Le label de rock Sub Pop fête ses 20 ans

- temps de lecture approximatif de 27 minutes 27 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

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Il y a 20 ans naissait la mythique maison de disques américaine Sub Pop. Un anniversaire qui sera fêté en grandes pompes les 12 et 13 juillet prochain à Seattle lors d’un festival réunissant tous les groupes de l’écurie encore en activité. Un label qui aura durablement marqué le rock contemporain, popularisant en particulier le style grunge et le groupe Nirvana au tout début des années 90. Mais même si son âge d’or semble de prime abord derrière lui, Sub Pop témoigne encore aujourd’hui d’une étonnante vitalité artistique. Son catalogue d’artistes actuel est en effet l’un des plus hétéroclite et passionnant outre-Atlantique.
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Les débuts de Sub Pop : Des prémices du rock alternatif à l’explosion du grunge


L’histoire de Sub Pop débute en 1979 avec le lancement à Olympia (USA) par Bruce Pavitt d’un fanzine baptisé Subterranean Pop, un terme qui désigne l’underground au sens large, et qui sera ensuite abrégé en Sub Pop. Comme la mode de l’époque le veut, le fanzine distribue plusieurs compilations cassettes afin d’illustrer l’importance des scènes régionales qui commencent à se structurer dans le pays. En 1986 Pavitt déménage à Seattle et réalise la compilation fondatrice Sub Pop 100, qui propose la crème de l’underground américain : Sonic Youth, Savage Republic, les Wipers, les U-Men et Green River. Mais c’est la rencontre avec Jonathan Poneman, un ex DJ de la radio de l’université de la ville, qui va fonder vraiment le label l’année suivante à l’automne 1987. La même année Sub Pop publie son premier LP mono-artiste, « Dry as a bone » de Green River, groupe emmené par le chanteur Mark Arm, futur Mudhoney, suivi par le premier EP de Soundgarden « Screaming Life » et le deuxième « Fopp » en 1988.


D’esprit farouchement indépendant Pavitt et Poneman vont se consacrer au punk rock, un genre qui prospère alors au sein de la musique alternative aux EU, notamment grâce à ses liens avec la scène hardcore. Le label Alernative Tentacles de Jello Biafra, le leader des Dead Kennedys, fleuron du punk/hardcore californien constitue d’ailleurs un modèle de fonctionnement pour Sub Pop. L’ambition est aussi de créer un univers alternatif identifiable à la façon de Motown ou SST.





sub pop





Bruce Pavitt confirme cette analyse dans une interview du NME : « Non seulement nous mettions l’accent sur le design, à la manière de Postcard ou Blue Note. C’était la clé, et si les gens aimaient les disques de Mudhoney et qu’un autre disque sortait avec un look similaire, alors ils le prenaient automatiquement. C’est la vieille escroquerie classique. »

Un aspect important des premiers temps du label a été la création du Sub Pop Singles club, un service par souscription qui permettait aux adhérents de recevoir les singles des groupes indépendants locaux. Le club a ainsi fait de Sub Pop une force qui compte au sein de la scène de Seattle et a permis une affiliation immédiate du label à la musique de la région. La première réalisation du Singles Club n’étant autre que le premier simple de Nirvana, « Love Buzz/Big Cheese » en novembre 1988.

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Nirvana, “Love Buzz” single


L’apparition de Sub Pop dans le paysage musical américain est ainsi avant tout liée à la naissance de ce que les médias ont appelé le mouvement « grunge » dont Nirvana fut le fer de lance. Comme la Nouvelle-Orléans, Memphis, Detroit ou San Francisco avant elle, Seattle devient une ville avec un son distinct. « Nous nous basions sur le précédent établi par Tamla Motown à Detroit ou Stax à Memphis, dont les ingrédients sont l’émergence d’un mouvement issu d’une région en particulier et d’une organisation qui prend le relais, affine et perfectionne le produit. Et tout à coup voilà qu’apparaissent des dizaines de groupes originaires de la même région. Cela attire logiquement l’attention de la presse. C’est réjouissant de savoir qu’il y a un endroit au monde qui bouge, où ça foisonne. L’adolescent d’une petite ville peut se dire qu’il partira un jour pour Seattle afin d’y jouer avec un groupe et de se produire dans un club local » analyse Poneman dès 1989 dans le magazine Pulse. Pour lui le grunge est « une bourrée montagnarde pour yétis » bien identifiable, dont plusieurs reporters britanniques comme Everett True vont s’enticher à l’invitation de Sub Pop lui-même et contribuer à la reconnaissance de ce nouveau son.


