Alimentation canine : la querelle de chapelle

- temps de lecture approximatif de 6 minutes 6 min - par Dpt Sciences

Ils vivent parmi nous, ils s’invitent dans nos foyers, et vivent à nos frais. Ils sont plus de 7.5 millions aujourd’hui en France, il s’agit bien sûr de nos meilleurs amis les chiens.

Source : Pixabay
Source : Pixabay

Selon les statistiques, un quart des foyers français accueillent un compagnon (canidé) à quatre pattes. On se rend compte dès lors de la place prise par ces petites boules de poils dans nos vies, et dans notre société. Si au début de la domestication le chien était avant tout l’auxiliaire du chasseur, le défenseur, ou encore le Sanibroyeur de la tribu, de nos jours, il est un membre à part entière de la famille. Tout comme nous, il a son médecin, le vétérinaire, son système de mutuelle santé, et même une Déclaration Universelle des Droits de l’Animal à l’UNESCO de 1978.

Ainsi, les chiens de nos foyers suivent-ils les mêmes soubresauts sociétaux que leur maître bipède. La question du bien-être animal est devenue un enjeu politique, notamment pour les courants écologistes.  Mais pour le commun des mortels, avoir le souci du bien-être de son compagnon poilu passe en premier lieu par son alimentation.

Voilà un sujet qui semble déchainer les passions des experts, comme des simples propriétaires, chacun y allant de son expérience personnelle, avec ses arguments et ses contre-exemples. Pour faire simple, il y a actuellement deux grands types d’alimentation canine : celle que tous et toutes connaissent, les croquettes et pâtées, c’est-à-dire, la nourriture conçue pour les animaux par des industriels. Mais aussi le fait maison, parmi lequel le « Raw Feeding » dont les différentes mouvances sont elles-mêmes en désaccord les unes avec les autres, ou encore l’antique  Ration ménagère  qui revient en force après avoir été quelque peu éclipsée depuis les années 1970 par l’industrie de la croquette.

 

 

L’alimentation industrielle

Elles sont pratiques, elles sont partout, elles ont un beau packaging et une industrie puissante : les croquettes. Depuis la seconde guerre mondiale, la croquette s’est imposée comme la première alimentation pour chien, notamment en France. Aujourd’hui, 2 millions de tonnes de croquettes et de pâtées sont produites par an afin d’alimenter le marché de la nourriture animale. Mais sait-on vraiment ce que l’on donne à son chien lorsqu’on lui achète ses croquettes ?

Et bien c’est une chose presque impossible à déterminer ! En effet, la législation n’impose pas aux fabricants de dresser une liste claire avec les teneurs et les pourcentages pour chaque ingrédient. A partir de là, tout est malheureusement possible et ces aliments secs, adressés à des carnivores, contiennent parfois jusqu’à plus de 50% de céréales. La plupart des sources de protéines animales qu’elles contiennent sont de piètre qualité, constituées souvent des rebus de l’industrie alimentaire humaine qualifiés de « sous-produit animaux » (carcasses, plumes, pattes, écailles de poissons). On retrouve aussi des produits tout à fait inattendus : « pulpe de betterave », ou encore « yucca », « amidon prégélatinisé », et un nombre variant d’additifs dit « nutritionnels » qui viennent compenser la pauvreté des constituants de la croquette (zinc, fer, magnésium, potassium, etc…).

Fort heureusement, il commence à émerger des marques nouvelles de croquettes, certaines bio qui prônent une véritable transparence sur leur composition. Elles insistent sur le fait qu’elles offrent des produits de qualités, riches en protéines animales, et le plus faible possible en glucides et féculents. Et, « Cocorico ! », l’une de ces marques est la française Amikinos. Ces croquettes, de meilleure qualité, restent bien évidemment plus chères que celles disponibles dans le grand commerce. Mais elles ne sont pas forcément plus chères que celles spécialisées proposées par les géants du secteur. Certaines marques vont même jusqu’à proposer des croquettes et des pâtées sur mesure, conçue et élaborées pour votre chien. Certaines de ces marques explorent même les autres façons de nourrir son animal, comme HectorKitchen et la ration ménagère. A la lecture de ce « guide complet », on a surtout l’impression qu’il sera beaucoup plus simple et efficace de commander leurs croquettes en ligne.

Il est aussi intéressant de noter que les directives nutritionnelles pour les chiens et chats sont dictées au niveau européen par la FEDIAF, et en France, par la FACCO. Ces deux organismes sont des fédérations des « fabricants d’aliments pour chiens, chats et oiseaux » (FACCO). Autrement dit, ce sont les industriels producteurs de croquettes qui fixent les besoins nutritionnels des animaux que doivent respecter leurs produits.

