La sélection musicale de l’été 2022
Publié le 25/07/2022 à 09:00 - 15 min - Modifié le 10/08/2022 par Juliette A
Nous vous avons concocté collectivement une sélection de livres parus récemment, à emporter dans vos valises pour agrémenter votre été ! Du classique au rock, de la bande dessinée à la biographie, tous les styles sont représentés.
1 – Mythology, une contre-histoire des Beatles – Ersin Leibowitch (éd. Hors Collection)
Dans Mythology Ersin Leibowitch tente de démythifier les Beatles. Soyons honnête. Il n’y parvient pas. Certes les quatre de Liverpool sont des humains, animés des mêmes besoins, désirs, croyances, failles et autres subjectivités que tout un chacun. Soit l’appât du gain, de sexe et de reconnaissance. Certes les Beatles ont quelques fois franchi des règles établies. Mais ces quatre-là ont tellement marqué l’époque. Et ils sont tellement attachés aux superlatifs et records en tous genres. Qu’il est difficile d’y arriver. L’auteur avait sans doute compris cela en donnant un tel titre à son ouvrage. Néanmoins Mythology se lit facilement, les chapitres sont courts. Et l’ouvrage foisonne d’informations en tous genres. On voit que l’auteur est avant tout un fan qui tente d’apporter un regard diffèrent sur ces héros de la British Music Industry. Cela fonctionne et en fait le parfait livre d’été que l’on traine de chaises longues en hamacs.
2 – Remèdes Musicaux – Michka Assayas, Benoît Duteurtre, Alexandre Fillon (éd. Buchet-Chastel)
Quoi de mieux que la musique pour soigner tous les maux ? Attention, il ne s’agit pas ici de musicothérapie ou d’approche scientifique, mais d’une sélection légère et amusante de musiques qui font du bien.
Présenté comme un dictionnaire de maux, ce livre vous propose de drôles d’ordonnances permettant de répondre à tous les affres du quotidien : manque de motivation, se réconcilier après une dispute, spleen du dimanche soir, gueule de bois ou chagrin d’amour. Sous des faux airs de farce, les trois auteurs nous livrent tout simplement une discographie des plus agréables, et confirment le fait que la musique a bien un effet bénéfique sur le cerveau.
Alors pour votre départ en vacances, nous vous prescrivons :
- Dès que le besoin s’en fait sentir : L’« Air du froid » du King Arthur de Purcell pour supporter la canicule, magnifiquement interprété par Klaus Nomi
- Au début et à la fin de vos vacances : Les 16 plages du deuxième album de Penguin Cafe Orchestra, qui vous permettra de rêvasser et de lutter contre l’impatience quand vous serez coincé dans les embouteillages.
- Après avoir mangé une huître moyennement fraiche, un air d’opéra est recommandé pour lutter contre l’indigestion, préconisation suivie par Voltaire qui affirmait « n’aller à l’opéra que pour digérer ».
- Selon votre destination, vous aurez peut-être aussi besoin de survivre aux parisiens, et pour cela rien de tel que Jeanne Cherhal et son titre « Fausse parisienne »
- Vous êtes trop fêtard ? “Vers le bleu” de Dominique A devrait vous permettre de retrouver la lumière et de vous reposer un peu.
- Enfin, et on ne vous le souhaite pas, en cas d’annulation de vacances, “Les Ailes d’un ange” de Robert Charlebois vous feront voyager au Canada même si votre vol a été annulé.
3- Underground – Arnaud le Gouëfflec et Nicolas Moog (éd. Glénat)
Underground, la Bd écrite par Arnaud Le Gouëfflec et dessinée par Nicolas Moog, est sous-titrée Grandes Prêtresses du Son et Rockers Maudits. En 36 portraits (certains déjà publiés dans La Revue dessinée), le duo remet sur le devant de la scène des artistes dont la popularité n’égale pas l’influence qu’ils ont pu avoir sur ceux qui leur ont succédé.
Derrière la couverture hommage à la pochette foisonnante du Sergent Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles, on part à la découverte de ces hommes, ces femmes, ces groupes (et quelques mouvements comme le dub ou le krautrock), pas connus du grand public et dont les oeuvres ont bouleversé l’histoire de la musique.
