Détonateurs d’images / Ordinaire en gloire
AMC=archive of modern conflict 2/3
Publié le 23/01/2019 à 10:15
- 6 min -
Modifié le 22/01/2019
par
Dalli
L’image modeste poursuit sa trajectoire, un aboutissement espéré : du recueil d’histoires et récits alternatifs à la consécration artistique, l’envisageable inscription au "patrimoine de l’humanité". En 1991, The Archive of Modern Conflict collecte, à titre privé, des photographies relatives à la guerre et aux conflits (1ère et seconde guerres mondiales). Depuis, cette concentration d’images incalculable s’étoffe sans critères thématiques, typologiques s’inscrivant dans une quête interminable, illimitée du bizarre, de l’exception, du BANAL.
DETONATEURS D’IMAGES
-Salve « Au départ nous voulions savoir pourquoi les gens se battent, le déclencheur des guerres ». AMC
-Estoc «Le conflit était comme un tremplin pour inclure un tas d’autres choses» AMC
Gilles Deleuze l’affirme : «le monde n’est rien : il n’est que prolifération, juxtaposition, disjonction d’images. »
Il y a visiblement la volonté d’approcher la psyché du conflit à travers les images recueillies, d’inscrire une veille active Pour la protection du public en temps de paix, (titre éponyme du magazine AMC 2 Numéro 11) mais aussi de pourvoir artistes, créateurs en particulier qui vont puiser dans ce VIVIER pour les confronter, les scénariser, les sublimer, les mélanger, engranger de nouveaux sens.
Découvreur, collectionneur, secret… Thimothy Prus affectionne et réunit des images depuis l’enfance.
Collectionneur d’art (Rothko, Constable…), homme d’affaires, d’images (à la tête de Thomson-Reuters), secret… David Thomson met sa fortune au service des images modestes, défavorisées, dépréciées.
«J’aime leur côté rebelle et leur intérêt pour “l’autre photographie”, l’image pauvre et sans qualité (-) Ils ont un côté rock’n’roll, je dirais même un peu PUNK dans leur façon d’aborder les images» dira d’eux Sam Stourdzé, directeur des rencontres d’Arles.
Tous deux ont constitué ce Laboratoire de l’Image dont il n’est donné à voir qu’une partie émergente de la collection ( soit entre 4 et 8 millions d’éléments dans sa totalité archivée en Angleterre et au Japon).Véritable entité, AMC revendique le statut de « Patrimoine de l’humanité ».
François Soulages alerte pourtant sur le danger de l’image tout comme sur l’image en danger:
“Paradoxalement, le tout-image contemporain risque de créer une crise de confiance en l’image. L’examen de la mutation dans la fabrication des images de guerre montre comment une image qui ne joue plus son rôle éthique met l’image en danger. Un danger généralisable à toute image fixe ou en mouvement“.
ORDINAIRE EN GLOIRE
Ludwig Wittgenstein pointe notre coup d’œil « Les aspects des choses les plus importants pour nous sont cachés du fait de leur simplicité et de leur banalité. (On peut ne pas remarquer quelque chose parce qu’on l’a toujours sous les yeux). Les véritables fondements de sa recherche ne frappent pas du tout l’attention d’un homme. À moins qu’ils ne l’aient frappée à un moment donné. – Ce qui signifie que ce qu’il y a de plus frappant et de plus fort ne frappe plus notre attention, une fois qu’on l’a vu. »
1979-
Artiste “pop-duchampien” français, collectionneur, recycleur, expérimentateur, adepte de l’insubstantiel, de l’insolation, de l’insolence, du foisonnement volatil, du décalé déconvenant, du convenu abrasif, de l’art qui gratte l’œil et l’esprit, des tatouages, du bleu,

©Thomas Mailaender, Cyanotype
Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien-nantis de Pierre Desproges
du rouge…
Du spirituel dans l’art – Kandinsky

©Illustrated People, Thomas Mailaender
Collection de la Bibliothèque municipale de Lyon,
Livres d’artistes empruntables
Pour ses livres, Thomas Mailaender utilise son propre fonds d’images « Fun Archive », une collection personnelle de photographies anonymes à l’ADN absurde (Cyanotypes et Skin Memories) et celui d’Archive of Modern Conflict pour Illustrated People.

©AMC
Pour ce dernier, il sélectionne des négatifs appartenant à AMC et des volontaires à la gloire artistique anonyme. Ceux-ci déterminent le positionnement du négatif sur leur peau avant que celui-ci ne soit imprimé par insolation à l’aide d’une lampe qui simule le coup de soleil. L’image sera donc éphémère et disparaîtra avec la fin des effets de la brûlure. Il orchestre leur apparition disparition et pérennité tout à la fois.
Natacha Détré rappelle dans sa thèse (les relecteurs d’images /Une pratique artistique contemporaine de collecte, d’association et de rediffusion d’images photographiques), la leçon d’Aby Warburg qui inspira Deleuze et Guattari : l’histoire des images est celle d’une migration dans l’espace, dans le temps.
“Si l’histoire des images est bien celle d’éléments nomades, alors ceux-ci ne peuvent se réduire à des unités fixes, puisqu’ils continuent sans cesse leur chemin à travers le temps et les espaces. Les Relecteurs d’images se saisissent de ces différentes opportunités que leurs offrent les images afin de jouer sur leurs ambiguïtés et leurs possibilités latentes. Mais toutes ces opérations permettent de servir des enjeux dépassant la simple vie de ces images. En ce sens, la portée des recherches effectuées par Aby Warburg à travers son Atlas Mnémosyne (Cf. annexes, figure 81) était précurseur des enjeux de l’art du vingt-et-unième siècle (-)”
Thomas Mailaender Fait oeuvre de relecteur d’images. Il les butine, les attrape pour les sertir tel un entomologiste en quête d’un répertoire d’espèces. Il définit une trame commune, un processus qui fédère des images désapparentées. Il tronque leur histoire, leur source, les asservit, les redistribue…nous égare, nous réoriente, intrigue, fait acte d’artiste “sémionaute”, d’artiste radicant.

©Thomas Mailaender, Illustrated people
Etre radicant c’est ” mettre en scène, mettre en route ses racines dans des contextes et des formats hétérogènes ; leur dénier la vertu de définir complètement notre identité ; traduire les idées, transcoder les images, transplanter les comportements, échanger plutôt qu’imposer”.
“Cette figure de l’artiste radicant est typique d’une culture artistique du vingt-et-unième siècle une forme d’errance non linéaire dans un paysage de signes où le cheminement est finalement plus important que l’objectif. La construction artistique de l’artiste radicant s’accommode donc aux signes rencontrés au gré de ce voyage qui passe d’image en image, de signe en signe. L’histoire des images et de leurs vies, ne forme pas une unité compacte et linéaire, mais recèle bien davantage de complexités significatives dont les ramifications peuvent surprendre”.
©Thomas Mailaender, Illustrated people
Nicolas Bourriaud, « l’artiste radicant invente des parcours parmi les signes. »
« L’artiste s’accommode d’un monde fragmenté dans lequel les objets et les formes sortent du lit de leur culture originelle pour se disséminer dans l’espace global, ils ou elles errent à la recherche de connexions à établir. Indigène d’un territoire sans limites à priori, ils se voient placés dans la position du chasseur-cueilleur d’autrefois, du nomade qui produit son univers en arpentant inlassablement l’espace. »
Face à l’absurdité des guerres :
La minute nécessaire de Monsieur Cyclopède de Pierre Desproges
A suivre AMC 3/3 l’artiste ethnographe et anthropologue / Bible ou bréviaire artistiques
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