Jack Endino, le producteur local de nombreux groupes du label, enregistre en effet un son simple qui donne rapidement une cohérence d’ensemble à la scène de Seattle : « J’avais une idée assez précise de la manière dont on pouvait enregistrer une guitare grunge, parce que c’est ainsi que j’en joue en tant que guitariste. J’ai réalisé assez tôt que j’avais un son terrible. Puis j’ai enregistré bon nombre de groupes dont la guitare sonnait aussi mal, ce qui a donné naissance à une nouvelle esthétique. Ce son horrible est devenu un standard. ». C’est Mark Am de Mudhoney qui définit dès 1987 cette musique hybride entre punk, métal, hardcore et rock comme étant du « grunge », terme qui désigne la crasse entre les orteils. Mudhoney, issu de la scission de Green River a largement ouvert la vague grunge avec le single « Touch me I’m sick » paru en aout 1988, puis avec l’EP « Superfuzz bigmouth » en 1989.


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« Comme il s’habillaient comme des clodos et que leur son de guitare était dégueu, j’ai trouvé que ce mot résumait bien cette scène musicale. » explique Bruce Pavitt au sujet du grunge. Car au-delà du son de Seattle, le mouvement est aussi lié à une esthétique et à un esprit particulier. Habillée de longues chemises à carreaux et de jeans déchirés, portant les cheveux longs, la jeunesse américaine, le plus souvent blanche, de classe moyenne et déprimée, s’approprie la musique et son message pour les transformer en « contre-culture ». Pessimisme, refus des règles, rejet du conformisme ambiant, violence, sont les principales caractéristiques du mode de vie grunge qui fait de plus en plus d’adeptes au début des années 90. Le morceau culte et désenchanté « Smells like teen spirit » de Nirvana constitue une bonne illustration du style de ce qu’on a appelé la « Génération X » : alternance de moments calmes puis de rythmes qui s’affolent, mélange de passivité et d’agressivité, riffs lourds, puis reprise d’une mélodie vocale lancinante en guise de solo de guitare.


L’identité visuelle du label s’inspire également de l’esprit “Génération X” et doit beaucoup au photographe Charles Peterson. Les premières pochettes qu’il conçoit pour Sub Pop tranchent avec les poses en vigueur alors dans le rock. Elles détonnent par leur énergie physique et leur intensité. On y voit du stage diving, des chanteurs déchainés, des chevelures floues, des visages en sueur. L’utilisation du noir et blanc par Peterson distingue le style grunge des couleurs propres de l’Amérique reaganienne. Les photos montrent aussi souvent le lien entre les fans et leurs groupes. Ballets de jeunes hommes torses nus et chevelus se jetant les uns contre les autres, reflétant une esthétique crypto-homosexuelle. La pochette de « Screaming life » de Soundgarden en est l’exemple le plus éclatant, le chanteur Chris Cornell y apparaissant à moitié nu, un bandeau dans les cheveux.


Dans les années 89-94, Sub Pop va ainsi produire nombre d’albums comptant parmi les plus influents du rock indépendant des années 90 en surfant sur la vague grunge, avec notamment Tad, The Afghan Whigs, The Screaming Trees. Mais l’album emblématique du label est bien sûr le premier Nirvana, « Bleach » paru en 1989. Le grunge va ensuite vraiment exploser à la face du grand public en 1991 lorsque parait le deuxième mythique opus de Nirvana, « Nevermind », mais le groupe a déjà quitté le label pour Geffen Records. Les autres fers de lance du grunge de l’époque sont Alice in Chains avec le sombre « Dirt », Soundgarden (qui a signé sur A&M Records pour son troisième album « Badmotorfinger ») et surtout Pearl Jam, dont l’album « Ten » sorti également en 1991 chez Epic se vend à plus de 11 millions d’exemplaires dans le monde.


Le Sub Pop du nouveau millénaire : de l’after-grunge à l’éclectisme pop rock

En très peu de temps, une nouvelle identité rock ancrée dans le local se façonne donc à Seattle grâce à Pevitt & Poneman, aux productions de Jack Endino, aux photos de Charles Peterson et aux articles du journaliste anglais Everett True du Melody Maker. Avec le succès phénoménal du style qui fait de Seattle l’épicentre du rock en 1991, le grunge est récupéré par les médias comme MTV et les radios US où Nirvana et Pearl Jam tournent en boucle. Le son Sub Pop a envahi le monde, au point que même les toulousains deDiabologum, fine fleur du rock indépendant français des années 90, déclarent ironiquement vouloir en finir avec les stars du mouvement dans leur titre « Kill Sub Pop stars » en 1993 (« Tuez les stars de Sub Pop ! », où l’on entend des samples de Nirvana et Tad). Mais l’âge d’or va vraiment prendre fin en 1994 avec le suicide de Kurt Cobain le leader de Nirvana. Sub Pop subit alors le déclin d’intérêt médiatique pour le grunge. Mais se repliant sur ses acquis et laissant passer la tempête, le label va ensuite publier au fur et à mesure des années un catalogue éclectique et défricheur entre pop rock et folk, beaucoup moins médiatisé et tapageur qu’auparavant, dont les artistes les plus emblématiques du moment sont The Shins, Wolf Parade et The Postal Service.

