KATRIEN DE BLAUWER
LES PHOTOS QU’ELLE NE MONTRE À PERSONNE
Publié le 17/12/2022 à 11:49
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3 min -
par
Tori
Exposée aux Rencontres de la photographie d’Arles cet été, Katrien De Blauwer est une photographe belge née en 1969. Représentée par la galerie les Filles du Calvaire (Paris), elle a présenté à Paris Photo 2020, son dernier livre : « Les photos qu’elle ne montre à personne ».
Katrien De Blauwer collecte, assemble, découpe des détails de photographies. C’est sa manière de faire de la photographie.
Disons que je suis une photographe sans appareil. La coupe est comparable chez moi au déclic de l’appareil photo.
Katrien De Blauwer
récits intimes
Elle crée des liens inattendus comme elle pourrait chuchoter un secret.
Il y a quelque chose de radical, quelquefois violent dans les coupures qui tranchent les corps, les paysages ou l’architecture jusqu’à la perte d’identité. Un morceau de visage, le haut du crâne, des jambes ou des mains … Les femmes et les hommes se répondent par fragments.
ENTRE CIEL ET TERRE
Quand je ne souffre pas, me retrouvant entre deux périodes de souffrance, je vis comme si je ne vivais pas. Loin d’être un individu chargé d’os, de muscle, de chair, d’organes, de mémoire, de desseins, je me croirais volontiers, tant mon sentiment de vie est faible et indéterminé, un unicellulaire microscopique, pendu à un fil et voguant à la dérive entre ciel et terre, dans un espace incirconscrit, poussé par des vents, et encore, pas nettement.
Henri Michaux, La Vie dans les plis, Gallimard, 1949
Tel un journal intime, Katrien De Blauwer expose des éclats de vie dans un univers poétique, intime et mystérieux. Un univers qui pourrait être le nôtre, teinté de nostalgie et peut-être même de non-dits qui sèment le doute, diffusent un malaise et évoquent des douleurs passées.
Ces collages parlent de moi, de ce qui me tient occupée. Ils sont mes histoires et ma façon de traiter le passé. Mon emprise sur la réalité, mon rituel et ma routine.
Katrien De Blauwer in Vogue, 3 juin 2019, entretien réalisé par Claire Beghin.
Elle collectionne, coupe, compose, réinvente comme une auto-investigation thérapeutique.
L’art est une garantie de santé mentale
Louise Bourgeois
collection – construction
Nombre d’artistes, comme le précurseur Peter Feldmann, collectionnent, agencent, travaillent les images dans un système d’archivage personnel. Thomas Mailaender ou Philippe Jusforgues font partie d’une nouvelle génération d’artistes qui puisent dans les archives publiques, privées ou sur le net pour créer à partir d’images existantes.
Pendant ses études de mode à l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers , Katrien De Blauwer réalise des mood-boards, une habitude qu’elle n’abandonnera pas. Elle coupe, assemble et colle des morceaux de photographies noir et blanc, tirés de magazines des années 20 au années 60, pour composer ses micros-récits sensuels au cadrage cinématographique. Dans ses images nous retrouvons un peu Antonioni pour l’incommunicabilité ou le malaise existentiel, la manière de Resnais qui déconstruit la narration linéaire et les ambiances inquiétantes de Hitchcock. Quelquefois elle conserve des mots qui nourrissent ses histoires visuelles. A ses « cuts », elle ajoute des bandes de couleur vive ou des coups de crayons, de pinceaux qui obstruent, réhaussent ou soulignent certains détails. Ces morceaux d’images du passé collés sur du papier jauni nous plongent dans une rêverie mélancolique.
Pour aller plus loin
Site de l’artiste

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