Various Artists

Morceaux Choisis

- temps de lecture approximatif de 14 minutes 14 min - Modifié le 22/11/2023 par pj

Qu'est-ce qu'une compilation ? Si la nature d'un best of ou d'un greatest hits est avant tout mercantile, quels sont les aspects artistiques d'une bonne compilation ? Mini panorama de quelques disques remarquablement édités par des labels passionnants et passionnés.

Pour aboutir à une proposition inédite et parfois hors-normes, il faut creuser là où d’autres n’ont pas encore pensé à le faire. Exhumer des morceaux rares et oubliés et dont la distribution confidentielle est passée inaperçue.

C’est ce que réussissent à faire depuis déjà quelques années les labels Bureau B, Minimal Wave et Soul jazz par exemple.

Permettre et encourager la redécouverte et la relecture de formes oubliées ou occultées et retracer les origines d’une forme actuelle – car une compilation peut aussi jouer à plein ce rôle de capsule temporelle, où l’espace d’un disque et de quelques morceaux, le style et l’esprit d’une époque ou d’un lieu renaissent.

Et même sans dimension véritablement autre que musicale, on peut néanmoins identifier divers aspects esthétiques, historiques et sociologiques grâce à ce travail de collecte et de sélection.

Comme dans un puzzle, la vue d’ensemble ne nécessite pas que tous les détails soient parfaits. Des titres plus faibles sont rehaussés par la cohérence de l’ensemble ou par une forme d’hétérogénéité qui révèle leur intérêt.

Quoi qu’il en soit, la conception d’une compilation de qualité requiert un travail éditorial exigeant et pertinent. Voici une sélection de disques produits au XXIe siècle par des labels audacieux.

Aux confins d’une avant-garde dansante et post-punk…


Très largement rétrospectif, le travail de Soul Jazz Records mériterait un article à lui seul.

Le catalogue du label anglais regorge en effet depuis sa création en 1999, de compilations qui font date, tous genres confondus. Une référence en la matière.

Le titre évocateur de la compilation In the Beginning There Was Rhythm, éditée en 2001, ouvre idéalement cette sélection.

On trouve en effet sur ce disque une collection de groupes historiques qui parmi les premiers ont opéré une synthèse avant-gardiste de post punk et de rythmes funkoïdes.

On retrouve ces aspects punk funk sur Do It Yourself (2007), cette fois sous l’angle exclusif de l’autoproduction et de ses premiers instigateurs.

Et de manière plus expressive encore sur le premier des trois volumes de l’anthologie New York Noise sous-titré Dance Music From The New York Underground 1978-1982 et consacré à la vaste scène no wave de Big Apple.

Dans ces trois compilations exemplaires, le travail de contextualisation accompagne à chaque fois l’ensemble sous la forme d’un copieux livret ou de notes de pochettes éclairantes.

Pour les plus gourmands, signalons aussi les quatre volumes de Deutsche Elektronische Musik – experimental german rock and electronic musik couvrant la période 1971-1983.


S’inspirant peut-être de son ancêtre Machines édité en 1980 par Virgin et réunissant déjà des titres uniquement reliés par cette hybridation humano-machinique, Le Son du Maquis publie en 2009, 2010 et 2011, trois remarquables compilations intitulées A Man & A Machine.

Outre l’allusion assez évidente aux fab four de Düsseldorf aka Kraftwerk, le label réunit sur ces trois volumes, des morceaux dont le dénominateur commun est l’intime connexion de l’humain avec les machines, à l’intérieur d’une esthétique post-punk.  

Naviguant entre la chaud et le froid, la synth-pop, la musique Industrielle et l’EBM, les trois volets de cette anthologie font donc la part belle à la redécouverte de titres emblématiques de la période et de classiques oubliés, chaque titre étant présenté en quelques lignes à l’intérieur d’un livret.  

Le disque Berlin 61/89 : wall of sound paru en 2009, présente un autre aspect du travail de compilateur : proposer une bande sonore éloquente, historique et symbolique, dont le décor unique est dans ce cas précis le mur de Berlin.


Spécialiste de la réédition du rock allemand, le label Bureau B créé en 2005 à Hambourg comme une subdivision de Tapete Records, s’illustre particulièrement pour son travail remarquable dans la réalisation de passionnantes compilations.