LES ARTISTES ET DISQUES PHARES DU LABEL

2Les années grunge2


Green River, « Dry as a bone », 1986

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Premier EP sorti chez Sub Pop du groupe comptant deux futurs membres de Pearl Jam et Mudhoney. La production est signée Jack Endino, la pochette Charles Peterson, pour un punk glauque et chaotique proche de la sauvagerie des Stooges d’Iggy Pop. Mark Am est sombre et menaçant à souhait au chant, sur fond de guitares agressives et tendues. Un disque important qui a ouvert les portes à beaucoup d’artistes ensuite, ainsi qu’un témoignage historique pour comprendre les fondements de la scène de Seattle.


Soundgarden, « Screaming life/Fopp », réédition couplée en 1990 des 2 EP de 1987 et 1988.

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Sub Pop sort le maxi « Screaming life » en 1987 qui jette les bases du grunge : les chansons sont noires, lourdes et violentes et Chris Cornell chante comme un possédé. On palpe l’authenticité et l’urgence de jeunes énervés qui crachent leur malaise à la face du monde. Un an plus tard c’est une autre bombe qui est lâchée avec le EP « Fopp » qui contient l’hymne « Swallow my pride ». Un jeune lycéen d’Aberdeen écouta ces enregistrements et décida ensuite de fonder un groupe : l’adolescent Kurt Cobain n’avait alors qu’une seule idole, Chris Cornell de Soundgarden


Nirvana, “Bleach” 1989

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Premier album de Nirvana et plus gros succès de Sub Pop à ce jour. Le groupe – qui allait devenir l’emblème du grunge deux ans plus tard suite au succès planétaire de Nevermind – ne propose encore aucun des futurs hymnes de la Génération X ici, mais des morceaux rageurs au son sale, heavy et punk, inspirés des Melvins, dont Kurt Cobain est un grand fan. Un album emblématique du son de l’époque qui divise les fans, mais qui contient quelques réjouissances comme les titres « Negative Creep », « School » et « About a girl ».


Mudhoney, « Mudhoney », 1989

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Premier opus du combo pour Sub Pop après le succès du single « Touch me I’m sick » sur le mythique EP » Superfuzz Bigmuff » qui a fait de Mudhoney le groupe phare de l’époque en 1988. Sur ce disque éponyme de 1989, Mudhoney offre un punk garage direct et viscéral mené par la voix nasillarde de Mark Am, du fuzz en pagaille et des riffs de guitare huileux qui feront sa renommée, entre Stooges et MC5.

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Superfuzz Bigmuff EP


Mais aussi : The Afghan Whigs, The Screaming Trees, Tad.

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Les francs-tireurs de la période grunge

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The Vaselines, “The way of the Vaselines : The complete History”, 1992

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Révélés au grand public par Kurt Cobain qui repris trois de leurs titres (« Molly’s lips », « Jesus doesn’t want me for a sunbeam » et « Son of a gun »), le leader de Nirvana n’a jamais caché l’influence qu’a exercée sur lui ce groupe écossais, savant mélange de pop sucrée et de rock façon Velvet Underground et Stooges. Cette compilation rend hommage en 20 morceaux à un duo sans lequel Belle and Sebastian n’aurait sans doute jamais vu le jour.


Earth, « Earth 2 special low frequency version”, 1993

Meilleur ami de Kurt Cobain, Dylan Carlson, le leader de Earth va pourtant prendre une direction différente du style grunge. En tant que bon amateur de Black Sabbath il va plutôt emmener son groupe dans la voie des musiques extrêmes. Son death metal lourd, joué au ralenti, va influencer nombre de formations des styles drone et doom dans les années 2000 (comme Sunn O))), Boris ou Khanate). Une pierre angulaire des musiques en marge qui est sans doute arrivée 10 ans trop tôt dans le paysage musical, mais qui fait aujourd’hui figure de classique.


Sebadoh, “Bubble & Scrape”, 1993

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Quatrième album qui octroie au combo de Lou Barlow et Jason Loewenstein ses galons d’icône du rock lo-fi. Entre punk, folk dérangé et ballades mélancoliques, le groupe avait compris sur cet album qu’il était possible d’aligner les tubes sans pour autant déployer des moyens énormes : une batterie basique, une voix fatiguée et quelques guitares saturées suffisent pour écrire de grandes chansons.

