côté des étudiants que ces collections ont un avenir, qui doivent trouver leur intérêt à s’en occuper.
Pour Jean-François Jal, responsable du groupe de travail patrimoine scientifique de l’Université Lyon 1, le patrimoine universitaire est difficile à définir, c’est l’ensemble des connaissances que nos ancêtres ont cumulées, « tous les cailloux soulevés pour voir dessous »… et on ne peut rien fonder sans se souvenir du patrimoine.
Quelles solutions pour protéger et valoriser ce patrimoine ? Réunir toutes les collections du pôle santé au sein d’une grande structure pour montrer et raconter ces histoires ? Prendre en compte la crise économique, la baisse des budgets, trouver le moyen de montrer ces objets dans des lieux à inventer ?
- Cabinets de curiosités : la passion de la collection Cet ouvrage très illustré présente de nombreuses interprétations du cabinet de curiosité. Celui de la Renaissance est le palimpseste des musées, un ensemble d’objets merveilleux, collectionnés et partagés par une élite à l’éducation de laquelle il contribue. Au XVIIIe siècle, il se structure en disciplines. A la Révolution, ces collections aristocratiques deviennent patrimoniales et au XIXe, les musées ouvrent au public.
Le musée des Moulages, qui n’était pas encore menacé en 2011, avait trouvé place dans ce Musée des musées universitaires.
Dès 1893, grâce à Louis Liard, directeur de l’enseignement supérieur, Maurice Holleaux, professeur d’histoire ancienne, prend la direction d’un musée des Moulages, qui trouve place dans les combles de l’Université. Cette collection devait contribuer à la formation des étudiants en arts plastiques et en archéologie et atteindre les 2 000 pièces. Ce musée laboratoire rencontre un tel succès qu’en 1900 il reçoit la médaille d’or de l’Exposition universelle de Paris. Son fonds ne cesse alors de s’enrichir jusqu’au milieu du XXe siècle, au rythme de l’arrivée de nouveaux moulages médiévaux et modernes. Ensuite ? Jugée vieillotte, la collection est reléguée dans les sous-sols. Extirpée après plusieurs décennies, elle est réinstallée, en 1998, dans ce lieu unique baigné de lumière zénithale, [au 3 de la rue Rachais dans le 3e arrondissement], où elle sert parfois de décor à des événements culturels. Certaines pièces sont illustres : la Victoire de Samothrace ; d’autres, rarissimes, comme cette réplique du Sphinx des Naxiens, moulée sur l’original, à Delphes, en 1893. Quelques-unes ont même servi de modèles pour la restauration de monuments renommés – ainsi en est-il de la copie des caryatides de l’Erechthéion. Toutes sont remarquables par leur qualité de reproduction. ,
- « Masques ou copies ? Afrique ou Grèce ? Deux sites qui font voyager ». Article signé V.S., in L’Express, n° 3257, 4 décembre 2013
Patrick Charavel, directeur des Affaires culturelles de l’Université Lyon 2 était responsable du musée. En mai 2014, on apprend dans le journal La Tribune de Lyon que le bâtiment qui héberge le musée des Moulages est destiné à accueillir en 2015 le nouveau département de musicologie de l’Université Lyon 2 avec un auditorium amputant l’espace d’exposition, et que Patrick Charavel s’inquiète du devenir des collections. Depuis, il semble que Patrick Charavel ait été démis des ses fonctions de responsable des Affaires culturelles. Une pétition des Amis de la Culture à l’Université circule actuellement pour « réhabiliter M. Charavel et ses collaborateurs pour qu’ils retrouvent leurs moyens et outils de travail, pour que l’Université n’éteigne pas ses lumières et puisse à nouveau fêter ses Humanités. »
Un patrimoine de la santé en péril
L’avenir est particulièrement incertain pour les quatre musées lyonnais de la santé, trois universitaires, un musée hospitalier :
- Le Musée dentaire (rattaché à la faculté d’Odontologie)
- Le musée de l’Histoire de la Médecine et de la Pharmacie (faculté de Médecine)
- Le musée d’Anatomie et d’Histoire naturelle Testut Latarjet (association des sciences médicales de Lyon)
- Le musée des Hospices civils de Lyon
Les trois musées universitaires sont menacés à plus ou moins long terme par le besoin d’espaces de l’Université Lyon 1.
Le musée de l’Histoire de la Médecine et le Musée dentaire possèdent des collections que le musée des Confluences pourraient être intéressé à exposer, comme il le fait déjà pour le musée des Télécommunications ou le musée des Hospices civils.
