Histoire d'une chanson
Boogie Chillen
John Lee Hooker : King of the Boogie
Publié le 29/01/2024 à 08:42
- 6 min -
Modifié le 12/07/2024
par
Eric
John Lee Hooker commença sa carrière en enregistrant un standard instantané : Boogie Chillen. Un départ en beauté mais aussi le début du long règne du "roi du boogie".
John Lee Hooker (1912-2001) est né dans le Mississippi. Jeune adulte et comme beaucoup d’afro américains de cette époque, il fuit la misère du Sud, file au Nord du pays et il s’installe à Detroit. A son arrivée, son style musical est déjà formé et ne différera que très peu par la suite. Très inspirée du Delta Blues, sa technique instrumentale est assez limitée. Il possède néanmoins un style et un son immédiatement reconnaissables.
Il utilise sa guitare de manière percussive créant un martellement et un bourdonnement proches de la transe. Et s’accompagne de tapements de pieds qu’il accentue en glissant sous sa semelle divers éléments pour augmenter le son (ici des capsules de bouteille). Ce qu’il fera toute sa vie. Ainsi dans le blues ou tout est question d’interprétation et de ressenti, John Lee Hooker est un maitre. Sa musique parait brute, authentique et parfaitement originale, ainsi à l’écoute d’un morceau de Hooker, on ne sait jamais réellement ce qu’il va jouer. Ce qui a d’ailleurs souvent dérouté ses accompagnateurs.
“Boogie Chillen” – John Lee Hooker (1948)
Enregistré en 1948, Boogie Chillen est une chanson assez simple basée sur un riff de guitare répétitif et hypnotique. John Lee Hooker expliqua souvent qu’il avait emprunté le riff à son beau-père, Will Moore. Celui-là même qui lui avait donné sa première guitare et lui avait appris à en jouer. Les paroles évoquent une balade dans la ville de Detroit, à la recherche d’un club de Blues, mélangée à des souvenirs d’enfance. Puis le refrain : Boogie Chillen, qui peut se traduire par “Amusez vous les enfants” ou “Boogiez les enfants !“
“Sally Mae” John Lee HOOKER (1948)
Lors de ce premier enregistrement, John Lee Hooker a 31 ans. Il travaille comme concierge aux usines Ford, mais il joue aussi dans des clubs locaux. Comme son agent Bernard Bersman a réussi à obtenir une séance d’enregistrement dans un petit studio. John Lee Hooker s’achète une guitare acoustique dans chez un pawn shop (prêteur sur gages) sur le chemin du studio, car son épouse a cassé son instrument. Il joue donc sur une guitare acoustique et s’accompagne en tapant du pied pour la rythmique. Il parle autant qu’il chante mais il captive. Ce jour-là Hooker enregistre 4 morceaux, dont deux sont publiés en 78 tours.
“Boogie Chillen” John Lee Hooker, Carlos Santana, Bonnie Raitt, Robert Cray, Ry Cooder…
Pourtant Modern, le label, décide de mettre Boogie Chillen sur la face B du 78 tours. Sur la face A se trouve la chanson Sally Mae. Mais le public en décide autrement. Et la chanson se classe en tête des charts R&B du Billboard. Il s’en vendra des millions d’exemplaires. Mais payé à la séance, Hooker ne touche rien du pactole. Par contre son agent Bernard Bersman auquel il a cédé tous les droits, contre quelques billets et du whiskey devient le co-signataire de la chanson et s’enrichit. Dans le milieu du jazz et du Blues de l’époque c’était une pratique courante. Mais ce premier enregistrement lance néanmoins la carrière de Hooker.
“Boogie Chillen” John Lee HOOKER & The Rolling Stones
Afin de faire fructifier son succès, John Lee Hooker réinterpréta lui-même plusieurs fois cette chanson, seul, sous des pseudos ou avec d’autres musiciens comme avec Canned Heat, avec Eric Clapton, avec les Rolling Stones, Tom Petty,… Hooker changea même le nom de la chanson qui évolua en Boogie Chillun ou encore Boogie Children. La chanson devint un classique et fut souvent reprise : Buddy Guy/Junior Wells, George Thorogood, RL Burnside, Slim Harpo… .
“Boogie Chillen” George THOROGOOD
Mais d’autres musiciens modulèrent aussi Boogie Chillen et son riff pour en faire une “nouvelle chanson originale” sous influence ou en filiation. Certaines versions furent même des succès mais “signées” par d’autres auteurs : Junior Parker “Feelin’ good“, Johnny Rivers “John Lee Hooker“, Canned Heat “On the road again“, Norman Greenbaum “Spirit in the sky“, Dan Auerbach “Every chance I get”, Nick Drake “Know“….
“La Grange” ZZ Top
Il y eut bien quelques procès qui ne tranchèrent jamais sur un plagiat éventuel. Tout au plus indiquèrent-ils que la chanson avait été mal protégée au titre du droit d’auteur par Bernard Bersman. Mais John Lee Hooker n’ayant rien à gagner ne s’en mêla pas. Boogie Chillen fut finalement intronisé au Blues Foundation Hall of Fame en 1985 et inscrite au National Recording Registry des États-Unis de la Bibliothèque du Congrès en 2008.
Johnny Rivers “John Lee Hooker”
Après ce premier succès Hooker composa encore d’autres standards dont : Boom Boom, Tupelo, One bourbon one scotch one beer, I’m in the mood… Et connut longuement gloire et reconnaissance.
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