Une sélection subjective en 15 morceaux
Du beau, du bon, du Blues
Publié le 22/12/2016 à 10:36 - 7 min - Modifié le 12/06/2023 par Eric
Le Blues est né de l’esclavage des noirs, dans un lieu et une époque particuliers : le Sud des Etats-Unis à la fin du XIXème siècle. Cette musique permit à une frange de la population américaine d’exprimer souffrance et espoirs. Et son héritage est manifeste dans tous les styles de la musique populaire américaine, qu’ils se nomment jazz, rock’n’roll, soul, funk, disco ou hip hop. Ainsi chacun peut être touché par cette musique simple et expressive. D’ailleurs son écho fut si universel que le Blues imposa ses vertus cathartiques sur tous les continents. Depuis un siècle le Blues a évolué, s’est enrichi, modifié, a été samplé, s’est batardisé, simplifié, blanchi. Et depuis un siècle de nouveaux talents émergent qui reprennent le flambeau pour lui permettre de survivre. Nous vous proposons un parcours chronologique, nécessairement subjectif, dans cette musique "easy to play, but hard to feel", selon Jimi Hendrix.
Robert Johnson : Come in my kitchen (1936)
Une légende du Blues nimbée de tous les mystères qui entourent sa vie et sa mort. De rares enregistrements, une grande dextérité guitaristique et une aura qui perdurent encore de nos jours. Cette chanson fait partie de la première séance d’enregistrement du célèbre bluesman (November 23, 1936 at the Gunter Gunter Hotel in San Antonio, Texas). C’est une des pièces maîtresses du légendaire bluesman. Que dire qui n’ait déjà été dit cent fois, sinon que la magie opère toujours. Ce qui fait du blues une musique intemporelle est déjà présent : simplicité et efficacité, une guitare, une voix et le tour est joué.
T Bone Walker : Stormy Monday (1947)
Walker est un de ceux qui révolutionna le Blues, un des premiers à utiliser une guitare électrique et celui qui renouvela l’utilisation de cet instrument. A ce titre son influence est aussi importante que celle de BB King. Et, de Chuck Berry à Jimi Hendrix, rares furent ceux qui ne lui doivent rien. Véritable showman son jeu de scène inspira aussi de nombreux musiciens après lui.
Howlin’Wolf : Smokestack Ligthning (1956)
Un des morceaux les plus connus d’Howlin Wolf, qui permet d’entendre son hurlement significatif. Véritable bête de scène et force de la nature il jouait de sa présence physique et de sa voix, pour imposer un blues rude, puissant, basique, efficace, entremêlé de gémissements et ponctué de phrases d’harmonica.
Willie Dixon : Nervous – Album : “Willie’s blues” (1959)
Une des figures incontestées du Chicago blues. Il fut d’abord boxeur (sparring partner de Joe louis), puis se reconvertit dans la musique. Il fut contrebassiste, producteur, découvreur de talent, et un prolifique compositeur de classiques. Malgré son imposante carrière, il réalisa peu d’albums sous son nom et si ceux-ci n’égalent pas ses productions pour les autres artistes, elles restent néanmoins dignes d’intérêt. Il est ici accompagné par Memphis Slim, bien connu des français, puisque celui ci s’installa en France au début des années 60 ou il enregistra de nombreux disques, et où il fut honoré du titre de commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres en 1986.
John Lee Hooker : No shoes – Album : “Travelin’” (1960)
Comme le dit Hooker lui même : « Je sais pourquoi la plupart des bluesmen viennent du Mississippi, parce que c’est le pire état des USA”. Originaire également de cet état du Sud, dont il fuit comme beaucoup d’autres la misère, Hooker fut un des bluesmen les plus connus et parmi les plus prolifiques. Sur scène il chante souvent seul, s’accompagnant à la guitare et marquant le rythme avec son pied. Parmi la profusion des chansons qu’il interpréta, ce morceau de 1960, dans lequel il chante la faim et la pitié. Une orchestration minimale pour un effet maximal, batterie guitare et voix, mais celle si particulière de Hooker fait chavirer. “No shoes on my feet, no food on my table”
Jimmy Reed – Bright Lights Big City (1961)
Beaucoup moins connu en France que ses acolytes du Chicago blues, Reed est pourtant celui qui eut le plus de succès public et d’influence sur les autres bluesmen des années 50. Ainsi entre 1953 et 1963 il enchaîne les succès avec des blues teintés de boogie entrecoupés par l’harmonica, et il est le premier noir américain qui classe des chansons dans les charts pop et non plus seulement blues. Mais des problèmes d’alcool et de santé l’empêchent de profiter du Blues revival des années 60, néanmoins son influence demeure encore importante et nombreuses sont les reprises de ses chansons.
JB Lenoir : Alabama Blues – Album : “Alabama blues!” (enregistré en 1965)
Lenoir fut un musicien du Chicago blues connu et reconnu, l’auteur de classiques comme “Mama Talk to your daughter“. Mais au début des années 60, le public noir se tourne de plus en plus vers la Soul music et dans le même temps le Blues commence a être reconnu par le public blanc et les festivals de folk music ouvrent leurs portes aux musiciens noirs. Oubliant saxophone et instrument électrifié, JB Lenoir se reconvertit en bluesman campagnard et en auteur de protest songs. Ainsi il évoque ici l’état du Sud ou les lynchages perdurent. Un des rares blues politiques et contestataires.
