Peur sur la vie !

- temps de lecture approximatif de 10 minutes 10 min - Modifié le 30/09/2022 par Admin linflux

Éternel sujet d'actualité s'il en est : la peur. Justifiée ou fantasmée, on en parle sans en parler, elle est là tous les jours, tapie dans les médias, dans les spectacles, dans les esprits. Peur de l'accident, peur de l'étranger, peur de la mort, de la maladie. On se couche avec et on se réveille avec. A croire qu'on aime ça !?! Il n'y a sans doute pas d'autre explication d'ailleurs, sinon comment expliquer que le journal télévisé ait une si grande audience !...

© Pixabay
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Guignol est mort, vive Grand Guingnol

Oui, il faut l’avouer, “pour de vrai” ou “pour de faux”, on aime se faire peur. Et cet amour de la peur, ce n’est pas nouveau. Sans parler du succès rencontré de tout temps et en tout lieu par les exécutions en place publique et autres sacrifices humains, redécouvrons avec délectation le succès rencontré au siècle dernier par les spectacles donnés au Théâtre du Grand-Guignol.

Les nuits blanches du Grand Guignol / livre d’Agnès Pierron
“C’est du Grand-Guignol !” L’expression a fait son apparition après la création de ce théâtre de l’épouvante et du sang à Paris dans le quartier de Pigalle. Son apogée date de la Belle Époque et des Années folles. Cabarets et théâtres de spécialités s’étaient implantés aux pieds de la butte Montmartre : le Cabaret du Néant et l’Enfer voisinaient avec le Théâtre du Vice et de la Vertu.

Le Grand Guignol : le théâtre des peurs de la Belle-Epoque / recueil de pièces
Le Grand-Guignol est à la fois un lieu et un genre. Genre théâtral pour public averti n’ayant rien du spectacle de marionnettes… Théâtre d’horreur et d’épouvante où se jouent “tous nos cauchemars de sadisme et de perversion” (Anaïs Nin). Genre méconnu et disparu, le Grand-Guignol mettait en scène toutes les peurs et les interrogations de l’époque : peur de la folie, peur des maladies contagieuses, peur du procès, peur de l’étranger… Cette forme théâtrale eut en son temps partie liée avec les explorations médicales sur l’hypnose, l’hystérie, les phobies, les déviances de toutes sortes en relation avec la criminologie, et a sans aucun doute accompagné l’avancée des écritures littéraires.

Le sang répandu

Théâtre de la cruauté et récits sanglants en France (XVIe-XVIIe siècle) / recueil de pièces
Rien de tel pour avoir peur et se représenter l’horreur que la vision du sang répandu. Là aussi rien de nouveau. Au tournant des XVIe et XVIIe siècles, la France est en charpie à la suite des guerres de Religion. Une nouvelle littérature voit le jour, emplie de récits de viols, de meurtres, de nez coupés, d’yeux crevés, de coeurs mangés, et de toutes sortes de catastrophes.

Le théâtre a beaucoup perdu de ce goût pour le sang, même si quelques compagnies comme Théâtre Pixel ou les Gueuribands tentent aujourd’hui d’introduire le sang dans leurs spectacles sous l’influence des films gore.

Le cinéma gore : une esthétique du sang / essai de Philippe Rouyer
“Gore” qui signifie donc en anglais “sang répandu” est le terme choisi en 1963 par le réalisateur H.G. Lewis pour qualifier son film d’horreur Blood feast. Cet ouvrage retrace l’histoire de ce cinéma et les circonstances de son développement. Une étude de l’esthétique gore débouche sur l’examen attentif de l’oeuvre de treize auteurs aux conceptions fort différentes.

Nous ne saurions que trop vous conseiller de visionner ou re-visionner le classique Carrie de Brian De Palma, l’esthétisant Dark water d’Hideo Nakata, le drolatique Shaun of the dead d’Edgar Wright, l’explicite Les 3 visages de la peur de Mario Bava, l’acrobatique The descent de Neil Marshall, et le cultissime Loup-garou de Londres de John Landis.

Et si vous en redemandez, vous avez encore toute notre collection complète de films gore et films d’horreur à votre disposition !

D’autres bonnes raisons de se faire peur

Vous n’en avez pas marre d’avoir peur ? Alors c’est reparti pour quelques petites frayeurs…

Frederick ou le boulevard du crime / pièce de Eric-Emmanuel Schmitt
L’histoire se déroule au théâtre des Folies-Dramatiques, en janvier 1832, où le comédien vedette Frédérick Lemaître fait un triomphe dans un mélo à la mode sur le boulevard du crime. Inquiété par la police pour ses penchants républicains, il nargue le ministre de l’Intérieur. Comédien populaire, personnage extravagant, joueur, séducteur, révolutionnaire, il semble prêt à tout sauf à l’amour.

