La littérature olympique

- temps de lecture approximatif de 10 minutes 10 min - par mj

Encore les JO vous dites-vous probablement … oui mais… les JO autrement cette fois-ci. Et si les Jeux Olympiques étaient l’occasion de parler littérature. Vous l’ignoriez peut-être mais fut un temps où le sport n’était pas le seul domaine de compétition au programme des Jeux Olympiques. Une place était faite à la culture artistique. Alors la littérature discipline olympique ? info ou intox ?

À l’origine des Jeux Olympiques dans la Grèce Antique, l’art et le sport étaient deux disciplines indissociables. L’idée qu’une harmonie parfaite ne s’obtenant que grâce à l’entretien conjointe du corps et de l’esprit a poussé Pierre de Coubertin à intégrer des compétitions artistiques au programme des Jeux Olympiques modernes.

Le pentathlon des Muses

 C’est ainsi qu’entre 1912 et 1948 des médailles olympiques étaient décernées pour des œuvres de l’esprit ayant un lien avec le sport.

Cinq catégories pouvaient concourir : l’architecture, la littérature, la musique, la peinture et la sculpture. Le principe était simple : l’artiste devait choisir une thématique sportive et présenter une œuvre d’une longueur de 20 000 mots maximum. Elle pouvait être rédigée dans n’importe quelle langue, mais obligatoirement accompagnée d’une traduction on d’un résumé en français ou en anglais.

On recrute des jurés prestigieux : Jean Giraudoux, Paul Claudel, Paul Valéry ou encore Edith Wharton feront partie de l’aventure.

L’un des tout premiers à concourir à ce pentathlon des Muses n’est autre que Pierre de Coubertin lui-même, médaillé d’or en 1912 dans la catégorie littérature avec un poème « L’Ode au sport » sous le pseudonyme Hohrod et Eschbach. Parmi les concurrents on remarque aussi le jeune Henri de Montherlant.

Malgré cela le succès n’est que très relatif et les œuvres de médiocre qualité.

Mais Pierre de Coubertin ne perd pas son enthousiasme. Il clôturera les Jeux de Paris en 1924 en déclarant :

« Il faut autre chose à côté des sports athlétiques : la présence des génies nationaux, la collaboration des muses, le culte de la beauté, tout l’appareil qui convient au puissant symbolisme qu’incarnaient dans le passé les jeux Olympiques et qu’ils doivent continuer de représenter aujourd’hui. »

Même si le Pentathlon des Muses voit sa fin en 1948, cet héritage perdure encore aujourd’hui.

En effet les festivals culturels et expositions artistiques restent toujours très présents à chaque édition de JO. Que ce soit pour illustrer l’histoire du pays qui accueille les Jeux comme ce fut le cas en Chine en 2008, ou encore aux Jeux de Barcelone en 1992 avec des Olympiades culturelles sur 4 ans.

En 2022, le Ministère de la Culture a mis en place un label spécial pour lancer les Jeux de Paris 2024 : l’Olympiade Culturelle.

Les arts et la culture sont donc toujours liés aux sports comme le désirait Pierre de Coubertin.

Source d’inspiration pour les écrivains, les Jeux Olympiques servent aussi de cadre ou alimentent les intrigues de nombreux récits.

Les Jeux Olympiques dans la littérature

Relisez les classiques avec Astérix aux jeux olympiques ou bien même avec Peyo qui brocarde les valeurs et travers des Jeux Olympiques avec Les schtroumpfs olympiques.

Dans un autre genre, Maurice Genevoix, athlète empêché par ses blessures sur les champs de bataille, a rendu hommage à la civilisation hellénique et au sport athlétique à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris en 1924, avec son roman Vaincre à Olympie.

Des Jeux qui ont marqué l’Histoire

Il n’est pas rare que certains auteurs s’emparent d’événements historiques ayant marqué les Jeux Olympiques.

Ceux de Berlin à l’été 1936 resteront dans l’histoire comme des jeux bien particuliers. Ces IXème olympiades furent accueillies par l’Allemagne nazie et donnèrent l’occasion au Troisième Reich de mener une grande campagne de propagande.

Découvrez l’envers du décor en lisant Berlin. Ce roman tumultueux d’Alexandre Najjar réunit Hitler, Goebbels et Göring, mais aussi Jesse Owens qui va défier à lui seul les théories racistes en remportant quatre médailles.

Dans Jeux d’hiver de Rachel Johnson c’est l’atmosphère des jeux de Munich à l’hiver 1936 que l’on retrouve avec les premiers émois d’une jeune allemande sous fond de montée du nazisme.

Grâce au récit de Pierre Assouline, découvrez l’extraordinaire et terrible histoire du nageur Alfred Nakache qui participera aux Jeux de Berlin avant d’être déporté.

Pour un polar avec comme toile de fond le Berlin de 1936 se préparant à accueillir les Jeux, lisez le premier volume de la trilogie berlinoise de Philip Kerr, L’été de cristal. Également adapté en bande dessinée.

Le garçon qui courait de François-Guillaume Lorrain propose une biographie romancée de Sohn Kee-Chung. Il fut le premier Coréen à remporter le marathon aux Jeux olympiques de Berlin de 1936 sous les couleurs nippones, alors même que la Corée, annexée par le Japon, n’existait plus.

