A deux c'est mieux

Piano à quatre mains

- temps de lecture approximatif de 5 minutes 5 min - Modifié le 29/03/2022 par Civodul

Contrairement au duo de pianos qui implique deux instruments distincts le piano dit "à quatre mains" est une technique où les deux interprètes jouent sur le même instrument. Cet article propose une petite visite guidée chronologique, non exhaustive, limitée à la section "classique" du genre.

4 mains
4 mains Teamwork Concept Image - top View of Piano Keyboard and male and female Hands playing music together four handed

Bien avant le 18ème, époque à laquelle les compositeurs ont commencé à réellement écrire pour quatre mains il n’était pas rare que, pragmatiquement, on recoure à l’adjonction d’une ou deux mains supplémentaires dans les passages exigeants.  Les organes préhensiles des membres supérieurs d’Homo Sapiens ont, il est vrai,  leur limites physiologiques. Et si être quadrumane a bien du présenter un jour quelque avantage,  on ne peut pas avoir Darwin et l’argent du beurre.

 

  • Le principe

88 touches, c’est long (de 145 à 155 cm ). Assis à l’instrument on est très à l’aise et il y a bien de la place pour deux, si l’on veut. Schématiquement le premier instrumentiste joue la partie aigüe, dite “prima”, notée sur deux clés de sol qui fait le plus  souvent entendre le thème principal, le “chant” , tandis que le second, assis donc à gauche du premier,  joue une partie plus grave, dite “seconda”, notée sur deux clés de fa, plutôt consacrée à l’accompagnement et à l’enrichissement de la mélodie principale. Bien sûr il ne s’agit que du canevas de base puisque la notation est susceptible de changer en termes de clés, et le thème se ferait éventuellement un malin plaisir à se balader entre les parties.

 

  • L’intérêt

C’est tout d’abord et du point de vue de l’auditeur, l’enrichissement d’un instrument déjà généreux en combinaisons puisque polyphonique au départ. A quatre mains la combinatoire se démultiplie et fait quasiment accéder au statut d’orchestre miniature, en exagérant à peine.

Convivialité ensuite, du point de vue de l’exécutant  : c’est tellement gratifiant, probablement à tous niveaux de jeu,  du débutant au virtuose, de partager l’interprétation d’un morceau. Plus on est deux fous, plus on rit.  A une époque où la proximité physique n’était pas de mise le rapprochement obligatoire avec la/le partenaire fut-il un facteur favorisant le développement du genre ? Il semble attesté qu’alors la partie grave était traditionnellement dévolue à l’homme et la partie aigüe à la femme (calque sur les tessitures vocales ?  cela se peut).  Et de fait,  en fonction de l’écriture du morceau, les mains sont appelées à se rapprocher, se frôler, voire se chevaucher en jeux de vilains.

intérêt pédagogique : à un niveau amateur, un petit morceau basique, un peu ingrat, voire un tantinet chiant, prend  immédiatement un relief, un intérêt, une profondeur appréciables  dès que deux autres mains complètent et enrichissent la texture sonore.  Grosse plus-value motivante pour l’élève, bon outil pour le professeur. De plus, à un niveau très supérieur, outre la profondeur le jeu à quatre mains permet , à peu de frais, de simplifier et rendre accessibles à l’auditeur des oeuvres complexes.  Au XIXe siècle, quasiment toutes les œuvres orchestrales étaient systématiquement réduites et arrangées pour être jouées à quatre mains. Au XXème siècle, Igor Stravinski a lui-même transcrit pour piano à quatre mains le Sacre du printemps et Petrouchka.

 

  • Le répertoire

En 1777  Charles Burney, plus connu comme musicologue, compose un ensemble de quatre sonates pour piano à quatre mains . On considère généralement que ce sont les premiers 4 mains imprimés.

Mozart  le premier compositeur à s’intéresser sérieusement au genre, qu’il illustre lors de se tournées en joua en duo avec sa soeur Nannerl et à Londres avec Johann Christian Bach, son professeur durant plusieurs mois en 1764 (Mozart avait alors hui ans).

K.497 :

K. 521 :

 

  • Ni Haydn ni Beethoven ne contribuent significativement au développement de ce genre musicalement convivial. Haydn peut-être à cause de son isolement géographique au palais des Esterhazy, Beethoven se trouvant quant à lui muré dans une surdité autarcique.

Puis Schubert vint, champion du quatre mains. Sa fantaisie en sol date de 1810, alors qu’il n’a encore que dix ans. Ländler, rondos, variations, Schubert apparait comme un spécialiste prolixe.  Deux oeuvres d’envergure se dégagent de ce répertoire : le divertissement à la hongroise D 818, inspiré par son élève de dix-huit ans la Comtesse Esterhazy :

et la fantaisie en fa mineur, D 940, dédiée à la Comtesse Caroline :

 

  • Le romantisme suit son cours et peine à s’exprimer, d’une façon générale, dans un style naturellement intime. Schumann, Mendelssohn, Liszt, Chopin ne contribuent guère de manière significative. Quelques exceptions cependant, principalement inspirées du folklore, c’est alors que le quatre mains entre dans la danse.

Les danse norvégiennes d’Edvard Grieg :

 

Les danses hongroises de Brahms :

 

Les danses slaves de Dvorak :

 

  • Dans le milieu du 19èe siècle le quatre mains endosse une nouvelle fonction, conquiert un nouveau public. En démêlant leurs enchevêtrements contrapuntiques et harmoniques  il réduit avec clarté et précision de nombreuses oeuvres pour orchestre complexes. A la fin du 19ème siècle les versions pour piano à deux et quatre mains se vendent paradoxalement mieux que les partitions originales. De nombreux compositeurs, Notamment Brahms,  font, ou font faire par leurs élèves,  leurs propres réductions. Les transcriptions sont alors monnaie courante et donnent lieu à nombre de chef-d’oeuvres .

 

  • Pour ce qui est du répertoire original, la France [cocorico !] est championne en la matière :

En France …

Jeux d’enfants / Georges Bizet :

 

Souvenirs de Munich / Emmanuel Chabrier :

 

En habit de cheval / Erik Satie :

 

Dolly / Gabriel Fauré :

 

Ma mère l’Oye / Maurice Ravel :

 

Sonate pour piano à quatre mains / Poulenc :

Il faut abréger la liste faute de place.

 Mais aussi ailleurs …

Six morceaux, opus 11 / Rachmaninov :

 

12 pièces , op. 66 / Anton Arensky :

 

Pupazetti / Alfredo Casella :

 

Canzonetta / Luciano Berio :

 

Sonatina pour quatre mains /Alfred  Schnittke :

 

Persecuta / Juan Maria Solare :

 

Petite bizarrerie annexe : les instruments à double clavier dits “vis-à-vis” sur lesquels les deux interprètes jouent sur deux claviers d’un même instrument se faisant face.

(Photo : Claude Germain, photographe) – Collections du Musée de la Cité de la Musique – Philharmonie de Paris

 

 

A six mains

Valse et romance / Sergei Rachmaninov :

 

Partitions piano 4 mains empruntables  dans nos collections

 

 

 

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One thought on “Piano à quatre mains”

  1. Ben dit :

    c’est génial

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