Sur Sowas Von Egal – German synth wave underground 1980​-​1985 et Sowas Von Egal 2 – German synth wave 1981-1984 sont rassemblés des groupes pratiquement inconnus, qui pour la plupart n’ont réalisés qu’un ou deux 45 tours pressés parfois à quelques centaines voire dizaines d’exemplaires.

Tandis qu’en 2017, Sammlung – elektronische kassettenmusik, Düsseldorf 1982-1989 et Magnetband – Experimenteller Elektronik-Underground DDR 1984-1989, rassemblent des morceaux publiés uniquement sur cassette, en Allemagne, à l’est et à l’ouest, au début des années 80.

Plus récemment le label récidive coup sur coup avec Eins und zwei und drei und vier – deutsche experimentelle pop-musik 1980-86 et Silberland, vol. 1 – the psychedelic side of Kosmiche musik, 1972-1986. Ces références ont chacune été suivie d’un second volet : Eins und Zwei und Drei und Vier Vol 2 – 1978-1987 et Silberland Vol 2 – the driving side of kosmische musik 1974​-​1984.

Cette vision panoramique de l’underground allemand, punk et proto électro, constitue le parfait complément aux rééditions du catalogue Bureau B et de son esthétique générale entre musiques électroniques et krautrock.


Les genevois de ce label franc-tireur créé en 2015 se sont illustrés eux aussi dans l’exercice délicat de la compilation ultime.

Grâce à ces trois séduisantes compilations au milieu d’un catalogue bigarré, le label Bongo Joe s’est discrètement et sûrement installé dans ce registre .

En 2018, La Contra Ola – synth wave & post punk from Spain 1980​-​86 ouvre une première brèche alléchante en s’attaquant à quelques-uns des groupes new wave espagnols du début des années 80.

Soit l’un des secrets les mieux gardés de la Movida.

Avec Intenta – experimental & electronic music from Switzerland 1981​-​93 (2020) c’est l’oblique et quasi inconnue scène suisse expérimentale d’une décennie qui se trouve à son tour honorée.

Enfin La Ola Interior – spanish ambient & acid exoticism 1983​-​1990 sortie en 2021 retourne en Espagne et délivre un voyage plus solaire et tout aussi kaléidoscopique en vingt titres électro, sous le signe d’une langueur énigmatique post movida. Vivement la suite !


Créé et animé par la DJ Veronica Vasicka, le label de Brooklyn Minimal Wave s’attache depuis sa création en 2005 à la réédition de disques épuisés et introuvables.

C’est donc logiquement que les toutes premières références sont des compilations de titres rares.

The Lost Tapes, The Found Tapes suivies par The Hidden Tapes – a compilation of minimal wave from around the world 1979-1985 – regroupent des morceaux présents seulement sur des cassettes venues… d’un peu partout dans le monde.

Comme son nom l’indique, on trouve sur Minimal Wave et de façon exclusive des éditions dédiées à cette forme musicale.

Le diptyque que constitue par ailleurs The Minimal Wave Tapes – Volume 1 / The Minimal Wave Tapes – Volume 2 ajoute définitivement cette dimension de manifeste que semble incarner la label new-yorkais pour la vague minimale.


Depuis l’origine, ce label anglais n’a pas failli à sa réputation de spécialiste pointu de l’édition de compilation.

En 2008 Disco Not Disco donne le ton via une sélection implacable de new wave mutante et de disco déviant.

En 2019 le label londonien récidive avec une suite consacrée cette fois au dancefloor underground new-yorkais circa 1980.

Les deux compilations Metal Dance 1 & 2 éditées en 2012 et 2013 réaffirment l’optique dancefloor en durcissant un peu le ton.

Cette fois l’ambiance est nettement plus froide via des artistes des scènes EBM et proto électro.

On retrouve une dimension plus expérimentale sur Mutazione – italian electronic & new wave underground 1980-1988 et JD Twitch presents Kreaturen Der Nacht – deutsche post-punk subkultur 1980-1985, dédiées respectivement à la musique électronique italienne des années 80 et aux artistes cultes de la scène punk allemande.

Une fois encore ces compilations, énigmatiques de prime abord, démontrent bien les intentions singulières et l’audace de ce type de labels.


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