Moments historiques

Les contextes géopolitiques tendus favorisent bien souvent des actes de résistance parfois spectaculaires. Une des images emblématiques du XXe siècle reste celle des jeux de Mexico de 1968. Tout se joue en 19 secondes et 83 centièmes lorsque l’athlète américain Tommie Smith remporte la médaille d’or sur le 200 m. Sur le podium il dénoncera de manière symbolique les discriminations dont étaient victimes les noirs aux États-Unis. Avec son compatriote médaillé d’argent ils levèrent leur poing ganté de noir. Ils seront hués par le public. Cette révolte silencieuse leur coutera leur place dans l’équipe américaine et le bannissement à vie des Jeux Olympiques.

Tommie Smith, Mexico 1968

Pierre-Louis Basse raconte ce moment historique dans 19 secondes 83 centièmes.

D’autres Jeux connurent des événements historiques liés au climat politique mondial.

Les Jeux de Stockholm en 1972 en sont un autre exemple. Bref rappel des faits : le 5 septembre 1972, onze athlètes israéliens sont pris en otage par un commando palestinien. Le bilan est lourd : 17 morts. Malgré tout, les Jeux Olympiques continuent. Le 6 septembre 1972, le lendemain du drame, un hommage est rendu aux victimes. Dans le stade olympique de Munich, une cérémonie est organisée à la mémoire des 11 athlètes israéliens.

Jean Mattern a fait de cet événement le point central de son roman Septembre sous la forme d’une chronique minutieuse entre fiction et Histoire.

Comment retranscrire la réalité grâce à la fiction ? Voilà une question centrale dans le métier d’écrivain.

Histoires de vie d’athlètes 

En effet, l’expérience du réel bien, souvent au cœur de la littérature, se retrouve aussi dans la « littérature olympique ». La forme de la biographie fictionnelle, à la croisée de l’essai, de l’histoire et de la fiction s’est largement emparée de la thématique du défi olympique.

De nombreux romanciers sont allés chercher dans les prouesses olympiques le cadre de leur histoire.

Voici quelques destins exceptionnels d’athlètes pour lesquels l’Histoire s’en mêle ou dont les trajectoires sont singulières.

Jean Echenoz réalise une magnifique biographie fictionnelle avec Courir et s’empare de la figure mythique d’Emil Zatopek, le célèbre athlète tchèque.

Ne me dis pas que tu as peur de Giuseppe Catozzella. Racontée à la première personne, l’histoire de Saamiya Yusuf Omar, née en Somalie en pleine guerre civile qui n’a qu’une passion : courir. Elle représente la Somalie aux jeux Olympiques de Pékin, en 2008. En tentant de gagner l’Europe pour participer aux jeux de Londres, elle meurt au cours d’un naufrage, en 2012.

Avec son roman Kornelia, Vincent Duluc se penche sur les JO de Montréal de 1976 et plus particulièrement sur l’histoire de la nageuse est-allemande quadruple médaillé d’or olympique, Kornelia Ender.

Les culs-reptiles de  Mahamat-Saleh Haroun. En Afrique, les culs-reptiles désignent les oisifs, ceux qui passent leur temps à jouer aux cartes. Moussa Kabo était l’un d’entre eux jusqu’au jour où il est recruté par les autorités de son pays pour participer à l’épreuve de natation aux jeux Olympiques de Sydney, en 2000. Alors qu’il sait à peine nager, il relève le défi avec enthousiasme et candeur pour la plus grande joie des médias.

Mais aussi Aquamarine de Carol Anshaw, Nage libre de Nicola Keegan, Les assassins de Durruti de Sylvain Fourcassié, Le cimetière de pianos de José Luís Peixoto, Le cœur arrière d’Arnaud Dudek, Deux mètres dix de Jean Hatzfeld, Le grand saut de  Renaud Dély, Invisible sous la lumière de Carrie Snyder …

Pour d’autres auteurs il s’agit non pas de relater la vie d’un athlète mais plutôt d’entrer en fusion avec lui.

Dans la tête des athlètes 

La biographie fictionnelle fait revivre les exploits sportifs en empruntant l’œil et les ressentis de l’athlète. Le temps de la lecture, nous pouvons croire que nous vivons les jeux dans l’intimité des sportifs.

Sylvain Coher l’illustre parfaitement dans Vaincre à Rome en se glissant dans la tête d’Abebe Bikila, au rythme de sa foulée infatigable lors de l’épreuve du marathon des Jeux Olympiques à Rome en 1960.

« Sylvain Coher parvient à insuffler à la langue le rythme, la mécanique, les accélérations d’une course de fond, jusqu’au bien-être des endorphines, jusqu’à l’envol final du sprint. Devenu Petite Voix dans la tête du champion, il se coule dans la cadence variable de sa foulée infatigable pour raconter comment grandissent les héros, comment se relèvent les peuples, comment se gagnent les revanches et comment naissent les légendes. »

Source : Éditeur

Enfin pour parfaire votre culture olympique tout en restant littéraire voici quelques pistes…

Quand les écrivains racontent leurs Jeux et autres anecdotes : Je me souviens de la foulée de Pérec et autres madeleines sportives sous la direction de Benoît Heimermann

Les Jeux olympiques de littérature : Paris 1924 par Louis Chevaillier

La Cathédrale olympique ou Munich 1972 de Per Olov Enquist

Mémoires olympiques de  Pierre de Coubertin

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One thought on “La littérature olympique”

  1. MJ Benand dit :

    Bonjour M J
    Bravo , bravo !!
    J’espère que mon commentaire te parviendra ? Myriam , n’est ce pas ?

    Cela me rappelle notre premier point d’actu décalé, peu avant le “coup de boule” de Zidane ! Le titre chapeau de l’article suite à un tour de table oulipien était “au pied de la lettre” ” retenu par A jardin et Henry . salut et bravo à toute l’équipe de litt. MJ (ex litt )

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