L’animal thérapeute

Etes-vous plutôt plumes, fourrure ou encore écailles ? Votre choix sera le bon... l’animal occupe une place toujours plus importante dans nos sociétés occidentales, avec un réel impact sur notre vie et notre santé mentale.

- temps de lecture approximatif de 13 minutes 13 min - Modifié le 10/02/2023 par ALTC

Les frontières entre humains/animaux ou Culture/Nature vacillent. De fidèle compagnon de l'homme, l'animal en vient à devenir son thérapeute. En effet, depuis quelques décennies se développe la médiation animale, une pratique de soins non médicamenteuse, qui favorise des liens bienfaisants entre les animaux et les humains à des fins préventives, éducatives ou encore thérapeutiques.

Chien et homme assis
Chien et homme assis

Evolution du lien collaboratif entre les humains et les animaux

L’animal domestiqué

La relation entre les hommes et les animaux domestiques date de plusieurs millénaires. On retrouve d’ailleurs des ossements de chiens au milieu de tombes d’humains sur de nombreux sites archéologiques, datés pour certains de plus de 8000 ans. Aujourd’hui -et encore plus depuis la crise du Coronavirus- près de 50% des foyers français possèdent au moins un animal de compagnie. Ce compagnon apporte un attachement sans jugement, en toute humilité et générosité, et aide généralement à se sentir mieux.

L’animal associé au soin

Que ce soit dans les domaines du soin, du lien social ou encore de l’éducation, les interactions entre les humains et les animaux ne sont pas nouvelles.

Il existe de nombreux exemples historiques de pratiques de soin avec l’animal, ainsi :

  • les oiseaux de la ville de Gheel en Belgique au IXe siècle, pour les maladies mentales,
  • la tortue de l’infirmière Florence Nightingale au XIXe siècle, pour les blessés de guerre,
  • les animaux (et la nature) de la pédagogue Maria Montessori au début du XXe siècle, pour l’apprentissage de l’enfant.

Théorisation des méthodes de soins avec l’animal

Les méthodes de soins avec l’animal se sont professionnalisées au milieu du XXe siècle. Boris Levinson, pédopsychiatre américain, est l’un des premiers à théoriser ces procédés de soins, en particulier pour le traitement des désordres psychologiques de l’enfant.

Le terme de médiation animale date de 2008 : cette pratique scientifique en cours de construction porte sur les interactions entre les humains et les animaux avec un objectif thérapeutique.

Jérôme Michalon, chercheur au CNRS à Lyon, spécialiste de l’évolution de la médiation animale dans les sociétés occidentales contemporaines, parle de médiation par l’animal comme une invitation à penser et à panser avec les animaux.

Cette interaction entre l’humain et l’animal vise à favoriser des évolutions positives du patient, en étant source de surprises, d’éveil ou de vie.

Le terme Zoothérapie signifie littéralement « soigner par l’animal » et se décline à travers différentes formes de médiation animale.

Mais attention, l’animal n’est pas le thérapeute : la médiation animale ne peut se substituer à un suivi psychothérapeutique.


Les bienfaits du contact avec l’animal

Même si l’animal ne peut directement se substituer à un suivi médical, les liens qui se créent avec les humains au quotidien ou lors de séances de médiation sont réels et divers.

Les animaux aident à lutter contre la dépression et l’isolement.

Les animaux peuvent aider -sans même que nous nous en rendions compte- à combattre ces symptômes. Cela s’est clairement manifesté lors de la crise sanitaire récente.

Dans cette période d’isolement, le besoin archaïque de contact a réapparu. Le risque de contagion entre humains était important, on s’est donc tourné vers d’autres espèces plus rassurantes. 

Ludovic Drillet, psychiatre

Quand les animaux nous font du bien

Dans son livre, Laurence Paoli enquête auprès de personnes pour qui la rencontre avec l’animal a permis de rendre leur vie meilleure : la médiation avec l’animal procure des bienfaits dans le domaine médical, mais aussi pour des personnes en marge ou enfermées.

Les animaux permettent de réduire l’anxiété et le stress

La compagnie de l’animal permet de réduire la présence des hormones liées au stress. Cette diminution du niveau de cortisol est déjà effective dès 5 minutes d’interaction, car il y a libération d’endorphines (sérotonine et dopamine), hormones qui permettent au système nerveux de se détendre.

Les possibilités sont multiples. On peut mentionner des exemples de médiation animale :

La présence du chien réduit la violence inhérente au processus judiciaire et juridictionnel.

Eric Maurel, procureur de la république

Cette médiation animale libère la parole, met en confiance.

Jérôme Moreau, vice-président de la fédération France Victimes.

Les animaux facilitent le lien social

Pour des personnes ayant des difficultés à aller vers l’Autre, l’animal peut agir comme un liant, en créant un pont de communication entre les humains.

Cela est particulièrement le cas pour les enfants souffrant d’autisme ou de trouble de l’attention, pour lesquels on remarque une réelle amélioration des compétences sociales quand ils ont une relation particulière avec un animal.

