Rencontre avec Andreea Navrotescu, Grand Maître international des échecs

- temps de lecture approximatif de 4 minutes 4 min - Modifié le 12/12/2024 par NJB

Le 4 mai 2024, à la Bibliothèque de la Part-Dieu, Andreea Navrotescu était invitée pour un après-midi autour des échecs. Lors de cet évènement organisé en partenariat avec Lyon Échec Passion 64, elle a affronté pendant une "simultanée" trente-deux joueurs ou joueuses de tous âges amateurs d'échecs. Elle a aussi répondu à quelques questions du public que nous reproduisons ici. Quant aux résultats de cette "simultanée", quatre parties se sont soldées par un nul, Andreea n'a connu aucune défaite et certaines parties ont été arrêtées pour des questions d'horaire.

Andreea
Andreea

 

Bonjour Andreea, pourriez-vous d’abord vous présenter ?

Bonjour à tous, je m’appelle Andreea Navrotescu. J’ai 27 ans, je suis née en Roumanie où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 9 ans. J’ai déménagé en France en 2006 parce que mon papa qui était entraineur d’échecs a trouvé un travail d’entraineur ici. En 2012, nous avons été naturalisés.

Comment avez-vous fait pour devenir Grand Maître international ?

Je suis devenu Grand Maître il y a deux ans. C’est le plus haut titre qu’on peut obtenir au jeu d’échecs. Une fois qu’on l’a, c’est un titre qu’on possède à vie. Il faut pour l’obtenir jouer contre d’autres Grands Maîtres dans des tournois internationaux et prouver qu’on peut être aussi fort qu’eux.

De quelle partie vous êtes la plus fière ?

J’ai joué beaucoup de parties dans ma carrière, quelques milliers sans doute. Ce qui m’a le plus marqué, ce sont les tournois. En particulier, mon premier titre de championne de France. J’étais en France depuis peu de temps et en 2008, j’ai remporté ma catégorie d’âge au championnat de France.  C’est pour moi le souvenir le plus marquant. Je ne parlais pas français. C’était la découverte du jeu d’échecs en France.

Votre dernière défaite ?

Je perds très régulièrement en fait. Je joue beaucoup et la défaite fait partie du jeu. Il faut apprendre à perdre. Plus on a d’expérience, plus on accepte que ce n’est pas grave et que notre vie ne dépend pas d’une partie. C’est difficile quand on est plus jeune mais maintenant je le vis bien. Je m’en fiche un petit peu trop (rire).

Je vais être positif : et votre dernière victoire ?

C’est aussi récent. J’ai joué un tournoi à Londres il y a quelques semaines. Je joue à la cadence de plusieurs tournois par mois en général. Un tournoi « en partie lente » dure sept jours. On joue un ou deux matchs par jour. Pour les matchs « en partie lente », on a plusieurs heures pour réfléchir sur une partie. Cela peut aller jusqu’à  cinq ou six heures.

Vous avez gagné contre Magnus Carlsen ? (rire)

Je n’ai jamais eu le plaisir de le rencontrer sur l’échiquier mais je l’ai rencontré en dehors : on a fait une soirée ensemble (rire).

Quel est votre classement ELO ?

J’ai un classement ELO de 2352. J’ai fait partie de l’équipe de France adulte pendant plusieurs années ainsi que de l’équipe de France jeune pendant très longtemps. J’ai un peu voyagé grâce aux échecs. Je suis allé en Inde, aux États-Unis, en Afrique du sud, à Dubaï.

Pouvez-vous parler de l’ambiance dans un tournoi de niveau international ?

Mon meilleur résultat est la médaille d’argent aux olympiades. On joue par équipe. Certaines sont constituées uniquement de femmes. D’autres sont mixtes. Les tournois durent deux semaines en générale. L’olympiade en Inde est un souvenir incroyable.

Lors d’une journée type en tournoi, je me réveille assez tôt. Petit déjeuner, je mange bien. Ensuite c’est la préparation de la partie. Ça consiste à essayer de prévoir ce que l’adversaire va jouer en fonction de ses techniques habituelles et ça dure deux à trois heures. Ensuite c’est la partie qui dure, comme je l’ai dit, cinq à six heures. Puis enfin, il y a l’analyse du match avec le coach pendant une heure. Au final, on arrive à des journées de huit à neuf heures d’échecs. Alors le soir, on essaie de se détendre en équipe et on joue à des jeux de société pour penser à autre chose.

Je ne connais pas bien les échecs mais si je comprends vous mémorisez des techniques et des stratégies que vous appliquez, c’est bien ça ?

Dans la simultanée que l’on va faire, je vais essayer de jouer des ouvertures différentes pour chaque échiquier. Ce n’est pas facile pour moi mais je trouve ça plus amusant et ça vous empêchera de copier les uns sur les autres (rires). En simultanée, à chaque fois que j’arrive face à un échiquier, je vois les positions. Il me faut quelques secondes pour trouver ce qu’il y a faire. Je ne retiens pas toutes les parties mais quand je reviens devant un échiquier,  je me souviens de ce qu’était mon plan.

Est-ce que les échecs sont votre seule activité ?

Oui. Mais quand on dit vivre des échecs, ça comporte plusieurs dimensions. Il y a le métier de coach auquel je me consacre depuis peu de temps. Et il  y a le métier de joueuse. Être uniquement joueuse, c’est compliqué parce que ce n’est pas un sport très médiatisé donc il y a peu d’argent. On ne peut pas vraiment en vivre alors je donne pas mal de cours d’échecs en parallèle. J’ai aussi une chaine YouTube mais je ne me considère pas comme Youtubeuse car je n’ai que 3000 abonnées mais c’est une belle vitrine pour mon métier. Pour résumer, je fais plusieurs petites activités au sein des échecs.

Est-ce difficile d’être une femme dans ce milieu ?

Le titre de Grand Maître féminin a aussi pour objectif de valoriser les femmes. Il ne faut pas le voir comme une catégorie négative : c’est de la valorisation. Le but est d’augmenter les proportions de femmes qui jouent à ce niveau. A ce moment-là, on pourra supprimer les tournois exclusivement féminins.

Quatre-vingt pour cent de mes tournois à l’année sont des tournois mixtes. Mais les tournois très importants comme le championnat du monde ou le championnat d’Europe sont des tournois exclusivement féminins.

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