Les deux auteurs sont eux-mêmes musiciens et cela se ressent dans le respect infini qu’ils semblent avoir pour les artistes qu’ils présentent : Moondog, Jonathan Richman, Colette Magny, Lydia Lunch, Daniel Johnston, Billy Childish, Raymond Scott,… En quelques pages par portrait, le scénariste Arnaud Le Gouëfflec leur rend un hommage passionné et très documenté entre traumatismes fondateurs (maltraitance, accident, maladie mentale, racisme…) et anecdotes plus légères. Dans un magnifique noir et blanc charbonneux, le dessinateur autodidacte Nicolas Moog illustre ces parcours chaotiques entre reproductions fidèles et cases influencées par les comics.
Vivement un deuxième volume…
4 – Cultiver l’émotion : entretiens / William Christie (éd. Actes Sud)
Ce court livre d’entretiens avec le chef d’orchestre William Christie jette un éclairage passionnant sur le parcours d’un artiste. Il est surtout le témoignage d’un acteur essentiel du renouveau de la musique baroque, entamé à la fin des années 60.
Minutieuse et informée, l’approche de Christie a rouvert la question du rapport entre langue et musique. Le chef américain, devenu français en 1995, se confie sur cette recherche de l’harmonie des sonorités. Retrouver les chemins d’une expression réciproque des voix et des instruments, propre à faire naître l’émotion de l’écoute.
Pour mettre en œuvre ce toilettage amoureux du baroque français, Christie fonde en 1979 son ensemble, Les Arts Florissants. Il aborde l’opéra de Rameau ou les motets de Charpentier avec l’oreille de celui qui a appris le français dans la littérature et traités musicaux du Grand Siècle.
Rendre cette langue dans la musique impliquait alors de tout interroger des pratiques en cours. Etude de la prononciation, des techniques de chant, choix des instruments… Et bien sûr, restitution la plus originale possible des partitions anciennes, jusqu’ici coulées au forceps dans le moule des orchestres modernes.
On suit les péripéties, anecdotes et choix déterminants dans cette entreprise de résurrection musicale. Christie se révèle par touches musicologue, historien, linguiste… et surtout esthète. Sa sensibilité picturale, architecturale, gastronomique… alimente son répertoire sensoriel. On comprend comme sa patte musicale se nourrit d’un monde entier, d’un passé qu’il habite avec une gourmandise de pionnier.
Peut-être fallait-il un alien pour souffler sur un répertoire momifié par deux siècles de romantisme, un vent de fraîcheur, une érudition neuve. Et nous faire découvrir cette musique, au plus près du monde où elle vécut.
5 – Requiem pour un keupon – Rémi Pépin (éd. Castor Astral)
Ce docu-fiction est sorti dans la collection « A day in the life » qui à partir d’une date précise de l’histoire du rock décrit tout le contexte musico-social autour de cet événement. Rémi Pépin (graphiste, critique rock et ex-bassiste de Guernica) a choisi Le 11 novembre 1989, jour où Bérurier Noir fait Seppuku à l’Olympia.
L’histoire commence douze ans avant, un soir de septembre 1977 où son héros Bruno, 15 ans se prend la claque de sa vie pour son premier concert des Clash. Et à travers ce récit on comprend comment il devient punk à Paris, comment du jour au lendemain on balance tous ses disques et ses fringues d’alors pour, par la suite, côtoyer de nouvelles idoles. Sex Pistols, Clash, Damned et Dead Boys d’abord puis les premiers groupes punks français : Asphalte Jungle, Stincky toys, Métal urbain.
On vit de l’intérieur comment passer d’une première vague No future et donc sans lendemain au phénomène très français d’une deuxième vague plus éclectique et plus politique, ce qu’on a nommé le « rock alternatif ». Le groupe mythique de cette frange française du punk se nomme Bérurier noir qui se s’aborde en plein succès, ce fameux 11 novembre 1989 après 3 Olympia à guichets fermés. Une décennie de furie dans laquelle on croise tous les lieux et personnages punk de la capitale.
Comme tout bon livre de rock qui se respecte celui-ci se termine sur une belle playlist.
6 – Le Sexe de la Musique – Étienne Liebig (éd. La Musardine)
Etienne Liebig est musicien et musicothérapeute. Dans cet essai il explore les rapports entre sexualité et musique.
L’ouvrage s’articule autour de trois axes : une première partie aborde la physiologie et la psychologie de la musique et du sexe (rôle des hormones et des pouvoirs du cerveau magicien).
La seconde partie, fort intéressante, est historique et anthropologique et décrit de façon transculturelle les passerelles et connivences entre sexe et musique (quelques paragraphes réjouissants et édifiants sur la chanson paillarde, où l’on apprend que le Roi Dagobert ne mettait pas que sa culotte à l’envers).