Le premier fondé par Alexandre Lacassagne, pionnier de l’anthropologie criminelle en 1913, détient le seul exemplaire connu du baquet de Mesmer, une importante collection d’instruments chirugicaux, une collection de portraits des premiers professeurs de médecine, un tableau représentant une « Vanité » de Lipozzi de 1586…
Le second, créé par trois dentistes lyonnais, conserve une collection d’objets du XVIIIe à nos jours montrant l’évolution de l’art dentaire, les premiers appareils de radio de 1927, qui donnaient déjà une vue en 3 D des dents…
Les collections du musée d’Anatomie renvoient à une médecine « passée par des phases terribles », comme le dit Jean-Christophe Neidhardt, conservateur du musée. Une partie de ses collections peuvent-elles disparaître au nom d’une Ethique pour les Sciences de la vie et de la santé ? Dans un rapport intitulé Avis sur les problèmes éthiques posés par l’utilisation des cadavres à des fins de conservation ou d’exposition muséale, les rapporteurs estiment que même si elle peut être schématique en certaines situations, la différence entre ce qui est contemporain et ce qui est très ancien, entre ce qui est objet de demande de restitution, [comme les têtes maories] et ce qui ne l’est pas, peut servir de fil conducteur à la réflexion éthique. Rien n’est donc tranché. Le qualificatif de « musée des horreurs » ne pourrait apparemment pas être utilisé comme prétexte pour démanteler ce musée, quoique que les pièces anatomiques conservées dans le formol et les cires anatomiques puissent connaître des destins différents. Ainsi, la faculté de médecine de Montpellier prépare un projet dans l’ancien palais épiscopal qu’elle quittera en 2016. Classées en 2004, ses prestigieuses collections anatomiques qui comptent cinq momies d’Antinoë et les cires de la collection de Felice Fontana du XVIIIe siècle, viennent de se voir complétées par celles, tout aussi exceptionnelles, du Musée Delmas-Orfila-Rouvière de l’université Paris-Descartes. En caisses depuis 2005 après une restructuration des locaux, celles-ci renferment, entre autres merveilles, le Musée forain Spitzner avec ses mannequins montrant tous les stades de l’accouchement…
- « Les musées de la santé en péril », article de Sabine Gignoux, in La Croix du 11 mars 2014.
Toujours selon Sabine Gignoux, d’autres cabinets d’anatomie ont pu être rendus au public. Christophe Degneurce a réveillé le musée de l’Ecole nationale vétérinaire de Maisons-Alfort (Val-de-Marne) : héritier du cabinet du roi créé en 1766 avec des pièces remarquables comme les 21 écorchés d’Honoré Fragonard, ce musée était tombé en léthargie jusqu’à sa rénovation en 2008 grâce à du mécénat et des fonds de la région, du département et de l’État. Depuis, il attire 10 000 visiteurs payants par an, ce qui assure son autofinancement. Mieux, son conservateur, également professeur d’anatomie, a réussi à y associer les étudiants vétérinaires qui jouent les guides contre rémunération et participent chaque été à un chantier de restauration des collections.
Le musée des Hospices civils de Lyon
À l’heure de la crise, les hôpitaux ont bien d’autres priorités que de sauvegarder du patrimoine et de le faire visiter au public. Pour eux, c’est une épine dans le pied , observe avec inquiétude Xavier Cotte, président du réseau des Hôtels-Dieu et apothicaireries qui regroupe plus d’une trentaine de musées hospitaliers. Pourtant, selon Jean Poisat (Patrimoine scientifique et technique, un projet contemporain), le patrimoine hospitalier est celui qui peut intéresser le plus de catégories de publics : ressources scientifiques pour les historiens et les chercheurs, ressources identitaires pour les soignants, ressources managériales et communicationnelles pour les directeurs d’hôpitaux, ressources citoyennes pour la société civile.
Le Musée des Hospices civils de Lyon, installé à l’Hôtel-Dieu et fermé depuis 2010, avait été fondé en 1936 à l’Hôtel-Dieu par Emile Delore, président du Conseil d’administration des Hospices, et installé dans une ancienne salle des malades, la salle Sabran, du nom d’un ancien président du Conseil. Il occupait quatre salles en enfilade :
– l’entrée, dite salle Emile Delore, présentait les collections de tapisseries d’Aubusson, des faïences en provenance de l’Hôtel-Dieu et de la Charité (chevrettes, bouteilles, pots-canon, faïences lyonnaises, hispano-mauresques, italiennes…) du XVIe au XIXe siècle ;
– la salle du conseil, où se réunissaient parfois les recteurs, dite salle Jean Lacassagne, proposait des meubles et des tableaux, dont une vitrine témoignant de l’accueil à la Charité des enfants orphelins ou abandonnés : maquette du « tour », objets trouvés sur les enfants abandonnés, médailles de plomb des hôpitaux, biberons d’étain et de verre ;
– la salle des Archives de la Charité, classée monument historique, exécutée entre 1741 par des artisans lyonnais, Louis Caminet (ébéniste) et Charles Vial (serrurier), sculptures en bois de Michel Perrache, avec des vitrines consacrées à la présentation de ces documents ;
– le cabinet de Pharmacie, classé monument historique, d’époque Louis XIII, présentait dans de petites niches une quarantaine de pots et de chevrettes du XVIIIe ; le fameux crocodile suspendu au plafond, sans doute un ex-voto, se trouvait autrefois dans la chapelle du Saint-Esprit, située sur le pont de la Guillotière, démolie en 1772.
