L’art en strip
Publié le 16/09/2019 à 10:00 - 7 min - Modifié le 16/08/2019 par Pseudo
Une sélection non exhaustive, subjective et évolutive de bandes dessinées sur l'Art : pas le 9e mais tous les autres.
Pop pop pop !
Andy : un conte de faits par Typex
Le dessinateur néerlandais Typex signe la biographie pop d’Andy Warhol en 10 chapitres et 562 pages. Une somme romancée autant que documentée, un « conte de faits » autour du roi du pop art qui rend un bel hommage à la culture graphique américaine.
Ces dix parties plongent dans l’existence complexe de Warhol au travers d’univers graphiques changeants évoquant sa traversée du siècle des années 30 à 80.
Vignettes, dessin noir et blanc, psychédélisme et pointillés à la Roy Lichtenstein se côtoient habilement pour figurer son œuvre pop.
Loin de l’écueil du pot-pourri de styles, cette fresque évoque d’une façon à la fois inconsciente et originale la culture populaire essentielle à l’artiste.
Les chapitres autant de « tranches de vie » semblant extraits de fanzines, magazines, comics… parfaits symboles de son caractère sériel et unique.
Nova, Le Point Pop en parle !
Le secret j’vais tl’e dire : t’as qu’à t’laisser aller. Alors voilà j’me laisse aller.
Lino Ventura et l’œil de verre d’Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry
Comment raconter un colosse tel que Ventura ? Comment percer le mystère Lino ?
Vous savez Merlin, dans ma vie j’ai eu cette sauvegarde extraordinaire, le sport.
J’ai compris très tôt que ce qui caractérise un grand champion ce sont ses qualités morales. (…) on ne peut pas tricher. Il faut être soi-même. Pas de tromperie sur la marchandise.
Sinon de quoi on a l’air Merlin ?
Homme entier et acteur monstre, qu’un halo de pudeur et de droiture rend toujours impénétrable trente ans après sa mort.
Dans sa préface à Lino Ventura et l’œil de verre, Jean-Claude Carrière dit bien cette incapacité à le présenter, le décrire : Lino est un homme sans préface, il s’impose de lui-même.
Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry l’ont laissé s’imposer dans cette belle biographie graphique à son image : sobre et authentique, baignée dans les tons sépia d’un ancien monde.
Le même qu’il partagea avec Gabin, Audiard, Brassens, celui des tontons, des gueuletons, celui dans lequel il a lutté, râlé, milité…
Lino sans détours. Comme on l’aime, comme il se racontait…
La possibilité d’une île
L’île Louvre de Florent Chavouet
L’insularité inspire généreusement et depuis longtemps le dessinateur Florent Chavouet. Après avoir croqué de ses crayons de couleur l’île Japon et la minuscule paillette qu’est Manabe Shima dans l’océan Pacifique, il s’attelle à cette île métaphorique qu’est le Louvre.
Musée unique au monde, île dans l’océan culturel, microcosme social et sociétal, Chavouet dessine le Louvre en dédale à la cartographie impossible.
Œuvres millénaires et visiteurs de tous rivages sociaux, culturels et cultuels s’y rencontrent : télescopage perplexe, subjugué, naïf, érudit, tendre, décalé, impertinent…
L’île Louvre est une pérégrination colorée et anthropologique dans l’intimité de l’homme et de l’œuvre.
Florent Chavouet en parle !
Kiki qui ?
Kiki de Montparnasse de Catel et Bocquet
Il n’a pas fallu moins de 375 pages à Catel Muller et José Louis Bocquet et pour raconter la vie d’Alice Prin, alias Kiki de Montparnasse.
Un pavé qui se dévore avec délectation tant l’existence, somme toute courte de son sujet, fut riche. Kiki de Montparnasse, traversa la 1ère moitié du 20e en illuminant le Paris des Années Folles.
Issue de la plus modeste extraction, elle se fraya un chemin tout naturel dans l’avant-garde artistique de Paris dont elle devint tout à la fois, le modèle, l’amante, l’amie, l’égérie et la confidente.