Son House : Death letter (1965) – Album : “Delta blues and spirituals“
Un chant puissant, une voix pénétrante accompagnée par un jeu de guitare rageur firent de ce morceau un classique du genre. Au début des années 40 John Lomax enregistra le bluesman lors d’une de ses expéditions ethnomusicologique dans le Sud des USA. Puis, oublié, Son House exerça différents métiers. Lors du Blues revival certains de ses enregistrements originaux devinrent légendaire. Ce qui poussa le guitariste fondateur du groupe Canned heat à partir à sa recherche. Il le retrouva, le poussa à se produire sur scène et à enregistrer à nouveau. La légende dit que ce fut le jeune musicien qui montra aux plus vieux comment réinterpréter ses propres morceaux.
Albert King – Born under a bad sign – Album : “Born under a bad sign” (1966)
Ce disque signe la rencontre du blues et de la soul, mais c’est l’album du renouveau pour Albert King, qui commença comme batteur pour Jimmy Reed. En signant chez Stax le guitariste bénéficia de l’apport de musiciens prestigieux qui donnèrent un écrin plus moderne à son jeu de guitare et à sa voix puissante ce qui lui permit d’accroître sa notoriété. Le titre est un des morceaux les plus représentatifs du King, où la finesse de son jeu de guitare apparait dans toute sa splendeur.
Fleetwood Mac : Need your love so bad (1968)
Avant de devenir une machine à tubes de rock FM, Fleetwood Mac fut un des plus éminents représentants de ce que l’on appela le British blues. Le groupe fut fondé par des ex John Mayall’s Bluesbreakers dont le guitariste Peter Green et Jeremy Spencer. Très influencé par BB King, Green ne chante pas merveilleusement bien mais possède un feeling et un phrasé à la guitare qui permit au groupe de connaitre un immense succès en Angleterre. Car ces jeunes anglais ont parfaitement intégré la musique blues, ce qui leur donne une grande maîtrise d’interprétation et de composition. Malheureusement Green bascula dans la schizophrénie après abus de produits toxiques. Peu après le second guitariste entra dans une secte et le groupe bascula dans le rock et la pop.
Mississippi Fred McDowell : Shake em on down (1972)
Fred McDowell n’avait jamais enregistré quoi que ce soit avant de rencontrer le musicologue John Lomax. Il se contentait d’animer des soirées dansantes après sa journée de travail comme fermier. Mais sa maîtrise du bottleneck (slide), son chant intense et pénétrant lui ouvrirent les portes des festivals Blues des années 60 et lui permirent une reconnaissance tardive mais méritée. Ce n’est qu’en 1964 (à 60 ans) qu’il enregistra un album sous son nom, le bien nommé : “I do not play no Rock’n’roll“.
Muddy Waters : Mannish Boy – Album : “Hard again” (1977)
Les années 70 marquent une mauvaise période pour les grands bluesmen. Durant cette période Muddy Waters sort plusieurs albums assez moyens, dans lesquels il essaie de se diversifier ou de s’adapter au goût du jour, mais sans réel succès. En 1977 Johnny Winter produit et accompagne le maître, et lui permet de retrouver toute sa puissance (et une maison de disques). Accompagné par d’excellents musiciens l’album marque le grand retour de Muddy, et même si certains à l’époque s’insurgèrent du virage rock, Hard again demeure une excellente machine groovy.
RL Burnside – See my jumper hanging on the line (1978)
Dans la grande tradition du Blues, RL Burnside est encore un de ces musiciens reconnus que très tardivement. Il fit lui aussi le voyage du Mississippi vers Chicago, avant de retourner dans le Sud ou il redevint fermier, ne jouant plus que le weekend. Ce n’est qu’à la fin des 60’ qu’il enregistre des chansons. Puis il attendra le début des années 80 et ses 54 ans pour enregistrer un album complet (accompagné par ses fils). Mais c’est sa collaboration avec le Jon Spencer Blues Explosion qui le révèle enfin au public.
Gary Clark Jr : Bright lights – Album : “Blak and Blu” (2012)
Le blues du XXI ème siècle. Clapton qui l’invita lors de son Crossroad festival voit en lui l’avenir du Blues. Clark est à la jonction de toutes les musiques populaires américaines de ces 100 dernières années, il puise à toutes les sources et en fait un Blues puissant et groovy.
Rolling Stones : Hate to see you go – Album : “Blue and lonesome” (2016)
Le groupe anglais s’est d’abord fait connaitre comme groupe de Blues avant de devenir le “plus grand groupe de rock’n’roll du monde“. Cela fait 50 ans que les fans des Stones attendaient cet album. Un disque entièrement composé de reprises des chansons et des Bluesmen qui les ont influencés. Les Stones reprennent Jimmy Reed, Eddie Taylor, Howlin Wolf… à leur sauce et de manière pas si éloignée des originaux. “Hate to see you go” est une reprise de Little Walter.
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