Everybody’s watching you. Tous surveillés !

- temps de lecture approximatif de 15 minutes 15 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Du 22 au 25 février 2016 a lieu en Espagne le Mobile World Congress. Le chiffrement des données des smartphones, et l'accès des services de surveillance étatique aux données privées des utilisateurs sont des thématiques fortes de ce congrès. Alors, tous surveillés ?

© Pixabay
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Loi renseignement, big data, objets connectés, utilisation commerciale des données personnelles… Ces sujets, de plus en plus à l’honneur dans les médias, sont parfois difficiles à comprendre, alors qu’ils font pourtant l’objet d’enjeux démocratiques cruciaux. Alors, peut-on concilier liberté, démocratie et surveillance ? La sécurité d’état légitime-t-elle la surveillance ? Est-il encore possible de protéger ses données personnelles des états et/ ou des multinationales ? Afin de mieux réfléchir à ces questions, nous vous invitons à approfondir vos connaissances à travers quelques livres emblématiques, sélectionnés parmi les documents de la bibliothèque éphémère “Everybody’s watching you : tous surveillés !” installée à la bibliothèque de la Part-Dieu depuis le 9 février 2016.

Doc : Bibliographie_ever (...), 556.9 ko, 48x52

Parce que Le discours de la servitude volontaire, écrit par un tout jeune homme au 16ème siècle, peut parfois paraître d’une brûlante actualité…

Secret d’Etat : la surveillance au nom de la sécurité d’Etat Au nom de la sécurité, services secrets et Etat semblent indissociables. Pourtant, ce secret, son organisation, ses méthodes et la surveillance qui en découle, semblent en contradiction avec les idées de démocratie et de liberté. Depuis quand les services secrets que nous connaissons existent-ils ? Quel rôle ont-ils joué ? Ces quelques ouvrages expliquent leurs apparitions et leurs contradictions.

“Liberté, égalité, surveillance” : cette devise des documents officiels sous le Premier Empire illustre les paradoxes de notre temps. Car nul ne peut douter que l’État se renseigne et nous surveille encore. La création de nouveaux fichiers de police, les projets de loi sur la vidéosurveillance et le discours sur la “sécurité globale” dans les récents Livres blancs démontrent l’implication des pouvoirs publics. Derrière ces mots se profile ce qui est nommé dans cet ouvrage l'”État secret”, une réalité incarnée par les bureaucraties du renseignement et de la surveillance. Depuis le XIXe siècle, le renseignement est devenu une fonction de l’État, acceptée – discrètement – par tous les régimes successifs. Pourtant, le libéralisme et la démocratie, en offrant à tous le spectacle de la politique, ont fait surgir des tensions jamais surmontées depuis lors autour des pratiques liées à l’espionnage. Au-delà des légendes et des procès faits à l’État, ” Politiques de l’ombre ” livre une réflexion inédite et essentielle sur la naissance de nos agences contemporaines de renseignement. Il éclaire autrement la politique en invitant à réfléchir sur la compatibilité du secret et de la démocratie.

Catalogue de l’exposition aux Archives nationales à Paris, du 4 novembre 2015 au 28 février 2016 , cet ouvrage présente une histoire des organisations, des lieux, des techniques et des outils qui ont permis de construire le secret d’Etat de la fin de l’Ancien Régime au XXIe siècle. On découvre ainsi de multiples objets et documents : boîtes à déchiffrement, documents estampillés, caméras, dénonciations de presse, etc., qui ont servis à construire le secret en s’appuyant sur des normes écrites, élaborées par une bureaucratie spécifique, tant diplomatique, policière que militaire, qui entourent les chefs d’Etat.

Après avoir défini les activités couvertes par le “renseignement”, et expliqué que la création de services secrets a été indissociable de la création des Etats modernes, il revient sur le rôle joué par le renseignement lors des deux guerres mondiales et de certaines crises internationales. Il conclut en étudiant les services secrets américains et en abordant la dimension économique du renseignement. Ce livre donne une vue complète des origines et des activités des services de renseignements dans le monde contemporain. Il montre qu’en négligeant la part secrète de l’État, la compréhension des sociétés s’en trouve réduite. Néanmoins, le secret reste un élément constitutif des démocraties dont les modalités de contrôle font débat, contrôle qui peut évoluer de sa sphère traditionnelle, le pouvoir politique, vers les instances parlementaires ou internationales.

