L’ajustement fin : le plus grand mystère de l’univers

- temps de lecture approximatif de 7 minutes 7 min - par Alicia C.

Notre univers ne devrait pas exister. Voilà l’étonnante conclusion qu’on peut tirer des lois de la physique telles que nous les comprenons. Nos connaissances sont-elles incomplètes ? Ou faut-il chercher la vérité ailleurs ?

Les constantes fondamentales de la physique

La physique dans notre univers se base sur plusieurs constantes fondamentales, fixes dans le temps et l’espace. On peut citer par exemple la constante qui détermine la force de la gravitation, ou bien celle qui permet aux atomes de s’attirer pour former des molécules ; ou encore la masse des particules élémentaires ou la densité de l’univers.

Le nombre de ces constantes, indépendantes les unes des autres, varie en fonction des évolutions de nos connaissances, de 6 à plusieurs dizaines. On en admet généralement une quinzaine. Elles conditionnent tout ce qui touche à la matière dans l’univers, depuis la fabrication des noyaux des atomes jusqu’au mouvement des galaxies.

Selon les physiciens, aucune théorie n’explique pourquoi ces constantes ont précisément la valeur qu’elles ont. Elles auraient très bien pu être un petit plus fortes ou un petit peu plus faibles.

La seule configuration permettant l’apparition de la vie

Seulement voilà, si une seule de ces valeurs était un tant soit peu différente dans notre univers, la vie n’aurait jamais pu apparaitre. Avec une force de gravitation plus faible, par exemple, aucun autre atome que l’hydrogène et l’hélium n’aurait pu se former. Et si l’interaction électromagnétique était plus faible ou plus forte, les atomes seraient incapables de s’assembler en molécules. Les simulations informatiques permettent de simuler des univers en faisant varier ces constantes à l’infini, et quasiment tous sont impropres à accueillir la vie.

Pourquoi, parmi toutes les possibilités innombrables que pouvait prendre chacune de ces valeurs, notre univers a-t-il précisément la seule et unique configuration permettant l’apparition de la vie ? Est-ce simplement de la chance, une chance tellement improbable qu’elle en parait impossible ? Il existe d’autres hypothèses laissant moins de place au hasard.

La théorie de l’horloger

« Imaginez que vous voyagiez dans tous les pays du monde et jouiez au loto dans chacun d’eux. Si vous gagnez une fois, deux à la rigueur, vous êtes chanceux. Mais si vous gagnez absolument toutes les fois, vous commencez à vous demander s’il n’y a pas anguille sous roche. » C’est grosso modo en ces termes que le roman La formule de Dieu, de José Rodrigues dos Santos (2012), parle de l’ajustement fin. Le livre en fait la preuve de l’existence de Dieu, et il n’est pas le seul.

Une célèbre analogie qu’on retrouve dès le 18ème siècle énonce que si on trouve une montre dans le désert, on reconnaîtra tout de suite qu’elle a été conçue par un horloger et qu’elle ne s’est pas formée là toute seule. La complexité et le réglage fin de l’univers évoquent cette montre, laissant penser qu’il a été créé avec un dessein intelligent.

Cette théorie de l’horloger rejoint le principe anthropique, stipulant que les propriétés de l’univers permettent notre existence car telle est sa raison d’être.

Mais on peut aussi y voir ce que certains appellent le « Dieu des lacunes ». Ce terme désigne la tendance à expliquer par une intervention divine tout ce qu’on ne peut pas (encore) expliquer par la science.

Que la spiritualité se rassure, la science se découvrira toujours de nouvelles lacunes car plus on en apprend, et plus on mesure l’étendue de ce qu’on ignore. Certaines de ces lacunes ne pourront peut-être jamais être comblées par la science, mais ça pourrait ne pas être le cas de l’ajustement fin.

La théorie des univers multiples

Et si notre univers n’était pas le seul qui existe ?

Le concept de mondes parallèles, d’univers multiples, de multivers, a été exploité à de très nombreuses reprises par la fiction, sous tous les aspects imaginables, plus ou moins réalistes. Au-delà de la fiction, certains physiciens envisagent sérieusement cette possibilité.