2De l’après-grunge à aujourd’hui2


Les Thugs, « Strike », 1996

Groupe mythique mené par les frères Sourice d’Angers, les Thugs furent pendant plus d’une dizaine d’année un des plus importants groupes de punk-rock français. Ils parvinrent à s’exporter à l’étranger via Sub Pop, qui distribue notamment « Strike » (“grève”) en 1996. Produit par Steve Albini, l’album s’impose comme un sommet instantané de rage contestataire et de désenchantement. De l’appel d’ouverture « Allez les filles ! », en passant par « Waiting », lancinante mélodie de guitares explosives, les Thugs incarnent la révolte punk ainsi qu’une certaine mélancolie inhérente à l’époque, celle d’une génération qui rêve de “lendemains qui chantent”


The Postal Service, “Give it up”, 2003

La rencontre entre Jimmy Temborello (DNTL) et Ben Gibbard (Death Cab For Cutie) a donné naissance à l’un des plus beaux album électro pop de ces dernières années et l’un des plus grand succès du label.


Wolf Parade, « Apologies to Queen Mary », 2005

Un des nouveaux groupes venus de la scène indépendante canadienne et produits par Isaac Brock (le leader de Modest Mouse). Un rock baroque, des voix torturées, des synthés enragés et des mélodies accrocheuses placent Wolf Parade dans la lignée de leurs compatriotes d’Arcade Fire ou de Clap your hand say yeah.

Low, “The Great Destroyer”, 2005

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Pionnier du slowcore dépressif, Low se tourne vers un rock plus tranchant et électrique en signant sur le label Sub Pop. Les atmosphères cotonneuses, les harmonies vocales éthérées et les lentes mélodies épurées qui étaient leur marque de fabrique laissent place à des morceaux pop rock plus calibrés, divisant les fans de la première heure. L’album est pourtant une merveille rock qui alterne les guitares déchainées et les envolées lyriques. Dave Fridmann, producteur de Mercury Rev, The Flaming Lips, Sparklehorse ou Mogwai, tissant une parfaite toile sonore qui évoque les fantômes du Velvet Underground.


The Shins, « Wincing the night away”, 2007

Groupe phare du Sub Pop nouvelle génération, The Shins s’est fait connaitre avec deux titres sur le BO du film de Zach Braff « Garden State » en 2004 (« New Slang » et « Caring is Creepy »). Un troisième opus qui mélange ici évidence mélodique et pop, mais qui s’ouvre aussi à l’électro. The Shins a réussi à s’imposer en quelques albums comme un groupe majeur du moment qui dépasse la scène underground et lorgne désormais vers le grand public sans se renier musicalement.


DES LIVRES


Nirvana et le grunge : 15 ans de rock underground américain / Florent Mazzoleni, 2006


Nirvana : une fin de siècle américaine / Stan Cuesta, 2004



Géneration X / Douglas Coupland, 1994

Avec Génération X, Douglas Coupland a écrit le manifeste de la génération née entre 1960 et 1970.


En route pour Seattle / Peter Bagge, 2006

“En route pour Seattle” reprend en BD la vie et l’oeuvre d’un loser d’une trentaine d’années qui va de galère en galère dans le Seattle grunge des années 90, sur un mode graphique qui rappelle les dessins de Robert Crumb.

DES FILMS



Hype ! : Seattle, berceau de la musique grunge / réal. Doug Pray, 2006

Un documentaire qui décrit comment la hype autour de la prétendue “scène de Seattle” s’est construite sur un tas d’erreurs, et comment elle a été détournée par l’establishement.


Last days / réal. Gus Van Sant, 2005

Blake, rock-star dépressive, se replie sur lui-même et s’isole de tout en attendant les derniers jours. Une tentative fictive de mise en image de la fin de vie de Kurt Cobain, le leader de Nirvana.

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Singles / réal. Cameron Crowe, 1992

Linda, Steve, Janet, Cliff, Debbie… La vingtaine, à peine entrés dans la vie active, ils ont déjà essuyé plus d’un chagrin d’amour ; pourtant, ils recherchent toujours le grand frisson, voire leur âme sœur… Un témoignage de la vie à Seattle à l’époque du grunge avec une BO qui aligne des morceaux d’Alice in Chains, Soundgarden, Pearl Jam, Mudhoney et Screaming Trees.



Garden State / réal. Zach Braff, 2004

Acteur de télévision, Andrew ” Large ” Largeman est obligé de retourner dans son New Jersey natal pour l’enterrement de sa mère. Soudain, il se retrouve sans les antidépresseurs et les 3000 kilomètres qui le protégeaient de son histoire… Le film dont la BO a révélé The Shins au grand public.

Le site du concert anniversaire

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