Stasi ou le paroxysme de la surveillance

L’Allemagne de l’Est et sa police secrète, la Stasi, ont mis en place un système de surveillance « inégalé », en vue de protéger l’Etat et de former l’homme socialiste nouveau. Nous avions pu découvrir cet instrument de domination politique dans le beau film La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck. Voici ici de quoi réfléchir sur cette forme de surveillance politique généralisée.

Consacré à l’étude de la violence policière dans un État de type soviétique, Une société sous surveillance analyse plus particulièrement le comportement de « mandarins » est-allemands face au pouvoir et à l’idéologie dominante. Vingt dossiers, établis par la police politique de 1950 à 1989, concernant des intellectuels, constituent la matière de cet ouvrage. Leur minutieux examen révèle tant les pratiques répressives – dont fut notamment victime le philosophe Ernst Bloch, l’auteur de Principe espérance – que les formes de résistance au contrôle ou, à l’inverse, les différents modes de collaboration avec la Stasi. C’est donc à partir de ces « biographies » rédigées par une plume policière que le lecteur entre dans l’univers d’une société placée sous surveillance. Mais, au-delà des comportements individuels, c’est avant tout la façon dont la Stasi a exercé son pouvoir qui est ici examinée et, plus généralement, la question des liens que les intellectuels peuvent être amenés à entretenir avec l’État.

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La Stasi à l’école : surveiller pour éduquer en RDA (1950-1989) / Emmanuel Droit

Entre 1949 et 1989, la RDA fut une dictature politique dont l’ambition totalitaire était de diriger la société et de former l’homme socialiste nouveau. La police politique aux ordres du régime communiste, la Stasi, constituait l’un des fondements de la domination politique : le ministère pour la Sécurité de l’État était le ” bouclier et le glaive ” du Parti socialiste unifié, le SED. Cette institution conspirative ne doit pas être seulement imaginée comme une organisation secrète et répressive au-dessus de la population qui observe la ” vie des autres ” et s’abat sur eux de façon arbitraire. À partir des années 1960, la Stasi conçoit de plus en plus sa fonction comme une mission de protection de l’État et de la société de la RDA dans une perspective paternaliste. Elle se définit elle-même comme un acteur éducatif au même titre que l’école. En se présentant comme une instance de surveillance politique et de ” disciplinarisation ” de la société, elle cherche à contrôler le comportement des jeunes en les ” invitant ” à s’autodiscipliner, c’est-à-dire à intérioriser certaines règles de comportements. D’une certaine façon, cette police politique exerce les fonctions que s’attribuait la police ordinaire sous l’Ancien Régime, à savoir celle de gouverner les hommes. La RDA fut une dictature politique dont l’ambition était de former l’homme socialiste nouveau et dont la Stasi constituait l’un des instruments. A partir des années 1960, cette institution se conçoit de plus en plus comme un acteur éducatif, instaurant une surveillance politique dans une tentative de disciplinarisation de la société.

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Berlin-Stasi / Jean-Paul Picaper

Berlin, 9 novembre 1989… Le mur est ouvert. La République démocratique allemande ferme boutique. Son existence ne tenait qu’à un mur. Un mur qui n’était que la partie visible de l’iceberg. Dessous se cachait la Stasi, ce monstre tentaculaire de la guerre froide, cette police secrète à qui rien n’échappait. C’est dans son antre que nous emmène l’auteur. Pendant près de trente ans, il a affronté à Berlin-Ouest et en RFA les agitateurs et désinformateurs stipendiés de la Stasi, déjouant ses traquenards à Berlin-Est et en RDA. Il a vécu aussi l’infiltration du mouvement étudiant des années 1960 et de divers organismes d’Allemagne de l’Ouest ; il a contacté à maintes reprises des dissidents est-allemands et collaboré avec eux, menant sa petite guerre personnelle contre cette dangereuse organisation tout au long de la guerre froide. A partir de son expérience, de témoignages poignants, d’entretiens avec des espions et leurs victimes, il nous entraîne dans les arcanes du ” meilleur service d’espionnage de l’histoire “, et nous fait vivre le quotidien d’une dictature, mêlant à la fois l’analyse rigoureuse du politologue et la narration du journaliste. Un document rare.

