La Réunion, le maloya et DANYEL WARO

- temps de lecture approximatif de 18 minutes 18 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

L'île de la Réunion et sa musique sont à l'honneur cette année. Successivement : le Maloya est classé au patrimoine culturel immatériel de l'humanité en octobre 2009, quelques mois plus tard c'est la Réunion qui est inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO en août 2010, et parallèlement on apprend que le musicien et poète réunionnais Danyèl Waro reçevra à Copenhague, le Womex Artist Award le 31 octobre 2010.

 Danyèl Waro entame une tournée en France, il sera présent au Festival Africolor en Décembre, et son dernier disque “Aou Amwin” vient de sortir dans l’hexagone. Voilà de quoi nous inciter à voyager dans cette direction.
Mise à jour : en 2016, Danyèl Waro sera présent aux Nuits de Fourvière le 30 juillet, invité par le CMTRA pour l’Éclat final

Les îles volcaniques de l’Océan Indien.

La Réunion, Madagascar, Maurice, l’archipel des Comores, Mayotte … escales sur l’ancienne route des Indes, sont un lieu de brassage de races, de cultures, de religions.
La Réunion, île Bourbon, française depuis 1638, devenue un département français d’outremer en 1946, est un creuset dans lequel se mèlent toutes les influences.
« Elle s’est peuplée à partir du XVIIe siècle avec l’arrivée de colons français et de leurs esclaves venus d’Afrique ou de Madagascar. Actuellement l’île est peuplée par des européens nés dans l’île ou originaire de métropole, des africains, des indiens tamouls, des indiens musulmans, des chinois et une population métissée. »
Les esclaves ont apporté leurs musiques rituelles, leurs instruments, leurs chants, chantés à l’origine dans leurs langues avant d’en créer une nouvelle, le créole. Ces influences ont donné naissance au maloya, danse et chant collectif.

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L’île de la Réunion, zoom sur la carte

Le Maloya

« Le maloya tire sans doute son nom du malgache maloy aho, maloy signifiant « dire ce que l’on a sur le cœur ». Interprété dans les kabars, concerts conviviaux, il est une forme profane dérivée des rituels sacrés kabaré, rituels de guérison, dont il était la phase finale.

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bobre


Le chanteur joue généralement de l’arc à résonateur « bobre », il est accompagné de percussions, le tambour « roulèr », le tube de bambou percuté « piqueu » et le hochet à grains « kayamb » ;
le chant en créole est repris en chœur par les participants.
(instruments du maloya.
A voir aussi sur le site du groupe 7PO les pages sur le Maloya et sur ses instruments.)

« Cet ensemble peut accompagner le moringue, danse et art martial. Les colons blancs dansaient eux le quadrille. La fusion des deux a donné naissance au séga » « Le maloya est devenu le fer de lance du Parti Communiste réunionnais.et en est venu plus largement à symboliser l’identité réunionnaise. »
(Sources : Musiques de toutes les Afriques / Gérald Arnaud et Henri Lecomte).
Le chant parle de la vie quotidienne, des amours, du pays, du travail ou d’un engagement politique.
Interdit par les autorités françaises il ne fut officiellement autorisé qu’en 1981.


3Le 1er octobre 2009 Le Maloya a été classé au patrimoine culturel immatériel de l’humanité3
« Le patrimoine immatériel, à sauvegarder tel que défini par la Convention du 17 octobre 2003, consiste en des pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire transmis de génération en génération et qui procurent aux communautés et aux groupes un sentiment d’identité et de continuité . »
« Aujourd’hui, le maloya doit sa vitalité à quelque 300 groupes recensés dont certains artistes mondialement connus, et à un enseignement musical spécialisé au Conservatoire de la Réunion. Facteur d’identité nationale, illustration des processus de métissages culturels, porteur de valeurs et modèle d’intégration, le Maloya est fragilisé par les mutations sociologiques ainsi que par la disparition de ses grandes figures et du culte aux ancêtres. »
(site de l’UNESCO).

