Quelle Capharnaüm !

- temps de lecture approximatif de 11 minutes 11 min - Modifié le 26/07/2024 par MC

Cité galiléenne antique, point névralgique entre les routes d’Europe, d’Asie et d’Afrique et péage douanier, Capharnaüm est aussi un village biblique d’importance, ministère de Jésus durant plusieurs années. L’expression restée dans la langue française aurait emprunté au lieu son caractère foisonnant… Focus sur la Capharnaüm antique.

Ruines de la synagogue de Capharnaüm
Ruines de la synagogue de Capharnaüm

La Capharnaüm Historique

Le site antique

Située sur la partie Nord-ouest du lac de Tibériade, à 15 kilomètres au nord de la ville du même nom, Capharnaüm, Kefar Nahum ou Tell-Houm, est également proche de l’embouchure du Jourdain. L’archéologie fait remonter la création de la ville à la dynastie Hasmonéenne, ou dynastie des Maccabées, au pouvoir en Judée au IIème siècle avant Jésus Christ.

Lac de Tibériade, Galilée, image Pixabay

Les différentes sources décrivent une cité prospère : proche de la frontière de la Galilée, bien positionnée au bord du lac de Tibériade générant une pêche quotidienne en plus des revenus de l’agriculture, Capharnaüm est surtout au croisement de plusieurs routes commerciales : la Via Maris la reliant à Damas, mais aussi vers le Nord en direction du Liban, et vers le sud en direction de l’Egypte. Cet emplacement et ses activités commerciales justifient la présence d’un poste de douane et d’une petite garnison romaine.

La cité aurait été rasée par les romains durant la grande révolte juive, entre 66 et 73 après JC. Reconstruite peu après, Capharnaüm est de nouveau florissante au IIème siècle. Sous Constantin, premier empereur chrétien, elle devient même lieu de pèlerinage. La conquête arabe ne semble pas avoir causé de dommages à la ville, mais un tremblement de terre au VIIème ou VIIIème siècle signe la fin de la prospérité de la cité, au point que le site sera abandonné durant le XIème siècle.

Renommée Tell-Houm, Capharnaüm devient alors un petit village où vivent quelques familles bédouines.

Le site à l’époque contemporaine

Custodie franciscaine de Terre sainte

C’est durant le XIXème siècle que le site historique est redécouvert : racheté partiellement par la custodie franciscaine de Terre sainte et le patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem, Tell-Houm va être le théâtre de nombreuses fouilles archéologiques. Si deux hommes, Edward Robinson et Charles W. Wilson ont déjà commencé les recherches ou établi des conjectures, en particulier autour des vestiges de la synagogue, c’est bien la custodie franciscaine qui est à l’origine des grands chantiers de fouilles.

Ceux-ci débutent en 1905, avec à leur tête deux archéologues allemands de la Deutsche Orient-Gesellschaft (Société allemande d’Orient). Puis des fouilles sont de nouveau autorisées entre 1921 et 1926, dirigées par Gaudenzio Orfali, dont l’ouvrage Capharnaüm et ses ruines, d’après les fouilles accomplies à Tell-Houm par la custodie franciscaine de Terre sainte (1905-1921) est toujours accessible.

Stoppées suite au décès de Gaudenzio Orfali en 1926, les fouilles reprendront entre 1968 et 1986.

Le site archéologique de Capharnaüm

Site archéologique de Capharnaüm, photo Joshua Lanzarini, Unsplash

Une synagogue du IVème siècle est mise au jour dès les premières fouilles au XIXème siècle. A la suite de la destruction du temple de Jérusalem, les populations se sont déplacées, amenant au bord du lac de Tibériade de nouveaux habitants. La prospérité revenue à Capharnaüm permet la construction de ce bel édifice. La synagogue est ornée de chapiteaux et de frises.

Synagogue de Capharnaüm, photo Christian Bible, Pixabay

Sous la première synagogue sont ensuite découverts des vestiges datant du Ier siècle : une synagogue plus ancienne, faite en basalte noir, dans laquelle les archéologues trouvent pièces de monnaie et poteries permettant sa datation.