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L’homme surveillé / Vesko Branev

1957. Vesko Branev, étudiant bulgare, part à Berlin pour étudier le cinéma. Dans la ville que le Mur n’a pas encore divisée, il s’enivre pour la première fois de liberté. Mais un matin, un homme se présente à lui : il est officier du KGB et lui promet une vie ” intéressante et glorieuse ” s’il travaille pour eux. Dès lors, la vie de Branev bascule ; incapable d’accepter, il passe à l’Ouest. Mais peu après, il est enlevé par la Stasi, remis à la Sécurité bulgare, interrogé, emprisonné. Une fois libéré, pour le reste de sa vie, il restera un ” homme surveillé “. Cette autobiographie scrupuleuse d’une vie ordinaire sous le régime communiste nous raconte comment on détruit un homme. A la manière du héros du film ” La Vie des autres “, Branev a eu accès à son ” dossier ” après la chute du Mur : documents et rapports nous révèlent par quels mécanismes le système a entraîné ses proches à faire d’un innocent un coupable. Salutaire rappel sur la mise à mort psychologique des individus dans les régimes totalitaires, ce texte fort, terrible, a connu un succès retentissant et controversé en Bulgarie. Par son écriture et son humanité, il est un classique sur le rapport entre l’individu et son environnement politique.

Vers une démocratie sous surveillance …

Le rapport entres les individus passe souvent par le regard. Ce système des regards au niveau social et historique perdure au long des siècles sous différents aspects. Dès la naissance, l’enfant devient un sujet observé et surveillé. Un des aspects prépondérant de cette surveillance est le besoin effréné de sécurité initié par les gouvernements successifs. Tous les chantiers entrepris au nom d’une surenchère de la sécurité ne nous privent-ils pas un peu plus de nos libertés au fil du temps ?

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L’Horreur sécuritaire / Jean-Marc Fédida

Aux Trente Glorieuses ont succédé les Trente Honteuses. A tous égards, les chantiers successifs de la sécurité, entrepris par Alain Peyrefitte relayé par Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement, jusqu’aux excès de Nicolas Sarkozy, se sont tous révélés être, avant tout, les fosses de nos libertés. Informatiser les pièces d’identité au détriment de la vie privée, au prétexte de la nécessaire lutte contre le terrorisme, transformer de nombreuses professions en auxiliaires de gendarmerie pour les assujettir à des obligations de délation, autoriser et multiplier les contrôles d’identité au nom de la lutte contre l’immigration clandestine… Cette dérive totalitaire fait du citoyen un présumé coupable, condamné à vivre surveillé et contrôlé au moindre prétexte.

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Le regard et le pouvoir / Gérard Leclerc

J’entends par regard le système de perception physique et technologique qui partage les groupes humains en sujets et en objets, en observateurs et en observés, en spectateurs et en acteurs. ” Le système des regards à l’échelle macro-sociale et historique forme en effet une structure sociologique et scopique qui perdure au long des siècles, malgré les changements institutionnels et les révolutions politiques. C’est cette structure lourde de l’échange des regards entre les dominants et les dominés, entre le souverain et ses sujets, entre l’Etat et les citoyens qui est l’objet de cette recherche. On y examine conjointement l’Etat-spectacle et l’Etat policier, deux figures majeures du rapport entre le pouvoir et les individus : le secret d’Etat et la publicité médiatique sont donc au centre de cette enquête, qui court depuis l’Age classique jusqu’à la société contemporaine. L’information, les médias, la presse ” people “, le renseignement, la police : autant de formes du regard qui circulent en société. A la fois historique et sociologique, l’analyse se clôt par l’examen de la nature même de l’individu, composante dernière de la société. Cible du regard de l’Etat, en même temps qu’il est regard fasciné sur le pouvoir, centre sacré, souverain métaphysique et politique, l’individu est le porteur ultime du regard, le sujet du regard sur les autres et sur le monde : objet de la surveillance du pouvoir, son regard est aussi le cœur même de la puissance et l’atome irréductible de la socialité

Quand en 2005 un rapport de l’INSERM consacré aux troubles des conduites chez l’enfant préconise le ” repérage des perturbations du comportement dès la crèche et l’école maternelle “, cela tombe à point nommé pour le ministre de l’Intérieur. Cette idée d’une détection dès le berceau de la délinquance future a trouvé écho dans les multiples procédures de surveillance et de contrôle qui jalonnent désormais les parcours des enfants. Entre la vogue dangereuse « des pilules de l’obéissance », le fichage des enfants dès la maternelle, et une jeunesse sous surveillance, … le soupçon pèse aujourd’hui sur les supposés coupables.

Sociologue majeur, auteur de plusieurs ouvrages sur l’univers concentrationnaire et la violence, Wolfgang Sofsky discerne dans les pratiques de surveillance de notre époque, et plus encore dans les motivations de ceux qui les mettent en place, une menace réelle et immédiate contre la liberté des citoyens, y compris dans les démocraties qui semblent les plus solides.

