Plongée dans les entrailles du piano

A la recherche de l’accord parfait

- temps de lecture approximatif de 5 minutes 5 min - Modifié le 03/09/2021 par Juliette A

Star des instruments, le piano reste néanmoins un instrument aux nombreux secrets : comment est-il fabriqué ? Comment fonctionne-t-il ? Comment atteindre l’accord parfait ? Nous vous expliquons tout !

Image par Peter H de Pixabay
Image par Peter H de Pixabay Image par Peter H de Pixabay

Le piano est un instrument de la famille des cordes frappées qui a aujourd’hui adopté deux formes définitives, le piano à queue, et le piano droit. Proche du clavicorde ou du clavecin, il apparaît au cours du XVIIIe grâce à l’invention d’une mécanique innovante, permettant de donner une intensité plus ou moins forte aux notes jouées : c’est l’apparition du pianoforte. Bartolomeo Cristofori remplace les sautereaux qui pincent les cordes des clavecins par des marteaux, dont la mécanique de levier permet un jeu modulé selon le toucher du clavier.

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La mécanique est la colonne vertébrale du piano, c’est sa création et son amélioration qui ont conduit à la facture moderne de cet instrument au XXe siècle. Le levier permet au marteau de frapper la corde, puis de retrouver sa position initiale, et de répéter cette action pour un jeu rapide et virtuose, c’est ce qu’on appelle le mécanisme d’échappement.

Fortepian_-_mechanizm_angielski

Le facteur Sébastien Érard inventera plus tard le mécanisme de double échappement, qui permet un jeu encore plus rapide : le marteau n’a pas besoin de revenir à son emplacement initial pour pouvoir être joué à nouveau.

Les différents modèles et factures de piano qui sont apparus au cours des siècles ont beaucoup influencé la composition des œuvres dédiées à cet instrument, de par leur palette sonore, leur variété de timbre et leurs mécanismes. En 2010, l’autrice Sandra Rosenblum a par exemple avancé que si l’indication de pédales diffère entre les éditions françaises et allemandes des œuvres de Chopin, ce n’est pas une erreur d’éditeur, mais bien un choix délibéré du compositeur, adapté au jeu des modèles de piano utilisés dans ces deux pays. (in Third International Chopin Congress, Varsovie, 28 février 2010).

Aujourd’hui, les pianos modernes sont plus robustes et ont gagné en puissance. C’est tout simplement parce que la facture du piano repose sur des moyens industriels et maîtrisés et qu’il a bénéficié de la standardisation de nombreux processus de fabrication. Il en découle une attente d’un son puissant, brillant, avec une égalité et une longueur de son optimales.

Les facteurs ont tous joué d’inventivité pour améliorer encore et encore cet instrument, sans toutefois atteindre la perfection, qui reste inaccessible. C’est alors aux accordeurs de rentrer en jeu, dont le savoir-faire permet un réglage adapté à chaque instrument, et surtout à chaque pianiste.

Mais avant d’aborder la question du réglage du piano, voyons comment il est constitué.

Le piano à queue est constitué d’une ceinture, formée de plusieurs strates de bois collées entre elles, et mises à la forme dans un moule, afin d’obtenir cette silhouette caractéristique. Cette ceinture intérieure est ensuite renforcée par des barres qui sont assemblées et insérées dans des encoches. C’est sur ces barres que reposera la table d’harmonie. Le piano trouvera son aspect brillant par la suite grâce à l’application d’une fine couche de laque.

La pièce maîtresse du piano est sa table d’harmonie : elle est constituée de fines planches d’épicéa et de barres qui permettent la conduction de la vibration sur l’ensemble de la table. Le cadre du piano est ensuite posé dessus : c’est sur cet élément que sont fixées les plus de 220 cordes, une à une. Ces cordes en acier exercent une tension de plus de 20 tonnes !

Vient ensuite la fabrication du clavier : les touches en épicéa sont recouvertes d’ivoire artificiel.

La mécanique est une pièce complexe, comme on l’a vu plus haut. Elle doit être réglée extrêmement finement car elle comporte de nombreuses pièces qui doivent s’actionner entre elles, et composées de matériaux différents (bois, acier, feutre). C’est elle qui permettra d’actionner les marteaux, recouverts de feutre. Elle sera ensuite assemblée au clavier : on règle à ce moment-là la hauteur et l’enfoncement des touches.

Le marteau est actionné lorsqu’une touche est jouée, et frappe la corde correspondante, ce qui produit un son. Mais ce son a un volume sonore faible, et c’est la structure complète de l’instrument qui va permettre de l’amplifier : le son est conduit jusqu’à la table d’harmonie par les chevalets, ce qui va permettre une résonnance complète de l’instrument. Mais s’il est important d’amplifier le son, il faut aussi pouvoir l’étouffer : des feutres permettent à la note d’être interrompue une fois la touche relâchée.

Le système de pédales, permet d’obtenir une gamme de timbres encore plus grande :

  • La pédale forte libère tous les étouffoirs dont nous venons de parler. Les cordes peuvent alors résonner davantage
  • La pédale sustenuto (ou de soutien) agit un peu comme la pédale forte, mais uniquement sur les notes déjà jouées : elle permet par exemple de jouer un accord dont la résonance sera conservée, pour ensuite avoir les deux mains libres pour interpréter des parties complexes.
  • La pédale una corda (ou pédale douce) : sur un piano, il y a plusieurs cordes par note (les chœurs), ce qui permet d’avoir un son beaucoup plus riche. Avec la pédale una corda, les marteaux se déplacent latéralement, ce qui permet de ne jouer qu’une ou deux cordes par note, et donc d’obtenir un son plus étouffé.

La phase finale du montage est la pose des étouffoirs, puis du couvercle.

Vient ensuite le travail de réglage, d’accordage et d’harmonisation, qui rythmera périodiquement la vie du piano et qui est assuré par un accordeur professionnel.

Il s’agit d’ajuster les touches pour que le jeu du pianiste soit précis et fluide, puis d’accorder chaque note en commençant par la corde du milieu, puis celles de gauche et de droite, afin qu’elles correspondent au diapason. Une différence minime de hertz entre ces trois cordes occasionne une différence de réverbération importante : saurez-vous faire la différence entre ces 2 exemples ?

  • Corde de La à 440 herz et cordes périphériques avec une différence de 1,5 cent
  • Corde de La à 440 hertz avec cordes périphériques identiques.

Vient ensuite l’harmonisation : c’est un travail qui repose essentiellement sur le réglage des marteaux, pour qu’ils produisent le timbre attendu par le pianiste. Il peut être remodelé lorsqu’il a subi des déformations dues au temps, et réglé pour avoir un jeu plus ou moins souple, une sonorité plus chaude. Cette étape demande une extrême minutie de l’accordeur, qui doit répéter le geste à l’identique sur les 88 touches, piquer le feutre des marteaux pour l’attendrir, pour permettre à l’instrument d’obtenir un son unique.

Pour aller plus loin

Facture du piano

Réparation du piano

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