La médiation par l’animal facilite l’entrée en lien avec l’Autre, dans un espace de contact qui est rempli de surprises. L’animal agit ainsi comme un déclencheur social, ce qui a comme effet de favoriser la rencontre et la confiance en soi.

Les animaux aident sur le plan cognitif

Pour certains patients, la communication verbale et non verbale qui a lieu avec les animaux, permet de maintenir leur durée de concentration et de stimuler leur capacité de mémoire. Cela est particulièrement vrai pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Et tout simplement, les animaux aident à avoir un mode de vie plus sain

Etre responsable d’un animal est un exercice exigeant : cet être vivant a des besoins réguliers auxquels le maître doit répondre en proposant un espace de vie favorisant le développement harmonieux de cet animal.

Le chien par exemple a de nombreux rôles auprès de son propriétaire : réveil matin, coach sportif, garde du corps en plus d’être « créateur de lien social ». L’animal donne à son maître un cadre de contraintes qui le stimule.


Quelles sont les formes de médiation à visée thérapeutique ?

La médiation avec le cheval

L’équitation thérapeutique en France se développe à partir des années 1960 et regroupe diverses pratiques qui permettent de “prendre soin avec le cheval” :

  • l’équitation adaptée, c’est à dire l’enseignement de l’équitation pour les personnes en situation de handicap
  • l’équitation thérapeutique, qui englobe toutes formes d’activités équestres pour les personnes ayant une forme de déficience
  • l’hippothérapie, pour la rééducation motrice
  • la thérapie assistée par le cheval, pour une approche psychocorporelle.

De manière générale, les activités avec le cheval se révèlent efficaces pour aider à traiter les troubles de l’attention, gagner en confiance et développer des compétences motrices ou sociales.

De nombreuses références sur les bienfaits de l’équitation ont été relevées à travers les siècles.

[L’équitation] peut soigner un grand nombre de maladies mais aussi les prévenir avant qu’elles ne se déclarent.

Diderot, dans son article Equitation de l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences

La médiation avec le chien

Le chien est souvent appelé “le meilleur ami de l’homme”. Ses capacités de communications avec l’humain sont importantes : il a comme été façonné pour être son partenaire idéal en modifiant son anatomie faciale. En effet, avec le développement de muscles lui permettant de soulever sa paupière, le chien a ainsi une “arme secrète” pour amadouer son maître, ce que n’ont pas su faire les loups.

De nombreuses études scientifiques valident les effets positifs de ces relations.

La médiation avec le chat et autres petits animaux

Le chat a un ronronnement très apaisant, ce qui en fait un animal très utilisé pour la médiation animale, en particulier avec les personnes âgées. La ronronthérapie est ainsi une forme de miracle des chats !

Ecouter ce doux bruit entraîne une production de sérotonine, l’hormone du bonheur, impliquée dans la qualité de notre sommeil et de notre humeur.

Jean-Yves Gauchet, vétérinaire

Lapins, cochons d’inde, hamsters ou autres petits rongeurs sont aussi des animaux pouvant faire de la médiation. Leur petite taille et leur douceur font qu’ils sont très appréciés : ils peuvent servir de stimulus pour l’évocation de la jeunesse, en particulier auprès des personnes âgées.


Le trinôme de la médiation animale

Les praticiens de médiation animale peuvent avoir suivi des formations, mais aucune n’a de reconnaissance officielle.
Ces praticiens sont généralement des professionnels de la santé qui ont pu -par leurs expériences diverses- apprécier combien la présence d’un animal peut aider leurs patients.
En mettant en œuvre des soins avec une médiation par l’animal, ils cherchent à créer les conditions optimales pour faciliter l’échange et assurer le bien-être de tous les protagonistes (patient et animal) lors de la rencontre.

Pour les animaux, un protocole portant sur la prévention vétérinaire des risques doit être mis en place. De plus, une réflexion approfondie doit être faite sur le rythme de travail de ces animaux, qui peuvent se fatiguer rapidement lors d’échanges chargés en émotions. L’animal médiateur est en effet un être vivant avec des besoins et des limites.

Les patients sont des personnes de tous âges en situation de fragilité psychique ou physique (déficience intellectuelle, autisme, troubles du comportement ou de la mémoire, difficultés motrices, personnes en milieu carcéral ou isolées). La médiation animale leur est proposée comme un outil supplémentaire de travail dans le cadre d’une thérapie.


L’animal thérapeute est-il aussi médecin?

Si les animaux aident à améliorer la santé mentale, ils peuvent aussi être source d’inspiration pour le monde médical, car ils savent pratiquer des formes d’automédication avec leur savoir médicinal des plantes.

Ainsi, on peut envisager de penser la santé de manière globale à l‘interface de celle de l’humain, des animaux et de l’environnement, comme le préconise le mouvement One Health.

Le 4 février a eu lieu la Journée Mondiale des intelligences animales.

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