Pour le côté graphique de la terreur, il faudra vous tourner vers la série de court-métrages animés intitulée Peur(s) du noir. Le frôlement rapide de pattes d’araignées sur une peau nue… Des bruits inexplicables que l’on entend la nuit, enfant, dans une chambre close… Une grande maison vide dans laquelle on devine une présence… L’aiguille d’une seringue qui se rapproche inexorablement… Une chose morte emprisonnée dans un bocal de formol… Le regard fixe d’un grand chien qui montre les dents… Six grands auteurs graphiques et créateurs de bande dessinée, parmi lesquels Charles Burns, Blutch ou Lorenzo Mattotti, ont animé leurs cauchemars, griffant le papier de leurs crayons affûtés comme des scalpels, gommant les couleurs pour ne garder que l’âpreté de la lumière et le noir d’encre de l’ombre.

Ah… Pierre Bellemare et son petit sourire en coin, sa voix grave quand l’heure est grave, tout un pan de l’histoire de nos plus belles peurs radiophoniques…

La peur derrière la porte / livre de Pierre Bellemare
Elle surgit quand on ne l’attend pas. Elle entre sans frapper… Elle vous saisit, la peur…
Un “Barbe-Bleue” des temps modernes tue et emprisonne dans le ciment des femmes qui ressemblent à sa défunte épouse… Un python assassin en service commandé dans une chambre d’hôtel “agit” et s’éclipse par le vasistas de la salle de bains… Une femme décède, victime de la “combustion spontanée”… Un homme fou de douleur demande une lobotomie pour ne plus avoir de souvenirs… Habilement mises en scène par un grand conteur, des histoires terribles et véridiques recueillies dans les faits divers et les archives criminelles du monde entier.

De la fiction à la réalité…

Cette fois-ci c’est du sérieux, voici quelques références d’ouvrages qui vous aideront à vous familiariser avec la peur ! Enfin, si c’est vraiment ce que vous souhaitez…

Le nouveau malade imaginaire : l’utopie du bonheur parfait / essai de Michel Lejoyeux
Le retour du malade imaginaire en version contemporaine. Trois études de cas illustrent ici la propension des Français d’aujourd’hui à se passionner pour la psychologie et les psychothérapies, cherchant la sécurité et le bonheur avant tout et se rendant ainsi malades hypocondriaques.

Du même auteur vous pourrez lire Vaincre sa peur de la maladie : il n’est jamais trop tard pour…
C’est un véritable guide des maladies imaginaires et réelles, des syndromes qui font tourner des symptômes en cauchemar : syndrome d’Argan, syndrome du Dibbouk, la maladie anglaise, le malade imaginaire. Il aborde la question des nosophobes, des hypocondriaques et autres obsessions de la société moderne.

La Culture de la peur – Tome 1 Démocratie, identité, sécurité / essai de Marc Crépon
Ouvrage polémique sur les usages politiques de la peur. “Son invocation et son instrumentalisation qui furent le privilège des régimes de terreur, ne peuvent plus servir aujourd’hui de critère discriminant entre les démocraties et les régimes, dont, par principe, elles devraient être distinctes.”

An 1000 an 2000 : sur les traces de nos peurs / essai de Georges Duby
Au sommaire, cinq chapitres : la peur de la misère ; de l’autre ; des épidémies ; de la violence ; de l’au-delà. Un livre très accessible construit sur une série de questions-réponses et superbement illustré d’enliminures du Moyen-Age et de photographies contemporaines.

Crimes de sang et scènes capitales : essai sur l’esthétique romantique de la violence / de Christine Marcandier-Colard
Meurtres, corps blessés, supplices, décollations, romans “dégoûtants de sang “, poignards au-devant de la scène théâtrale : les œuvres romantiques apparaissent comme une véritable anthologie de crimes de sang et scènes capitales.Le meurtre est bien l’art poétique du romantisme. Que la violence représentée soit sérieuse, spectaculaire ou tournée en dérision, mise en abyme par l’ironie, elle travaille l’imaginaire littéraire et sert un profond renouvellement des genres.

Le goût du sang : croyances et polémiques dans la chrétienté occidentale / essai de Vanessa Rousseau
Une approche historique, anthropologique et philosophique du sang : un concentré des tabous, des superstitions, des croyances collectives les plus anciennes qui ont modelé les représentations occidentales. Qu’il s’agisse des pratiques médicales, des règles d’hygiène, de la pharmacopée ou bien des usages culinaires – abattage, préparation des viandes – ou encore du rythme de la vie quotidienne, qui voit alterner les temps de charnage et les temps de carême, c’est toute une civilisation qui s’est élaborée autour de cet élément vital.

La peur de l’autre en soi : du sexisme à l’homophobie
Et si ce dont nous avions le plus peur, c’est de nous-mêmes ? Les auteurs de cet ouvrage collectif s’interrogent en particulier sur les origines de l’homophobie ? C’est l’appréhension de cette femme qui sommeille en chaque homme, de cet homme qui dort en chaque femme, de cet homosexuel ou cette homosexuelle qui, sait-on jamais, n’attend peut-être qu’à s’éveiller en nous. Comprendre cette peur de l’autre est une nécessité pour qui veut combattre sexisme et homophobie.

Pour finir, endormez-vous sereinement sur les dessins de Voutch. Les titres de ses albums évoquent à eux seuls toute une série de petits arrangements avec la peur : Tout s’arrange, même mal ; Le pire n’est même pas certain ; Le futur ne recule jamais ; Le doute est partout.

Et maintenant, faites de beaux rêves !…

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