Mais il se pourrait que ces univers parallèles soient vides de toute vie. Chacun obéirait à ses propres lois physiques, et les valeurs des constantes seraient différentes d’un univers à l’autre. Notre univers serait alors celui (ou un de ceux) qui, parmi une infinité d’autres, aurait les valeurs adéquates pour l’apparition de la vie.

On aimerait savoir ce qu’en pensait Ettore Majorana, jeune physicien de génie dont la disparition mystérieuse en 1938 a fait couler beaucoup d’encre. De là à penser qu’il a rejoint un univers parallèle apte à accueillir la vie… Allez savoir.

La dernière théorie de Stephen Hawking : notre présence modifie le passé

Si la physique quantique résiste à la compréhension, c’est en partie parce qu’elle n’obéit pas aux mêmes lois que la physique classique. En physique quantique, un électron se comportera différemment selon qu’on l’observe ou non. C’est ce que démontre l’expérience des fentes : Deux fentes sont placées sur la trajectoire d’un électron ; si on ne le regarde pas, il passe par les deux fentes à la fois, comme une onde ; si on le regarde, il passe soit par une fente soit par l’autre, comme une particule.

Une expérience réalisée en 1978 par le physicien John Wheeler montre que lorsqu’on observe un électron, ça modifie son comportement actuel mais aussi son comportement passé. Avant même qu’on décide de le regarder, il se comportait déjà en particule comme s’il était observé. Alors qu’il garde son comportement d’onde si on décide au dernier moment de ne pas l’observer. Notre observation semble donc influer sur le passé.

Dans son dernier livre, « l’origine du temps », Stephen Hawking rapporte ces conclusions à l’échelle cosmique. Il en déduit une cosmologie descendante, où c’est le fait qu’on soit présents ici et maintenant pour observer l’univers, qui influence les données du passé pour leur donner les valeurs qui permettent notre existence, dans une sorte de cercle temporel fermé. On retrouve le principe anthropique, mais cette fois sans volonté divine derrière.

Conclusion

Le mystère de l’ajustement fin n’est peut-être après tout qu’une illusion. Dans un avenir plus ou moins proche, les physiciens parviendront peut-être à démontrer que toutes ces constantes sont en fait dépendantes les unes des autres ou qu’elles ne pouvaient pas prendre d’autres valeurs que celles qu’elles ont. Ou peut-être que les futures découvertes aboutiront à une nouvelle théorie défiant toute imagination. En attendant, comme tous les bons mystères, il nous fait voyager au loin, ouvrant le champ de nos réflexions.

Pour aller plus loin

Les constantes fondamentales

Les constantes fondamentales / Roland Lehoucq, Jean-Philippe Uzan, 2005

Les auteurs analysent avec un regard contemporain les grands textes fondateurs et répondent à certaines questions essentielles : qu’est-ce qu’une constante fondamentale ? Combien y en a-t-il dans la nature ? Les constantes fondamentales sont-elles vraiment constantes dans le temps ?

L'importance des constantes

L’importance des constantes / Jean-Philippe Uzan, Bénédicte Leclercq, 2020

Les théories physiques reposent sur des constantes dont les valeurs sont déterminées expérimentalement. Or certains physiciens, tentant d’unifier les théories qui décrivent l’Univers, s’interrogent aujourd’hui sur la fiabilité de ces constantes.

Des univers multiples

Des univers multiples : nouveaux horizons cosmiques / Aurélien Barrau, 2020

Présentation des avancées de physique subatomique, de cosmologie et des théories qui prédisent l’existence de mondes parallèles : les univers multiples.

Sciences et avenir octobre 2023

Sciences et Avenir, n°920, octobre 2023

L’origine du temps, la dernière théorie de Stephen Hawking, décryptée par son disciple Thomas Hertog, p.28.

L'origine du temps

L’origine du temps : la dernière théorie de Stephen Hawking / Thomas Hertog, 2023

Une synthèse sur les dernières hypothèses de Stephen Hawking, présentées par son collaborateur, sur les origines de l’Univers et son évolution. Intégrant des principes darwiniens, cette théorie envisage que les lois physiques ne seraient pas immuables mais seraient sélectionnées et co-évolueraient avec l’Univers qu’elles gouvernent, jusqu’à créer des conditions favorables à la vie.

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