Toy Music
Jouets musicaux, de 7 à 77 ans
Musique pour grands enfants
Publié le 27/05/2024 à 09:00
- 12 min -
Modifié le 04/06/2024
par
Julie
Instruments miniaturisés, colorés et ludiques, les jouets musicaux permettent l'éveil musical des jeunes oreilles, mais pas que ! Adoubés par des artistes d'hier et d'aujourd'hui, certains modèles trouvent toute leur place dans les créations musicales pour adultes.
Introduction
Très tôt dans l’histoire de la musique, des instruments ont été conçus ou adaptés pour le bonheur des enfants : nous pourrions d’ailleurs dédier un article entier à l’histoire du hochet, l’un des plus vieux jouets du monde inventé par un contemporain de Platon, Archytas de Tarente (environs -435 à -347).


Les premiers jouets musicaux ont non seulement une fonction ludique et d’apaisement pour les bébés, mais aussi symbolique : on pense éloigner les esprits avec les crécelles, hochets ou sifflets pendant la Grèce Antique.
C’est à la Renaissance que se développent vraiment les jouets musicaux, une attention nouvelle étant portée à l’enfant dans un contexte de rajeunissement démographique : au départ ce sont plutôt des instruments mécaniques qui ont été adaptés en jouets comme les carillons, clochettes, tambours. On trouve aussi des trompettes ou guitares miniatures.

Au 18ème siècle une œuvre mystérieuse a été dédiée aux jouets : la Symphonie des jouets ou Kindersinfonie. La paternité de cette pièce est encore sujette à débats : tout d’abord attribuée à Léopold Mozart, puis à Franz Joseph Haydn, elle semble avoir été écrite par le père Edmund Angerer depuis la découverte d’un manuscrit signé de sa main dans un couvent du Tyrol. Si cette œuvre a recours aux instruments traditionnels de l’orchestre (violons, violoncelle et contrebasse), elle fait aussi appel à un instrumentarium inhabituel dans la musique savante : différents types d’appeaux, une crécelle-hochet, une trompette-jouet à une note, ou encore un tambour d’enfant.
C’est aussi à la fin de ce siècle que naissent les boîtes à musique, conçues au départ par les maîtres horlogers suisses. Ce petit instrument faisant vibrer des lamelles mécaniques permet de retranscrire fidèlement des airs connus, et est facilement transportable grâce à sa petite taille.

Ces automates musicaux inspireront de nombreux artistes, comme Pierre Bastien et son monumental Mecanium.
Mais c’est au XXe siècle avec l’ère du plastique et de l’électronique qu’a lieu l’explosion des jouets musicaux : dans les années 1980 on trouve une profusion de synthétiseurs miniatures au design coloré et ludique, il n’y a plus de limites à la créativité.

Les jouets musicaux, d’abord pensés comme une déclinaison miniature des instruments pour adultes sont devenus des instruments à part entière, parfois utilisés par des artistes pour leur sonorité atypiques. Nous vous proposons de découvrir quelques modèles marquants : le toy piano, le stylophone, l’otamatone et les synthétiseurs pour enfants des années 1980.
Et si vous souhaitez aller plus loin, le Musée des arts décoratifs a consacré une exposition au jouet musical, “Musique en jouets”, en 2009, dont les collections peuvent être parcourues sur leur catalogue en ligne.
Le Toy piano
Lorsqu’on évoque le toy piano, on pourrait aisément penser à un simple jouet pour enfants. Pourtant, cet instrument miniature possède une histoire riche et une sonorité singulière qui ont captivé l’attention des compositeurs et des musiciens du monde entier.
C’est en 1872 que le jeune Albert Schoenhut, âgé de 17 ans, fils et petit-fils de fabricants de jouets allemands, décide de perpétuer la tradition familiale à Philadelphie. Déterminé à offrir aux enfants des jouets de qualité, Albert Schoenhut innove en concevant des pianos jouets qui se distinguent par leur qualité de fabrication et leur sonorité unique.

Au lieu d’utiliser les lamelles en verre fragiles, couramment utilisées à l’époque, il opte pour des lamelles en métal, offrant ainsi une plus grande robustesse à ses instruments. Ce choix audacieux donne naissance au premier toy piano moderne, doté d’un son rappelant celui d’un vibraphone miniature. En 1935, Schoenhut avait produit plus de 40 styles et tailles de pianos jouets (pianos droits et à queue de toutes formes et tailles).
Le toy piano, malgré son clavier, appartient à la famille des percussions. Son fonctionnement, similaire à celui d’un célesta miniature, implique que les touches du clavier actionnent des marteaux qui viennent frapper les lames métalliques. Contrairement à un piano traditionnel, le toy piano n’a jamais été standardisé en termes de gamme ou de nombre de touches, offrant ainsi une grande liberté aux compositeurs et aux interprètes pour explorer ses possibilités sonores.