Vidéosurveillance, fichage, empreintes génétiques, écoutes, puces RFID…Dans les régimes démocratiques, les différentes techniques d’intrusion dans la vie quotidienne des individus se multiplient, au nom de la lutte contre les “nouvelles menaces”. La “guerre contre le terrorisme” n’a fait que rendre plus oppressant ce monde qui nous rapproche de celui imaginé par George Orwell dans 1984.

Existe-t-il encore une vie privée numérique ?

Vous vous connectez sur votre mail, sur un réseau social, vous lisez la presse en ligne, vous vous inscrivez à des jeux concours, vous posez une question sur un moteur de recherche, vous achetez un objet chez un cyber-commerçant…Tous ces actes vous paraissent anodins, quotidiens, sans conséquence. Sauf qu’à chaque connexion, à chaque clic, vous laissez sans le savoir des informations sur vous, qui mises bout à bout peuvent tracer un portrait intime que vous n’auriez pas forcément eu envie de communiquer à une personne inconnue… Savoir maîtriser l’usage de ses données personnelles sur Internet devient une compétence cruciale et notre sélection de documents peut vous y aider.

Doc : anonymat, 41.7 ko, 92x150

Anonymat sur Internet : protéger sa vie privée / Martin Untersinger, Eyrolles, 2014 L’auteur explique les enjeux de l’anonymat sur Internet, l’importance de définir ce qui relève de la vie publique de la vie privée, les traces invisibles que nous semons à longueur de surf. Face aux nouvelles dispositions législatives des Etats et la collecte massive des données personnelles par les entreprises, Martin Untersinger nous rappelle l’importance de maîtriser ses données personnelles, nous explique comment « disparaître » du net et consacre un chapitre spécial à l’anonymat des mobinautes qui surfent sur Internet via des smartphones et tablettes.

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Guide d’autodéfense numérique/ Editions Tahin Party, 2014 Cet ouvrage vise à présenter l’« absence d’intimité » du monde numérique et propose des méthodes pour ajuster ses pratiques quotidiennes en conséquence. En effet, les technologies numériques, auxquelles il est devenu très difficile d’échapper tant elles se révèlent si pratiques, offrent des possibilités de contrôle et de surveillance inédites. A partir de ce constat, un collectif s’est attelé il y a plus de quatre ans à la rédaction du « Guide d’autodéfense numérique ». Au-delà de l’utilisation d’un ordinateur « hors connexions », les auteurs ambitionnent de permettre à tout un chacun de comprendre quels sont les risques et les limites associés à l’utilisation d’Internet et de se donner les moyens de faire des choix éclairés quant à nos usages de l’Internet.

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Surfez couvert ! Protéger et défendre sa vie privée numérique / Yannick Chatelain, Ellipses, 2015 Alors que le droit à la vie privée est un droit fondamental, sa violation en masse est organisée sur Internet. Après avoir retracé comment la surveillance généralisée s’est mise en place, l’auteur, spécialiste du hacking et de la communauté hacker, propose à chaque citoyen des moyens accessibles pour préserver sa vie privée sur le web.

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Surfons tranquille 3.0 ! / Olivier Bogaert, Racine, 2015 L’auteur travaille depuis 1997 dans les équipes de la Police judiciaire belge spécialisées en nouvelles technologies, et est aussi depuis 2008, chroniqueur sur les ondes belges. Tout au long de l’ouvrage récemment mis à jour, O. Bogaert nous conseille pour rendre notre surf plus tranquille, en nous aidant à trouver le bon mot de passe, à bien choisir l’antivirus, à acquérir les bons réflexes derrière le clavier, et à profiter sans risque des réseaux sociaux, en déjouant les pièges tendus par les acteurs malveillants qui sévissent sur le Net et à protéger vos données personnelles.

Pour aller plus loin :

Vous pouvez explorer le passionnant dossier « Souriez, vous êtes surveillés » proposé par Arte future ou encore le webdocumentaire « Do not track » qui explique comment vos données personnelles sont utilisées par les entreprises du Web.
Le site de la CNIL est également un lieu-ressource indispensable, avec par exemple sa lettre consacrée à l’intimité et la vie privée du travailleur connecté ou encore sa fiche pratique pour régler les réglages de vie privée de son smartphone.
De nombreuses ressources sont également disponibles sur notre site Bibliothèque municipale de Lyon, notamment la conférence “Ma vie sur Internet” de Julien Pierre (2010).
Et last but not least, n’oubliez pas que tout au long de l’année, les espaces numériques du réseau des bibliothèques sont à votre service pour vous former à ces évolutions sociétales de premier ordre : vous pouvez par exemple participer à leurs ateliers ou utiliser les services d’autoformation.

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