Les archives littéraires ou le making of d’une œuvre

- temps de lecture approximatif de 5 minutes 5 min - par mj

Vous vous êtes laissé emporter par la saga des Rougon-Macquart et vous voulez en savoir plus ? Savez-vous que l’aventure ne s’arrête pas là et que vous pouvez percer les secrets de fabrication de cette fresque historique avec les notes préparatoires d’Emile Zola lui-même. En effet grâce aux archives d’écrivains c’est tout un univers littéraire parallèle qui s’offre à vous.

En 1881, Victor Hugo décide par son testament de léguer l’ensemble de son œuvre manuscrite à la Bibliothèque Nationale. Par ce geste,  il inaugure le 1er dépôt d’archives littéraires contemporaines et modernes dans une institution publique.

Les bibliothèques sont les lieux par excellence de transmission de la création littéraire. Les œuvres des écrivains y trouvent naturellement leur place. Les fonds d’archives littéraires sont là pour préserver le travail de création des auteurs. C’est en effet tout le processus créatif de l’écrivain que nous permettent de percer les archives littéraires.

Jean Echenoz en témoigne lorsqu’il dit : « Je ne crois pas du tout à l’inspiration, sinon à l’obstination, dont l’archive porte la marque ». (Déclaration dans un entretien avec Télérama en janvier 2018)

Quoi de mieux que des brouillons, des manuscrits ou tapuscrits originaux, des correspondances voire même des photos ou une machine à écrire pour témoigner de la démarche créative d’un écrivain ?

Comment ces documents arrivent-ils dans les fonds des bibliothèques ?

Chaque écrivain est susceptible de voir ses documents de travail devenir des richesses patrimoniales. Dès lors qu’il rentre dans la postérité, l’ensemble de sa production attise les convoitises. Avant que ces documents ne tombent dans des collections particulières et de ce fait soient non accessibles pour tout le monde, les institutions publiques doivent se positionner et se donner les moyens d’accueillir ces fonds. Fort heureusement il arrive que certains auteurs déposent leurs archives dans des institutions publiques spontanément de leur vivant et alors même que leur travail d’écriture se poursuit. C’est le cas de Charles Juliet à la Bibliothèque Nationale de France.

Dans leur grande majorité ces collections patrimoniales sont constituées par des dons soit du vivant de l’auteur soit de la part de ses ayants-droit. Dès lors qu’un document revêt un intérêt tout particulier ou vient compléter un fonds existant, la bibliothèque peut faire le choix d’acheter une pièce spécifique.

Où se trouvent les archives littéraires en France ?

En ce qui concerne les collections publiques, la Bibliothèque Nationale de France, gardienne du patrimoine national par excellence, recueille de nombreux fonds littéraires : de Victor Hugo à Boris Vian en passant par Emile Zola, Marcel Proust ou Jean-Paul Sartre.

L’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC) se propose depuis 1988 de rassembler des archives liées aux auteurs, éditeurs et plus généralement aux acteurs du monde littéraire. À l’origine d’une initiative privée mais soutenue par le Ministère de la Culture cette institution ne fonctionne que par des dépôts. C’est-à-dire que les auteurs ou les ayants-droits sont en mesure de récupérer leurs travaux s’ils le souhaitent. Marguerite Duras, Colette, Andrée Chedid ou encore Christine Angot  font partie des femmes de lettres présentes à l’IMEC par leurs archives.

La bibliothèque littéraire Jacques Doucet est le troisième endroit pour le nombre et la qualité de ses fonds où l’on peut trouver des archives d’écrivains. À l’initiative du collectionneur Jacques Doucet en 1913, cette bibliothèque actuellement sous la tutelle de la Chancellerie des Universités est consacrée à la littérature française de la seconde moitié du XIXe siècle à nos jours. On peut y trouver les fonds André Gide, François Mauriac ou Jean Echenoz.

 

Enfin les bibliothèques municipales, qui parallèlement à leur mission de service public sont aussi des lieux de conservation du patrimoine, possèdent pour certaines des fonds littéraires patrimoniaux uniques. Vous pouvez entre autres consulter les archives d’Albert Camus à la Bibliothèque Municipale d’Aix-en- Provence ou celles de Louis Guilloux à Saint-Brieuc.

Les archives littéraires de la bibliothèque municipale de Lyon en quelques mots et en quelques noms

La Bibliothèque Municipale de Lyon participe elle aussi à cette démarche. En effet si la richesse du patrimoine littéraire de Lyon et sa région n’est plus à rappeler il est important de souligner que la Bibliothèque de Lyon possède des archives littéraires remarquables tant par leur diversité que par leur contenu. On peut citer entre autres les différentes versions du roman le Passage  de Jean Reverzy, prix Renaudot en 1954 ; la machine à écrire de Louis Calaferte  ainsi que la quasi-intégralité de son œuvre manuscrite et une partie conséquente de ses archives personnelles; des lettres autographes de Jean Genet à son premier éditeur le lyonnais Marc Barbezat (Editions l’Arbalète) ou encore un ensemble de livres de Max Jacob, dont un grand nombre dédicacés. Une partie des archives du poète René Leynaud. Les manuscrits, la correspondance et les archives d’auteurs de la région, Jean-Pierre Spilmont, Lionel Bourg ou encore Pierre Molaine.

Plus récemment la Bibliothèque de Lyon s’est vue confier la bibliothèque personnelle et les archives de Bernard Simeone – écrivain, traducteur – soit plus de 3 000 livres, poésie et romans en langue française ou italienne, dont 1/3 dédicacé par leurs auteurs.

On peut y trouver aussi le fonds de la maison d’édition Paroles d’Aube, témoin de l’activité littéraire en région lyonnaise depuis 30 ans.

Pour la bibliothèque de Lyon le fil conducteur aux politiques d’intégration de nouveaux fonds est l’ancrage local des écrivains. Ces archives sont les garantes de la mémoire du territoire et de la création artistique qui s’y rattache.

Les archives littéraires à l’heure du numérique

Mais que penser du patrimoine littéraire de demain ?

L’archive littéraire peut sembler dépassée au regard de la quasi intégralité de la dématérialisation de l’écriture. Quelles traces les écrivains d’aujourd’hui nous laisseront-ils ? On sait que la Bnf qui conserve les archives de Pierre Guyotat, a mis en place un protocole informatique pour archiver tous ses mails et SMS. Comment assurer la conservation et la lecture des fichiers à long terme des données numériques quand l’étape de l’impression papier n’est pas faite ?

Pour l’heure la machine à écrire de Louis Calaferte qui trône sur les étagères de la réserve de documents précieux de la Bibliothèque de Lyon ne peut que faire rêver les irréductibles du papier.

 

Si vous souhaitez en savoir plus sur les richesses des archives littéraires voici de quoi ravir votre curiosité

 Notes préparatoires aux Rougons-Macquart

L’Agenda de Marcel Proust  

 

 

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