Inventer son sport : les bricoleurs de lubies
Publié le 03/05/2024 à 07:30 - 5 min - Modifié le 18/04/2024 par NJB
En marge du sport normé, il semble y avoir toujours eu des innovateurs pour échafauder des épreuves de leur cru. Insolites ou à leur mesure, elles prennent un tour différent selon les époques. La production éditoriale d'ailleurs en témoigne.
Les épreuves « excentriques »
A la fin du XIX ème et au début du XX ème siècle
Dans Histoires de sports, Philippe Tétart raconte la naissance de ces épreuves sportives dites « excentriques », les « sports gais » en opposition au « sports purs ». Oubliées, pour certaines éphémères, incongrues parfois, ces épreuves ont connu le succès ou ont fait pschitt. A la Belle époque et dans l’entre-deux-guerres règne une effervescence manifeste en la matière. Des compétitions sportives iconoclastes éclosent de toute part à l’écart des valeurs élitaires érigées par Courbetin. On peut ainsi assister à des compétitions de courses sur les mains, en rampant, à quatre pattes, « à la brouette ». Bref, on riait en cherchant à devenir « la meilleure version de soi-même ».
Dans un autre genre, les compétitions de lancer de moulinet de 40 grammes à la canne à pêche ne manquaient pas d’attrait. Le vélo-polo (même principe que le polo mais à vélo) a eu ses heures de gloire dès la fin du XIX ème siècle. En 1908 fut organisée une compétition de marche autour de Paris dont la particularité consistait à parcourir les 37,5 kilomètres en frappant des marches militaires sur un tambour. Il fallait y penser. Les syndicats du vin inventèrent quant à eux en 1898 une course de rouleur de tonneau entre Paris et Versailles. On en passe et des meilleurs…
Plus récemment
A une époque plus contemporaine, ne croyons pas que les imaginatifs en survêt se soient tus. Les Foufous du sport, d’Etienne Carbonnier, rapporte avec parfois une pointe d’ironie que l’inspiration est toujours en vigueur. Sous des aspects parfois un peu triviaux, ces jeux sportifs qui fleurissent dans les chemins de traverse, sont souvent des adaptations plus ou moins pittoresques, rustiques, décalées, festives, de pratiques archétypiques qu’on retrouve en fait dans les sports légitimes : des lancers en tout genre et moins académiques comme le lancer de menhir ou le lancer de tronc (caber) ; des courses mais sur des véhicules improbables, par exemple en tondeuse à gazon ; des affrontements redoutables mais peu conventionnels tel que le jeu du chat et la souris version haut niveau ; des concours de force dans des circonstances abracadabrantesques ; des jeux d’adresse détournés comme la bataille de boule de neige, sport sérieux au Japon (Yukigassen)…
Les défis solitaires d’aujourd’hui
Dis-moi quelle est ton épreuve, je te dirai qui tu es
Si l’on observe l’édition récente ayant trait aux innovations sportives, on remarque que celles-ci relèvent d’un autre ordre : des sportifs créent des épreuves avec une forte dimension solitaire, personnelle, individuelle. Des challenges de soi-même, par soi-même, pour soi-même. Quoique, ces défis ne restent pas confidentiels puisqu’ils ont aussi vocation à être racontés. Dans ces livres parus ces derniers mois, il est difficile de dissocier le défi de son auteur. Et dans le récit, la dimension intime est sinon prépondérante, du moins jamais occultée.
Marie
Marie Léautey raconte sa passion pour la course à pied. Elle aime les grandes distances. Le marathon ? Le trail ? L’utra-trail ? Non, trop court. Marie Léautey rêvait encore plus grand. Alors elle a fait le tour du monde.
Décidant de tout quitter, appartement, travail, à 42 ans, elle a pris une poussette avec elle. Elle a mis dedans quelques affaires de rechange, un peu d’équipement et a couru, couru, sans se retourner, traversant l’Europe, L’Amérique, l’Océanie et, preuve que la terre est ronde, elle est revenue deux ans après à son point de départ, 16 paires de chaussures plus loin et sans blessure !
Dans Le monde sous mes pieds, elle raconte son aventure et les péripéties qui lui sont arrivées.
Stève
Stève le Phoque a lui décidé de traverser la Manche à la nage. Aller et retour, cela représente 105 km. Il est le premier français à établir ce record. Par ailleurs, il connait les phoques pour s’en être occupé dans une autre vie. Il va alors s’inspirer de leur régime pour lutter contre un des obstacles de son entreprise : rester 35 h dans l’eau froide. Pendant sa préparation, il s’astreint à une consommation effrénée de poisson gras. De cette manière, il prend en quatre ans les 47 kg qui l’aideront à lutter contre l’hypothermie une fois jeté à la mer.
Son livre Stève le phoque raconte son parcours en passant des dimensions intimes de sa vie à ses différents exploits sportifs réalisés car la traversée de la Manche en 2020 n’est pas le seul.
Vincent
Dans Trop gros pour courir, Vincent Machet évoque sa vie, son poids – 150 kg à 52 ans – et sa passion pour la course à pied. Son défi majeur semble être en fait de mettre en péril le stéréotype qui voudrait que le surpoids ne soit pas compatible avec le sport à haute dose. Depuis son adolescence, faisant fi de ses kilogrammes, il avale les kilomètres. De marathon en marathon, il se bat contre lui-même, contre les normes, contre l’asphalte et le destin.
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