Puis, plus sérieusement, l’auteur explore les représentations artistiques pointant les rapports entre sexe et musique, corrélations dans la peinture, le cinéma, la danse …
Facile d’accès, rédigé sur un ton ludique – mais pas lubrique – qui n’exclut pas un certain sérieux de l’exposé, ce documentaire instructif s’adresse sans complexes aux mélomanes de tous bords. Quoique parfois aimablement fourre-tout, voire un peu tiré par les poils, il interpellera néanmoins et très certainement un large public, qui, l’été, bien sûr ne pense qu’à ça (la musique).
Et puis ça change de l’incontournable numéro « cul » estival des Inrocks.
7 – Ladies First – Sylvain Bertot (éd. Le Mot et le Reste)
Cette anthologie réalisée par Sylvain Bertot rassemble les chroniques de 100 disques de rap au féminin. Elles sont précédées d’un essai nécessaire et éclairé sur la place des femmes dans le hip hop, et leur parcours vers le succès et la reconnaissance.
On en connaît certaines, incontournables, comme Lauryn Hill ou Missy Elliott, mais surtout on en découvre de nombreuses.
Certes, les femmes sont depuis toujours bien présentes dans le rap. Mais de quelle manière… Indirectement, à travers des paroles ridiculement misogynes, ou dans les clips vidéos, avec des rôles de faire-valoir. Sur le terrain discographique, elles sont plus rares, mais loin d’être absentes. On apprend que beaucoup ont œuvré dans l’ombre : de la sœur de DJ Kool Herc prénommée Cindy et surnommée “la mère du hip hop” à Monica Lynch, qui a présidé le label Tommy Boy, en passant par Sylvia Robinson, et le rôle clé qu’elle a joué dans le développement du hip hop dès la fin des années 1970… L’essai de Sylvain Bertot regorge de petites histoires qui ont fait la grande et redonne leur juste place aux pionnières dans les coulisses, et surtout au micro avec Salt-N-Pepa, Queen Latifah, Foxy Brown…
Il rend compte également des paradoxes qui jalonnent l’épopée discographique du rap au féminin, entre rappeuses hyper sexualisées, féminisme et empowerment.
Peu à peu les choses ont changé, le statut des rappeuses se normalise dans les années 2000. Espérons que l’industrie ne transformera pas un fameux hashtag en code barre.
Quelques pistes d’écoute étonnantes :
Après NWA (Niggas With Attitude), découvrez les inénarrables BWP (Bytches With Problems) et leur vulgarité rafraîchissante (à vous de juger), le flow de The Lady of Rage, la rappeuse Shawnna de Chicago…
Une interview de l’auteur Sylvain Bertot dans Backpackerz
8 – La disparition de Karen Carpenter – Clovis Goux (Actes Sud)
« La disparition de Karen Carpenter », écrit par le journaliste indépendant Clovis Goux, n’est pas une énième hagiographie musicale. Encore moins un autel à la gloire d’une Rockstar millionnaire dont on célèbre les frasques et le parcours en étoile filante. A rebours, ce court récit est autant (voir plus) une autopsie de l’Amérique des années 1970 que l’histoire, si singulière des Carpenters, groupe le plus populaire de la décennie (100 millions de disques vendus) et qui en composa la bande-son.
Dès le début des années 1970 ils connurent un succès fulgurant. Les arrangements sucrés de Richard Carpenter et la voix céleste de sa sœur Karen (une des plus grandes chanteuses de l’histoire selon McCartney) leur garantirent une place de choix dans les salons de chaque foyer (ou presque) du pays. Romantique et conservatrice, leur musique pop incarne un retour à l’ordre après les « protest-songs » et les expérimentations du rock psychédélique de la fin des années 1960. Leur fricotage avec l’Establishment passera même par un adoubement de Nixon et une invitation à se produire à la Maison Blanche (1973)
Mais le vernis s’effrite rapidement et Karen Carpenter, star d’une Amérique en crise, tombe dans l’anorexie devant les caméras et projecteurs du monde entier. Les kilos défilent de pages en pages et une aura morbide plane sur les morceaux pourtant si lumineux du groupe. Elle disparait subitement en février 1983. Tous les démons et névroses des Etats-Unis sont convoqués dans ce livre à multiples entrées. Clovis Goux y dresse avec style et intelligence le portrait malade d’une de ses idoles, tout en documentant brillamment la crise morale et le conformisme qui l’ont consumé.
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One thought on “La sélection musicale de l’été 2022”
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wow que de choix…que de découvertes c’est vertigineux et trop kiffant!!! Merci pour cette longue et superbe playlist pochette surprises!!!