Cette inscription du maloya par l’Unesco a été célébrée lors d’une cérémonie présidée par Frédéric Mitterrand, le lundi 21 juin 2010, jour de la fête de la musique, au ministère de la Culture.Il avait invité Christine Salem pour un concert dans les jardins du Palais Royal à Paris.

La Villette a aussi rendu hommage au maloya le 7 juin : une grande célébration de la musique réunionnaise, plus de 5 heures de rythmes sur le parvis de la Villette.

Des sites et quelques pistes pour aller plus loin :

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  • Réunionnais du monde dans lequel nous trouvons deux articles :
    – « Le maloya comme espace de reconstruction mémorielle » de Moniques Desroches et Guillaume Samson. extrait d’un ouvrage collectif « Anthropologies de la Réunion » paru en 2008, sous la direction de Christian Ghasarian.
    Dans cet extrait sur les origines du séga à la Réunion, les ethnomusicologues explorent les questions de l’authenticité et de la construction identitaire liées à ce genre musical.
    – « Le maloya, monument musical à la mémoire des ancêtres esclaves à la Réunion « le chercheur en anthropologie Benjamin LAGARDE montre comment le maloya, genre musical lié au culte des ancêtres afromalgaches, est parvenu à occuper un espace unique quant aux questions de mémoire et de culture au sein d’une « réunionnité » qu’il influence aujourd’hui de manière inédite.. » Un texte daté de 2007.
    Benjamin LAGARDE. Doctorant en anthropologie à L’Université de Provence – France a également publié en collaboration avec G. Samson et C. Marimoutou le livre : “L’univers du maloya. Histoire, ethnographie, littérature en 2008” (Océan éditions, La Réunion).
  • Un DVD : Maloya Dousman réalisation et scénario de Jean-Paul Roig.

    - Ce film propose de révéler cette musique réunionnaise encore peu connue de l’Occident, qui porte en elle toute l’histoire de la Réunion et, à travers cette expression musicale, sa trajectoire historique et ce qu’elle représente aujourd’hui.

Petite discographie sélective :

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granmoun

Les tenants du maloya traditionnel sont : Granmoun Lélé, la famille de Firmin Viry, Lo Rwa Kaf.

De jeunes continuateurs comme Caméléon (groupe aujourd’hui dissous : René Lacaille, Loy Ehrlich, Alain Peters), Danyèl Waro, bien sûr, Ziskakan, Salem tradition, Nathalie Natiembé … ont repris le flambeau.

  • Ile de la Réunion : le Maloya de Firmin §Viry§ (ed. Label Bleu)

    - « A la Réunion, Firmin est reconnu comme l’homme venu au secours du maloya, la musique traditionnelle créole, dont la survie était gravement compromise par une assimilation pesante et partisane des pouvoirs publics, à l’image d’ailleurs des autres traditions orales. Chez lui, la totalité de la transmission instrumentale est sauvegardée : on retrouve le “rouleur”, le “bobre”, le “triangle”, le “kayamb”. Firmin est de ce “maloya la case, maloya la kour”. La famille, les amis se réunissent pour danser et chanter. On cultive le temps retrouvé, la légèreté, les chroniques des travaux et des jours qui passent. » (présentation du label bleu)

  • Ti mardé /

    Firmin Viry

    (LBLC 2548)

  • Maloya Improvisé / §Zarboutan§ (LBLC 2538)
  • Le maloya kabaré / §Gramoun Bébé§

    - Collectage de terrain, chants captés dans les conditions réelles de service kabaré (cérémonie en hommage aux ancètres).

