Entre réalité et cauchemar

Fred Deux

- temps de lecture approximatif de 1 minutes 1 min - par Tori

Au commencement était la tache. En 1949, Fred Deux a 23 ans. Il n’a jamais pris de cours. Et puis la peinture l’a saisi ou plutôt les taches de peinture, les taches dans la peinture. Ce fut une révélation. Plus tard, il se mis à dessiner à partir des taches.

Fred DEUX, Non titrée, burin sur papier Japon, 67 x 51 cm ©succession Fred Deux ©Galerie Metropolis Coll. BmL, artothèque (A MF DEU 04822)

« Si j’étais vraiment un peintre je ferais une grande toile dans les bleus foncés, les bleus silencieux où l’on devinerait des taches sombres, douces. J’ai vu le jour apparaître. Je ne suis pas un peintre, je ne peux que regarder. »

Fred Deux dans « Voir ce que devient l’ombre » un film de Matthieu Chatellier (collection Cinéma du Réel, 2011)

 

Son oncle, marginal et mélancolique, avait la manie de dessiner des têtes angulaires à la craie blanche puis au goudron partout dans le quartier. Enfant, Fred Deux les cherchait. Il se mis à l’imiter sur ses cahiers d’écolier et plus tard, dans ses œuvres. Ces têtes sont toujours présentes. C’est le souvenir de son oncle.

Dans cette œuvre, une créature anthropomorphe se tient en équilibre sur des tables empilées. Dans sa bouche grande ouverte apparaissent des visages humains effrayants s’imbriquant les uns dans les autres. Des vivants au nez et menton pointus et des morts aux yeux vides, aux joues creuses, le visage se métamorphose en crâne. La tête disproportionnée par rapport au corps rappelle les masques africains que Fred Deux collectionnait.

Dans le corps transparent de la créature, tout un monde polymorphe. Au niveau du bas-ventre, une femme jambes écartées dévoile à la place du sexe une tête dont la langue est un pénis, dont le cou se dessine comme deux testicules.

Une jambe à la place d’un pied de chaise, un œil dans la paume de main, des viscères dans les bras, des excréments à queues de rat, cette œuvre est un accouchement des fantasmes et chimères de la mémoire de Fred Deux. C’est un peu lui qu’il dessine, qu’il met en morceaux tel un fascinant cauchemar aux mille figures qui peuplent un corps tourmenté, une vie qui s’exorcise à la pointe hallucinée du crayon.

 

Cette oeuvre de Fred Deux est empruntable à l’artothèque, Bibliothèque municipale de Lyon

Prochainement, vous pourrez découvrir l’univers de Fred Deux sur l’influx.

Partager cet article