Comme tout musée, les réserves étaient riches d’instruments chirurgicaux, de vêtements et objets liturgiques, vaisselle en étain, médailles, meubles, tableaux…
Les collections photographiques, déposées à la Bibliothèque, sont partiellement inventoriées. Les archives sont déposées aux Archives municipales de Lyon.
- « Les patrimoines de la santé : diversité des collections, diversité des acteurs » de Jacques Poisat. In Patrimoine scientifique et technique, un projet contemporain
- Le musée des Hospices civils de Lyon, par Marcel Colly, conservateur du musée
- Le musée des Hospices civils de Lyon, par les Amis du musée
- Quel avenir pour l’Hôtel-Dieu ? Etat de l’art en 2010 du projet de reconversion de l’Hôtel-Dieu.
- Un grand musée de la santé à Lyon Vidéo. (2010)
- Le projet patrimonial aujourd’hui : la Cité de la gastronomie. Un espace d’exposition, de recherches, d’échanges et d’innovation, situé dans la partie la plus ancienne de l’hôpital, les « Quatre Rangs », constitue le cœur de cette Cité de la Gastronomie. Adossé au centre de conventions, il se répartit sur 3 ailes autour du petit Dôme, jusqu’à la Chapelle. Cette zone aux configurations modulables intégrera également des collections du musée des Hospices Civils de Lyon.
- Les musées de la médecine : histoire, patrimoine et grandes figures de la médecine en France
Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés…
A deux semaines du début du festival Label soie qui a pour vocation de mettre en avant la richesse de l’industrie de la soie, de valoriser la diversité de ses innovations à la fois techniques, sociales et culturelles… qui montre que Lyon a su prendre appui sur un héritage exceptionnel pour continuer à construire l’avenir, en devenant un acteur majeur de la création, du design textile et des tissus techniques en Europe… , on apprend par le Journal des entreprises du samedi 1er novembre que la CCI de Lyon, par l’intermédiaire de son président Emmanuel Imberton, s’indigne du traitement réservé à la CCI de Lyon par l’Etat, qui se traduit par une perte de subvention de 10M€, soit 35 emplois supprimés en 2015 sur 350. La CCI ne pourra pas conserver le musée des Tissus et des arts décoratifs, « excessivement déficitaire », qui représente un coût de fonctionnement de 1,6 M€ par an. En fait, E. Imberton l’avait déjà annoncé en février.
Le musée des Tissus et des arts décoratifs, labellisé « musée de France » comme d’ailleurs le musée des Hospices civils de Lyon, est un musée d’art et d’industrie créé en 1864 par la Chambre de Commerce de Lyon, installé au Palais de la Bourse. Quand Edouard Aynard devient président de la CCI en 1890, il propose de renoncer à un musée d’art et d’industrie pour créer un musée historique des tissus d’ambition internationale. En 1946, le musée s’installe à l’Hôtel de Villeroy, rue de la Charité, voisin de l’Hôtel de Lacroix-Laval qui abrite des collections d’arts décoratifs depuis 1925. Le musée des Tissus propose actuellement une exposition de costumes de scène, 20 ans de création de l’Opéra de Lyon.
A suivre donc.
- Lyon et ses musées : département du Rhône, Grand Lyon-de Régis Neyret, André Pelletier.
- Guide des collections du Musée des tissus de Lyon ; sous la direction de Maria-Anne Privat-Savigny
Pour les 32e Journées Européennes du Patrimoine, les 19 et 20 septembre 2015, le Ministère de la Culture a choisi la thématique Le patrimoine du XXIème siècle, une histoire d’avenir : le XXIe siècle commence à peine. Porter l’accent sur son patrimoine c’est être attentif à quinze années de création qui s’exprime par l’architecture des constructions, la conception des jardins et des espaces publics, par le design et les arts plastiques et qui témoignera demain de la vitalité de l’époque que nous partageons et traversons aujourd’hui… En évoquant cette page qui s’ouvre sur le XXIe siècle, le thème permettra ainsi de poser les bases des innovations techniques et culturelles pour donner à voir et à comprendre le futur du patrimoine.
Une simple visite dans l’un de ces musées en danger, ou quelques journées passées dans ce magique musée des Confluences, suffisent à comprendre que les bases du patrimoine scientifique et technique, sur lesquelles se construira le patrimoine du futur, remontent davantage à trois siècles, voire six si l’on suit Alan Marschall, qu’à 15 ans.
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