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    Davy Sicard
  • Récemment, le chanteur Davy

    §Sicard§

    a opté pour un apport de sonorités africaines en donnant naissance au « Maloya kabosé ».
    - Ker maron et Kabar

  • Deux femmes sont très présentes ces dernières années :
    - Christine §Salem§ qui s’invente sa tradition ; une voix chaude, impressionnante et des percussions hypnotiques.
    Fanm du groupe Salem Tradition fondé en 1997 « Le généreux maloya métissé de Salem Tradition est une véritable médecine pour les oreilles et le corps » (Arnaud Cabanne)

    - Nathalie §Natiembé§. Karma : son dernier disque avec Vincent Segal aux violoncelles et Cyril Atef à la batterie, s’éloigne tout de même beaucoup de la tradition.

Pour un panorama plus complet des artistes de maloya voir sur le site Maloya.org : des noms, des biographies des discographies.

A écouter aussi l’album Bardzour du groupe de la région lyonnaise § Salangane §

A lire : Les musiques traditionnelles de la Réunion de Jean-Pierre §La Selve§.

[La liste des disques compacts de musiques de la réunion présents à la BM de lyon].

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Danyèl Waro

Danyèl WARO

Après ce petit tour du maloya, venons-en précisément à Danyèl Waro et à sa distinction en cours.
A l’initiative du PRMA (Pôle régional des musiques actuelles) en collaboration avec la Région Réunion, cela fait plus de 10 ans que La Réunion est représentée au World Music Expo (WOMEX), salon international dédié aux musiques du monde.
Initié en 1999, le §Womex§ accueille chaque année près de 4000 entreprises venues de tous les continents, une trentaine de showcases et une série de conférences. A cette occasion de nombreux prix sont décernés aux artistes. Ce salon des professionnels des musiques du monde, doit avoir lieu fin octobre à Copenhague, et cette année, le dixième lauréat du Womex Artist Award est celui que l’on appelle souvent le “roi du maloya” : Danyèl WARO. [Extrait d’un article de Philippe Conrath, du label Africolor paru à l’annonce de ce prix].

Auparavant furent récompensés le groupe congolais Staff Benda Bilili en 2009 et le groupe hongrois Muzsikas en 2008, ou encore, à titre posthume en 2001, le chanteur pakistanais Nusrat Fateh Ali Khan.

2Danyèl Waro est né à Saint Paul en 1955.2

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« Il est resté fidèle à la tradition acoustique du maloya et il en est le “héros” reconnu de toute l’île. Musicien mais aussi poète, il sait faire chanter le créole avec une émotion sans pareil. Sur l’île, dans les hauts de Saint-Paul, dans son atelier, il fabrique les instruments traditionnels du maloya. »
« Il n’a pas grandi en écoutant du maloya alors presque disparu, ne survivant que dans quelques familles. Il connaît un vrai coup de foudre pour le maloya lorsqu’il assiste en 1970 au concert de Firmin Viry, organisé par le quotidien local du PCR. »
Ce grand musicien l’intègre à sa troupe en 1971.
« S’il voit cette musique comme une arme politique contre le pouvoir métropolitain, elle lui donne surtout l’opportunité de se découvrir lui-même et de prendre pleinement conscience de son identité réunionnaise . »
Le 27 décembre 1975, il fait son premier concert avec un ensemble de jeunes travailleurs agricoles. Il sera emprisonné en 1976 et 77 comme insoumis (il refusa de faire son service militaire).
En 1981, ayant pris ses distances du PCR, il se consacre à sa vocation de poète, luthier et chanteur.
Son premier CD sort en 1994. Il deviendra un artiste et un défenseur de l’identité culturelle de son île.
Son album Foutan Fonnker reçu le Prix Charles-Cros en 1999.

