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Drive my car

Ryusuke Hamaguchi

On peut introduire le film Drive my car par ce célèbre aphorisme de Tchekhov : «L'homme heureux ne se sent bien que parce que les malheureux portent leur fardeau en silence. Sans ce silence, ce bonheur ne serait pas possible. »

Yusuke et Oto Kafuku s’aiment. Lui est un acteur et metteur en scène de théâtre reconnu, elle est une ancienne actrice reconvertie en scénariste pour la télévision. Ils ont traversé bien des orages, mais ils restent ensemble, malgré tout. Et surtout malgré les relations intimes qu’entretient parfois Oto avec de jeunes acteurs. Cette dernière meurt brutalement : après 40 minutes d’introduction, l’intrigue principale débute alors.

Yusuke, quelques temps après la mort de sa femme, est invité à participer à une résidence d’artistes à Hiroshima pour monter en version multilingue la célèbre pièce de Tchekhov, Oncle Vania. Son contrat stipule que ses déplacements seront obligatoirement assurés par une professionnelle, qui conduira sa voiture. Et c’est ici que Misaki, une jeune femme renfermée de 23 ans, entre en scène. À partir de là se dénouent, lentement et irrémédiablement, à l’instar de la pièce du dramaturge russe, les non dits et les sentiments contradictoires des protagonistes. Le film est traversé par cette nostalgie amère si chère à Tchekhov. Les personnages y affrontent les regrets et les souvenirs avec une résignation cousue de silence. Le théâtre, la pièce, son interprétation, fils rouges de toute l’histoire, deviennent catharsis de la douleur, de la rancœur, de l’oubli impossible. Y évolue toutefois la lumineuse Lee Yoon-a, actrice muette qui incarne Sonia, et qui dans ses gestes simples appelle une expression des sentiments forte et différente.

Voïnitski et Sonia dans la scène finale d’Oncle Vania

Et tout à coup, quelque chose se passe, en dehors de la pièce. Il y a Yusuke et Misaki. Des liens se tissent entre eux, tout en délicatesse, au fil de la route. La voix d’Oto enregistrée sur une cassette, lit la pièce Oncle Vania en boucle. Puis, peu à peu, s’efface. Des confidences sont presque murmurées : Yusuke a perdu sa fille, il y a 23 ans. Misaki n’a jamais connu son père.

Leur histoire se dévide, doucement, jusqu’au dénouement qui déchire totalement les nœuds de la fiction.

Un beau film tout en nuances qui rend hommage au théâtre, mais aussi à la vie et son lot de deuils, de réconciliations, avec les autres, avec soi-même.

Voir dans le catalogue de la BML

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