Le mot du mois : Méga-bassines

- temps de lecture approximatif de 4 minutes 4 min - par Pseudo

Depuis quelques semaines, nous suivons l’actualité des « méga-bassines » à travers l'épisode contestataire de Sainte Soline (Deux-Sèvres). L’occasion pour certains de découvrir un mot, une infrastructure et surtout, l’existence d’un problème au parfum de tensions sociales.

cop. Pixabay

L’été dernier, le terme de « mégafeux » est devenu familier aux oreilles de nombreux français et européens, qui assistaient à une épidémie d’incendies incontrôlables consumant des millions d’hectares de biodiversité.

Mégafeux et méga-bassines connaissent un dénominateur commun : la sécheresse.

A la suite de cette année 2022 historiquement sèche, les méga-bassines sont le symbole des enjeux liés au manque d’eau, qu’elles rendent palpables par leur simple existence : privatisation, exploitation, gâchis de la ressource.

Leur fonctionnement, basé sur un principe de pompage des nappes phréatiques et cours d’eau réalisé l’hiver et pendant deux mois apparaît aujourd’hui comme particulièrement absurde et nocif.

Ce pompage amenuise les nappes phréatiques et les cours d’eau déjà fortement affectés par la sécheresse et accélère ainsi la dégradation de la biodiversité et des écosystèmes (poissons, insectes, mammifères et flore) qui dépendent de la vivacité de ces zones aquatiques.

L’eau stockée dans les immenses bassins devient stagnante et s’évapore. Ce « bassinage » provoque in fine le gâchis d’une ressource déjà rare.  

Au-delà de ces aberrations écologiques, les méga-bassines concentrent des enjeux fortement sociaux dans le domaine de l’agriculture, divisant les exploitants. Elles privilégient la privatisation et le court-terme en matière de ressources, tout en favorisant les inégalités.

Ce « méga-dispositif » profite essentiellement à des exploitants agricoles de grande envergure, qui ont la capacité financière d’y adhérer. Un mécanisme qui laisse donc de côté les petits agriculteurs dont les exploitations de maraîchage peuvent être plus vertueuses à la consommation.

Les méga-bassines et les tensions qu’elles suscitent aujourd’hui autour des installations comme Sainte Soline, posent une question écologique, politique et philosophique : celle de l’accaparement d’un bien naturel et de la financiarisation de l’eau.

Nous pouvons facilement oser la prospective : L’eau comme bien commun, à protéger et partager sera un enjeu géopolitique majeur des prochaines décennies.

Le documentaire-enquête de Jérôme Fritel, Main basse sur l’eau, (France, 2018, 1h30mn) explore notamment la question de la financiarisation de l’eau : une ressource qui se transforme doucement mais sûrement en objet de spéculation des marchés dans le monde, au profit des grands groupes financiers.

Alors… : Pourquoi a-t-on cru que l’eau coulerait toujours du robinet ?

A lire, à voir, à écouter

Géopolitique de l’eau : l'”or bleu” et ses enjeux, entre prospectives, crises et tensions / Pascal Le Pautremat, éd. L’esprit du temps, 2020

Les politiques de l’eau / Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, éd. LGDJ, 2019

De l’eau pour tous ! / Gérard Payen, éd Armand Colin, 2013

Pouvoirs et environnement : entre confiance et défiance, XVe-XXIe siècle / sous la direction de Laurent Coumel, Raphaël Morera et Alexis Vrignon, 2018

Barrages : l’eau sous haute tension [D.V.D.] / réal. et écriture de Nicolas Ubelmann, 2020

« Les cartes en mouvement » (France Culture, émission du 25 mars 2023 avec Delphine Papin). Les mégabassines : Tout comprendre sur le partage de l’eau en une carte.

Les grands principes et les lois de la gestion de l’eau en France depuis 1960 (Site du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Ministère de la Transition énergétique).

La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (promulguée en 2016)

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