Contre les printemps silencieux, des livres et des solutions

Quelques parutions représentatives des réflexions récentes autour de la question centrale de la transition écologique.

- temps de lecture approximatif de 6 minutes 6 min - par SAMI

Voici une petite sélection dans laquelle on s’apercevra que la planification écologique mal pensée ne suffira ni à faire baisser rapidement les températures ni à éviter le creusement des inégalités...mais qu'en revanche penser un monde décarboné et moins bétonné, pour revivre au plus près de nos territoires pourrait nous faire dévier d'une trajectoire inquiétante...Evidemment pour affronter un avenir que l'on nous dit tout tracé, il est vivement conseillé d’avoir un " sensei "de l’écologie dans sa poche. Bonnes lectures !

 

 

 

Comment bifurquer : les principes de la planification écologique de Cédric Durand et Razmig Keucheyan, ed. Zones

 

 

Cet essai dense mais passionnant a le mérite de faire tout à la fois une histoire politique et économique du terme de planification et de développer dans le détail, un scénario qui allie respect des écosystèmes (dont nous dépendront toujours !) et justice sociale. En effet la planification écologique telle que pensée actuellement (dans un système productiviste donc !) ne peut fonctionner si elle ne considère pas les limites planétaires et les besoins réels.. Pour nos deux auteurs, ce qu’il s’agit de planifier aujourd’hui c’est la décroissance. Bien que le terme soit souvent brocardé par les tenants de l’économie de marché, nous ne pouvons bifurquer sans décroitre. Ainsi nous sommes encouragés à nous poser une question à laquelle nous serons de plus en plus nombreux à être confrontés : “quels besoins puis-je satisfaire avec les ressources limitées dont je dispose ?”. Livrant plus qu’un constat inquiétant, les auteurs poursuivent leur essai en nous montrant un autre chemin : gouverner par les besoins, mais aussi développer dès maintenant plus d’instances délibératives pour éviter les critiques autour d’un quelconque autoritarisme écologique.

 

 

 

Et aussi : la transition énergétique est-elle une illusion ? Sans transition : une nouvelle histoire de l’énergie / Jean-Baptiste Fressoz

No carbon : apprivoiser nos contraintes pour garantir notre avenir de Fanny Parise, ed. Payot

Dans cet ouvrage audacieux, l’autrice fait le pari que la force d’une notion ethnologique aussi centrale que celle de tabou pourrait nous aider à construire un nouvel imaginaire, et à l’instar d’un interdit comme celui de l’inceste, nous contraindre à penser un nouvel ordre du monde. Après son anthropologie du mythe du capitalisme responsable, “Les enfants gâtés”, Fanny Parise, pointe ici les incohérences et les dissonances cognitives omniprésentes dans nos sociétés (au niveau individuel comme à l’échelle des états et des organisations politiques) avant de proposer une nouvelle contrainte universelle : le tabou carbonique ! Une réflexion novatrice et osée mais aussi une vraie démonstration de ce que pourrait être un monde dans lequel nous aurions “switché”…Pas en mode A.I. mais en mode intelligence collective !

Et aussi : Carbone partout, justice nulle part ! Peut-on encore manger des bananes ? : l’empreinte carbone de tout / Mike Berners-Lee

Accumuler du béton, tracer des routes : une histoire environnementale des grandes infrastructures de Nelo Magalhães, ed. La Fabrique

 

 

 

Le béton pèse lourd. Economiquement et environnementalement. Dans cet ouvrage, l’auteur revient sur le poids de cet ” extractivisme ordinaire qui n’implique pas de rapports impérialistes, pas de violence physique, ni de multinationales“. Un extractivisme qui s’est amplifié de façon considérable depuis les années 50, incarné par les grandes infrastructures autoroutières, synonyme encore aujourd’hui de liberté et de patrimoine. Pourtant comme le démontre ce doctorant en mathématiques et en économie, cette bétonisation de l’espace engendre non seulement un flux de matière colossal, mais a également produit, depuis plus d’un demi-siècle, un aménagement du territoire marqué par des inégalités flagrantes.

 

 

Et aussi : l’extractivisme sans limites ? Le mensonge Total : enquête sur un criminel climatique / Mickaël Correia

Réhabiter le monde : pour une politique des biorégions d’ Agnès Sinaï, ed.Seuil

 Le biorégionalisme est un concept qui a vu le jour dans les années 70, en Californie. Porté par des environnementalistes (Gary Snyder, Kirkpatrick Sale, Peter Berg) observant alors l’artificialisation de leur région (avec Los Angeles en tête), le bioregionalisme invite l’humain à se repenser dans son habitat. En l’occurrence, un bassin-versant qui est un territoire spécifique, apportant des ressources spécifiques ! Agnès Sinaï nous convie à découvrir cette pensée à la lisière entre géographie et politique. Alors que la question de la sécurité alimentaire se pose de plus en plus fréquemment, l’autrice incarne son propos dans un exercice prospectif, imaginant une région Ile-de-France en 2050 qui serait organisée en respectant l’équilibre entre villes et subsistance, et repensant les réseaux d’eau et d’alimentation à une échelle…humaine.

 

Et aussi : pour un monde de bassins-versants ! L’art d’habiter la Terre : la vision biorégionale / Kirkpatrick Sale

Tanaka Shozo : un bœuf dans la tempête, ed. Wildproject

Trouver des maitres à penser de l’écologie dans un Japon ” très Kurosawa ” ? Au delà des clichés, Kenneth Strong dresse la biographie de ce Tanaka Shozo, “excentrique en guenilles et solitaire” qui a passé sa vie vent-debout contre l’industrialisation soudaine menée par l’empereur Meiji. Un récit qui nous conduit au bord de la rivière Watarse, progressivement polluée par l’activité des mines de cuivre, jusqu’à la Diète nationale (le parlement japonais) où Tanaka Shozo prit la défense de milliers d’agriculteurs. Poète-parlementaire, moine errant “venu” en ville pour militer jusqu’à son dernier souffle contre l’extractivisme, un véritable sensei on vous dit !

 

Et enfin, un autre écologiste japonais à découvrir : comment la nature fait science : entretiens, souvenirs et intuitions / Imanishi Kinji

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