La renommée du toy piano s’est accrue au fil des ans, et en 1948, John Cage a eu l’idée d’utiliser cet instrument, autrefois réservé aux enfants, dans sa “Suite for Toy Piano“. D’autres compositeurs ont suivi comme George Crumb, qui a utilisé le toy piano dans son chef-d’œuvre “Ancient Voices of Children” mais aussi Karlheinz Essl, Matthew McConnell… Plus récemment c’est dans dans “Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain“, que le toy piano est mis en avant par Yann Tiersen. Sa sonorité cristalline ajoute une touche de douceur et d’enfance à la célèbre ” Valse d’Amélie », renforçant ainsi l’aspect poétique et nostalgique du film.
En plus de son utilisation dans des compositions sérieuses, le toy piano est également devenu un instrument de choix pour les ensembles spécialisés comme l’Ensemble StaccaToy, qui réunit des pianistes concertistes jouant exclusivement sur des toy pianos. Cette utilisation collective de l’instrument témoigne de sa polyvalence et de son attrait par les musiciens contemporains.
Le Stylophone
A la fin des années 1960, c’est un petit instrument électronique de poche qui fait son apparition, le stylophone. Entre gadget et jouet, l’instrument est volontairement très limité mais offre une approche ludique de la musique électronique : grâce à un stylet attaché à un fil électrique, les touches du clavier produisent une mélodie au son délicieusement nasillard (quand le stylet touche le clavier il ferme le circuit électrique, ce qui permet d’émettre une note).

Le succès commercial est immense, et l’instrument est vendu à des millions d’exemplaires comme un jouet accessible à tous. Il aura plusieurs déclinaisons avec une version 2.0 avec davantage d’options, le Gen-X1, et une version boîte à rythme, le Stylophone Beat.
Moqué au départ pour ses performance musicales limitées, c’est ce son reconnaissable qui va devenir sa marque de fabrique, et dont des artistes vont s’emparer. Utilisé tel quel ou avec des pédales d’effet, il devient l’instrument phare des titres Pocket operator de Kraftwerk, ou encore de Space Oddity de David Bowie.
Les Mini-synthétiseurs
Les claviers avaient déjà séduit les enfants des années 1970 avec les orgues Bontempi, utilisant le même principe que le mélodica. Dans les années 80 c’est le synthétiseur qui se démocratise auprès des petites mains : l’industrie du plastique et de l’électronique offre une multitude infinie de formes, couleurs et sonorités pour la conception de jouets sonores. En forme de clavier, guitares ou instruments à vent, l’imagination des concepteurs est sans limite.
Ces synthétiseurs conçus au départ pour les enfants pouvaient offrir des fonctionnalités assez poussées (voir la vidéo du Muson synthetizer). Certains modèles sont aujourd’hui très recherchés et valent plusieurs centaines d’euros.
On aime particulièrement le groupe français Chapi Chapo qui s’est fait une spécialité de cette recherche de jouets sonores vintage, et qui produit une musique électronique joyeuse aux sons nostalgiques des années 1980. Leur collection de jouets est impressionnante et est visible sur leur site web.
TILT – Chapi Chapo et les petites musiques de pluie (teaser) from L'Armada Productions on Vimeo.
Le circuit bending est une autre pratique musicale dérivée de ces jouets qui consiste à faire une opération à coeur ouvert sur ces synthétiseurs pour les court-circuiter et produire de nouveaux générateurs de sons.
L’Otamatone
L’Otamatone est un instrument de musique électronique japonais développé en 2010 par la société Cube Works en collaboration avec Maywa Denki, un groupe d’artistes composé des frères Masamichi et Nobumichi Tosa. Cet instrument se distingue par sa forme en note de musique, avec un son émergeant d’une « bouche » située sur la tête de note.
Jouer de l’Otamatone, est relativement simple. L’utilisation des deux mains est requise : une main maintient et serre la tête, tandis que l’autre contrôle la hauteur en faisant glisser le doigt le long d’une barre fixée sur la hampe. Une position plus élevée sur la hampe produit un son plus grave.

Pour obtenir un vibrato ou un effet wah-wah, on pince les joues en caoutchouc (ce qui ouvre et ferme la bouche de l’instrument). Mais une oreille attentive est nécessaire, car les positions des notes sur le manche ne sont pas indiquées. Malgré cette simplicité apparente, l’Otamatone permet de créer des mélodies expressives. Son design unique et sa facilité d’utilisation en font un instrument prisé tant par les débutants que par les musiciens expérimentés.
Pour aller plus loin
Quelques disques:
- Musica mechanica : 26 pièces pour instruments mécaniques
- Chuchumuchu : Chapi Chapo et les petites musiques de pluie / Patrice Elegoet
- Collector / Chapi Chapo et les jouets electroniques
- Music for toys : Compilation / Chapi Chapo, Setsuko O, Plamo
Quelques livres:
- Micromusique et ludismes régressifs depuis 2000 / Jacques Amblard & Emmanuelle Aymès
- Automates et instruments de musique mécaniques/ Heinrich Weiss-Stauffacher et Rudolf Bruhin
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