Mais la muse au nez pointu, carré noir et yeux charbonneux ne fut pas seulement une inspiratrice. Femme combative, elle-même artiste, chanteuse, actrice et patronne de cabaret, elle laissa son empreinte dans cette libération féminine de la première heure, toute relative en somme, mais essentielle.
Cette biographie intelligente nous plonge dans le magnifique magma d’ateliers et d’artistes, Modigliani, Foujita, Kisling, Man Ray et tant d’autres pour qui Kiki fut un lien herméneutique.
Catel et Bocquet en parle !
Genèse d’une création
Feuille de chou. Journal d’un tournage de Mathieu Sapin
Mathieu Sapin est un homme d’immersion, spécialiste des milieux périlleux, zones confidentielles et terrains délicats.
Il se plaît à dessiner les coulisses, dévoiler l’arrière-plan des choses, des lieux, des personnalités.
Avant sa Campagne présidentielle (2012) et Le Château, une année dans les coulisses de l’Élysée (2015) pour lesquelles il s’est aleviné aux basques des politiques ; avant son excellent Gérard pour lequel il a vaillamment suivi Depardieu dans son épopée quotidienne… il a frayé des mois durant avec l’auteur et réalisateur Joan Sfar lors du tournage du film Gainsbourg (Vie héroïque).
Les feux sont au vert pour croquer ce quotidien d’équipe ciné en plein rush : réalisateur, producteurs, acteurs, décorateurs, équipe costumes, équipes casting, coiffeurs, assistants, stagiaires, monteurs : il faut créer un film, ensemble, partout, tout le temps.
On y retrouve l’autodérision, le sens du détail insignifiant, de la réplique faussement banale qui en dit long : le style Mathieu Sapin passé maître dans l’art du dessinateur embusqué.
Plus qu’un journal de bord, un superbe making-of graphique.
Mathieu Sapin et Joan Sfar en parle, persistent et signent !
Brut
Enferme-moi si tu peux de Pandolfo et Risbjerg
L’Art Brut est par essence réfractaire à la théorisation. Comment comprendre cet art singulier, émanant d’individus tout aussi singuliers, formant une entité avec leurs œuvres dans le périmètre clos et enfermant du monde asilaire, carcéral ou social ?
Dans la préface d’Enferme-moi si tu peux, Michel Thévoz qualifie la bande dessinée de « favela in folio », de lieu d’accueil et de récit privilégié des art-brutistes.
Un territoire neutre et hospitalier donne à comprendre leurs parcours cabossés et le « processus circulaire » de l’isolement et de la créativité se stimulant mutuellement.
A la lecture, on tombe vite d’accord avec lui : quoi de mieux que la forme affranchie du dessin pour raconter ces singularités humaines et artistiques, leur éviter la violence de la cimaise, l’académisme de la monographie ?
Les auteurs Anne Caroline Pandolfo et Terkel Risberg ont travaillé à nous ouvrir les destinées de 6 artistes : Augustin Lesage le mineur qui devint artiste en écoutant la voix intérieure, Madge Gill la délaissée mue par une force bienveillante, le bien connu facteur Cheval, Aloïse qui vécut internée durant un demi-siècle, Marjan Gruzewki l’artiste à la main contrariée et Judith Scott, créatrice de cocons mystérieux.
Actualitté en parle !
Ciné-nerd
Filmo graphique d’Edward Ross
Le dessinateur écossais Edward Ross, « nerd cinéphile » autoproclamé s’est attelé à réaliser une histoire du cinéma en bande dessinée.
Ce projet ambitieux, à l’origine paru sous la forme de 4 comics publiés entre 2009 et 2013 sous le titre de Filmish : a Graphic Journey Through Film est finalement édité en un seul volume en 2015, Filmo Graphique.
L’auteur y retrace une histoire subjective du 7e art à la lumière des films qui ont marqué son existence. Il en résulte un ouvrage habile, foisonnant de 300 références filmiques, agrémenté des propos de nombreux réalisateurs et théoriciens.
Sous un trait qui rappelle celui des frères Hernandez, Ross décortique, analyse et rapproche plusieurs centaines de films, de thèmes et de genres.
D’une gageure risquée émerge une bande dessinée stimulante, rigoureuse autant que personnelle. Un bel hommage de l’auteur au cinéma.
A suivre …
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