Non loin de là une église byzantine octogonale est aussi mise au jour, datant du Vème siècle. Et sous cette église une « Domus Ecclesiae », un lieu de culte chrétien privé.

Un groupe d’habitations est également dégagé, datant de la même époque et toujours en basalte noir. Ces maisons sont disposées en Insulae, une forme d’habitat urbain courant durant l’Antiquité romaine dans lequel les maisons sont organisées en blocs avec des rues en angle droit.

Dans ce groupe d’habitations, une en particulier attise la curiosité des archéologues, celle qui se situe  sous l’église byzantine et qui comprend une « Domus Ecclesiae » : ses murs ont été recouverts de plâtre, fait rare pour l’époque, et elle se retrouve insérée dans la construction de l’Eglise. Les conjectures des archéologues les amènent à considérer cette maison comme une « insula sacra », qui aurait été la maison de l’apôtre Pierre…

La Capharnaüm Biblique

Jésus Christ, partage Didgeman, Pixabay

Capharnaüm est ainsi selon les analyses la ville de Simon, l’apôtre Pierre, dont la maison aurait été identifiée lors des fouilles archéologiques.

C’est aussi la ville la plus souvent citée après Jérusalem dans le nouveau testament, à tel point que certains auteurs la nomment « ville de Jésus ». Celui-ci s’y rend à plusieurs reprises, notamment à l’invitation des apôtres Pierre et André. Pour porter son message, Capharnaüm est un lieu idéal, du fait de sa situation géographique et des différentes populations qui s’y croisent. Voilà ce que nous dit Alviero Niccacci dans l’analyse qu’il consacre à Capharnaüm (Archéologie et nouveau testament : Capharnaüm et Tabgha) : « Cette région [la Galilée] est le centre de son activité, mais Capharnaüm et la maison de Pierre constituent son quartier général ».

Jésus prêche donc à Capharnaüm et y accomplit plusieurs miracles relatés dans les Evangiles. Ces miracles ont donné lieu à de multiples représentations au fil des siècles. De la mosaïque à la peinture, en passant par les estampes et les gravures, cette très riche iconographie nous permet de mesurer la forte empreinte de ces miracles dans le monde chrétien.

Voici quelques-uns des miracles accomplis à Capharnaüm ainsi qu’un exemple de leur représentation :

La guérison d’un paralytique

  • Evangile selon Marc chapitre 2, versets 1 à 12
  • Evangile selon Luc chapitre 5 versets 17 à 26
Christ guérissant un paralytique ; initiale ornée, par Ludolphus de Saxonia, XIVème siècle, Bibliothèque municipale de Lyon
Le Christ ressuscitant la fille de Jaïre, Nicolas Béatrizet, XVIème siècle, Bibliothèque municipale de Lyon

La résurrection de la fille de Jaïre

  • Evangile selon Matthieu chapitre 9, versets 18 à 26
  • Evangile selon Marc chapitre 5, versets 21 à 43
  • Evangile selon saint Luc chapitre 8, versets 41 à 42 et 49 à 55

La guérison de la belle-mère de Pierre

  • Evangile selon Luc chapitre 4, versets 38 à 39
  • Evangile selon Marc, chapitre 1, versets 30 à 31
  • Evangile selon Matthieu, chapitre 8, versets 14 et 15
Christ guérissant la belle-mère de saint Pierre, initiale historiée, Missel franciscain XVème siècle, Bibliothèque municipale de Lyon
La multiplication des pains par Sébastien Leclerc, estampe, XVIIème siècle, Bibliothèque municipale de Lyon

La multiplication des pains à Tabgha (à 2 kms de Capharnaüm)

  • Evangile selon Matthieu chapitre 14, versets 14 à 21 et chapitre 15, versets 32 à 38 
  • Evangile selon Marc chapitre 6, versets 34 à 44 et chapitre 8, versets 1 à 9
  • Evangile selon Luc chapitre 9, versets 12 à 17
  • Evangile selon Jean chapitre 6, versets 5 à 14

Pour aller plus loin dans la découverte de l’histoire de cette cité, du site archéologique, et des textes religieux qui s’y rapportent, voici quelques lectures :

Ouvrages et articles :

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