L’un des exemples les plus flagrants de l’emprise de ces sociétés privées sur l’alimentation et la santé de nos animaux de compagnie est Royal Canin. L’European College of Veterinary and Comparative Nutrition est sponsorisé directement par la marque, présente aussi en sein de la FACCO et de la FEDIAF. Cette société s’impose dans les écoles vétérinaires, en finançant des cours et des activités étudiantes. Royal Canin est aussi majoritairement présent auprès des éleveurs, qui naturellement conseillent à leurs acheteurs de poursuivre l’alimentation de leur animal avec des croquettes de la marque. L’on retrouve aussi des croquettes Royal Canin chez quasiment tous les vétérinaires. Il s’agit là pour la marque de s’imposer, et d’imposer ses vues, sur la nutrition animale.

 

Les alternatives

Face à ces géants de l’industrie et leurs croquettes, des alternatives existent. Dès les années 80, certains vétérinaires et propriétaires de chiens ont commencé à réfléchir à une autre alimentation pour leur compagnon à quatre pattes, notamment le Dr Billinghurst. Ce vétérinaire australien, après moult recherches, a émis l’hypothèse selon laquelle les chiens devraient se nourrir, à l’instar de leurs ancêtres les loups, de viande crue et d’os charnus. Ainsi est né le BARFBiologically Appropriate Raw Food.

Comme l’indique son nom, ce régime alimentaire consiste à nourrir son animal avec du cru, en priorité de la viande, mais aussi des os et des abats, dans le but de recréer une proie. Il existe au sein de cette mouvance une multitude de variante, avec des préconisations différentes. Si au départ le Dr Billinghurst conseille aussi de fournir à l’animal des légumes cuits à l’état de purée, ce régime se rapproche de celui des chiens sauvages et de leurs cousins les loups. Il est cependant  vivement conseiller de s’assurer des apports suffisants en nutriments avec l’adjonction de compléments alimentaires pour éviter toutes carences. D’autres, comme le Dr Lonsdale, prônent un cru complet et total, y compris pour les quelques légumes qu’il conseille, mais en faible quantité. On parle alors de Raw Feeding. Certains vont même encore plus loin, avec ce qu’on appelle le Prey Model. Ce dernier, une version « jusqu’au-boutiste » des deux autres ne donne à l’animal que de la viande, des os, des abats et parfois du poisson. Exit donc les légumes ainsi que les féculents, de même que les compléments alimentaires. Selon les partisans du Prey Model, tout ce dont le chien a besoin doit se trouver dans sa gamelle crue.

Un dernier modèle tend à revenir en force ces derniers temps, il s’agit de la bonne vieille ration ménagère. Attention, il ne s’agit pas de donner à son chien les restes des repas du foyer. Non, le chien n’est pas la poubelle de table de la maison ; il s’agit de constituer sa portion, comme on le ferait pour un autre membre de la famille, mais en respectant quelques règles simples, comme par exemple : pas d’assaisonnement. La vétérinaire Dr Ariane Garber est la défenseuse de cette méthode où elle prône, contrairement à ses confrères du Raw Feeding, que les aliments soient cuits. Un tiers de produits carnés (viande, œufs, poisson, fromage…etc.), un tiers de légumes et fruits, un tiers de féculents, et surtout pas d’os! Les os semblent être un sujet qui divise profondément. Les partisans du BARF, comme la vétérinaire autrichienne Jutta Ziegler, et du Raw Feeding préconisent d’en donner, mais charnus. C’est-à-dire entourés de chair, et surtout non cuits. Le Dr Garber, quant à elle, déconseille purement et simplement de donner des os à son chien en raison de la dangerosité de ces derniers. Néanmoins, la ration ménagère doit être complétée selon elle par des compléments alimentaires issus de la phytothérapie, comme ceux qu’elle propose dans sa propre gamme, vendue sur son site internet.  L’autrichienne Ziegler propose elle aussi tout une gamme de produits, BARF cette fois, disponible à l’achat sur son site.

 

Décidemment, il semble vraiment compliqué de trouver un avis qui serait libre de tout parti pris sur le sujet tant le secteur de l’alimentation animal est vendeur. Tous s’accordent sur un point : il ne faut pas croiser les régimes ! Visiblement, rien ne serait plus néfaste selon tous ces experts que de donner à la fois des croquettes, et des plats préparés par vos soins, crus ou cuits. Les propriétaires d’animaux, songeant au bien-être de leur cher Médor doivent s’en remettre à leur bonne étoile afin de choisir une alimentation qui selon eux conviendrait le mieux à leur animal chéri.

Et comme le dit l’adage populaire, il ne leur manque décidément que la parole : ainsi les principaux concernés pourraient faire entendre leurs voix et leurs envies sur le contenu de leur gamelle.

 

Pour aller plus loin :

 

 

– Le site Internet de Jérémy Anso, docteur en Sciences : Dur à avaler

 

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