« Pour moi le maloya, c’est d’abord le mot, précise-t-il. Je cherche la cadence, l’image, le rythme dans le mot. Grâce au maloya, j’ai pris du recul par rapport à la philosophie cartésienne, aux jugements trop conceptuels. Le maloya m’a remis en accord avec la Réunion, avec les gens, avec notre langue. » (Africultures)

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aou amwin


2 Aou amwin, son dernier album 2 Paru à La Réunion le 6 juin dernier, ce nouvel album vient de sortir dans l’Hexagone. Un double album de deux heures enregistré et mixé par Yann Costa (du band réunionnais Zong) qui réaffirme l’engagement de son auteur pour l’identité créole tout en s’ouvrant à d’autres horizons ; il contient notamment des collaborations avec les fils Saingainy, le groupe corse A Filetta et l’artiste sud-africain Tumi Molekane (Tumi & The Volume).
En 2006, déjà, de sa rencontre avec Titi Robin était née la création Michto Maloya, où « la superbe poésie brute de l’île est sublimée par la finesse mélodique d’un raga, une rumba est prise en otage par les roulis du kayanm et du roulér, un chaâbi re-trouve ses affinités avec la culture métissée d’un petit bout de terre situé de l’autre côté du continent. » (Arnaud Cabanne)

Juste pour se mettre dans l’ambiance voici un petit extrait de l’article paru à la sortie de ce dernier album dans le quotidien de la Réunion et de l’Océan indien :

[(
« Hier, le chanteur avait invité la presse pour en faire la “réclame” , comme il dit. Mais lorsque Danyèl Waro fait l’article, ce n’est pas chez le disquaire, la grande surface du coin ou chez les « partenaires » institutionnels, mais c’est chez lui, à Bois-Rouge, dans les Hauts de Saint-Paul, sous les peaux en train de sécher, entre un beignet à la banane et un verre d’eau sucrée. Et quand il met en marche le poste à musique pour nous faire écouter ses nouveaux titres, les chansons doivent composer avec les miaulements du chat qui bataille avec le coq dans la cour. »… « Coproduit comme toujours par Philippe Conrath et son label Cobalt, l’album a été enregistré dans la maison familiale de Trois-Mares. »…
)]
2Quelques portraits de Danyèl Waro2

  • une biographie détaillée mais jusqu’en 2006 seulement (article écrit à l’occasion de la sortie de l’album “Grin n Syel” en août 2006.
  • Le portrait sur le site Mondomix et
  • une interview et des vidéos.

2La discographie de Danyèl Waro2

  • Gafourn, 1987. réédité en 2000
  • Batarsité, 1994.
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  • Foutan Fonnker, 1999. Cobalt, disque récompensé par le grand prix de l’Académie Charles-Cros.
  • Somminkér, 2003. « Chemin de cœur » (avec Olivier Ker Ourio).
  • Aou Amwin, 2010.
    - Toutes les revues musicales saluent la sortie de ce dernier disque fascinant. Un article pleine page dans “le Monde” du 20 septembre, plusieurs pages dans la revue World Sound … et c’est aussi notre coup de coeur du moment.
  • Rest’la Maloya, hommage à Alain Peters, 2003

    - (avec Loy Ehrlich, Joël Gonthier, René Lacaille, Bernard Marka, Tikok Vellaye et Danyel Waro) Cobalt.

Bien sûr toutes les musiques des îles de l’océan Indien sont à découvrir

Voir la page océan indien du portail musiqu’azimuts.

Signalons quelques CD :

Musiques métisses : Océan Indien / Menwar ; Nathalie Natiembé ; Régis Gizavo …[et al.]
- une compilation en introduction.

Ségas instrumentaux (1966-1976) Narmine raconte / Narmine §Ducap§, guitare.

Debaa : chant des femmes soufies à Mayotte.

La collection de documents et de témoignages en DVD de

§Lui Van Sheng§

sur l’histoire et la culture des principales îles de l’océan Indien, coproduite par RFO Réunion, plus située à Madagascar : Sega, Salegy, Jaojoby.
Et pour la grande île de Madagascar, tout un monde…voici la liste des CD présents à la BM de lyon : Musique madagascar.

Un livre
“Diversité et spécificités des musiques traditionnelles de l’océan Indien” / édited by Y.-S. Live & J.-F. Hamon.

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